Au beau milieu de Yosemite Park, une nouvelle journée commence.
Plus qu’une nuit à y passer. Et il est temps de partir, car le sacro-saint pot de peanut butter est bientôt vide.

Fini la pleine nature, nous devons nous rendre maintenant au Backpackers Campground, à l’est du Village. Mais avant cela, il faut se retaper le chemin jusqu’à la voiture, une fois de plus ! Nous appréhendons pas mal car les côtes sont nombreuses, et en particulier à la fin du parcours.

Au final, ce fut dur, mais un peu moins que prévu.
Le soleil n’avait pas encore eu le temps de réchauffer complètement l’air ambiant, ce qui a rendu l’épreuve un peu moins étouffante. Sinon j’ai particulièrement aimé le passage de la randonnée où l’on traverse un terrain de sable. La veille c’était déjà assez surprenant, mais aujourd’hui, aux petites heures du matin, avec cette lumière fade et un peu rose, l’atmosphère était très lunaire. Le fan de S.F qui est en moi était comblé.

Les jambes en compote, le souffle perdu depuis longtemps, nous atteignons enfin la voiture.
Le niveau de mon eau potable a pris sacrément cher, il est temps de rentrer !

Arrivé à Yosemite Village, nous continuons notre route jusqu’à Curry Village, pour finalement s’arrêter dans un parking juste à côté, le Trailhead Parking. C’est le plus proche pour notre camping, mais cela nous fait tout de même dix minutes de marche pour l’atteindre.

Nous devons traverser en fait l’immense Pines Campground, qui est un camping très familial rempli de grosses caravanes et autres semi-remorques. Et tout au nord seulement, de façon presque clandestine derrière un bosquet, un tout petit périmètre est accordé pour le Backpackers Campground. Là-bas pas de semi-remorques, juste des randonneurs comme nous, mais souvent avec du bon matos !

En milieu d’après-midi, on se motive avec Tamir pour faire le Mist Trail.
C’est un sentier très populaire où l’on peut voir des chutes d’eau, qui se situe au sud-est de Yosemite Village, et nous est donc accessible à pied depuis notre camp. Il fait partie en fait du High Sierra Loop Trail, une randonnée géante divisée en une dizaine de parties.

La première, Vernal Fall Bridge, s’atteint après 1,3 km.
La dernière après 340 km…

Le Mist Trail se limite aux trois premières, Vernal Fall Bridge, Top Of Vernal Fall et Top Of Nevada Fall.
Le tout fait 5,5 km. Si on arrive au bout ça sera déjà bien.

Pour commencer, on se mange déjà 2 km de chemin pour arriver au début de la piste.
A son commencement, double surprise. Cette randonnée est en effet très populaire, à un point inimaginable. C’est un peu comme la promenade du dimanche. Dans les deux sens, un flot continue de personnes, comme si vous faisiez les soldes. Et de tout âge. On y va en famille, même avec des enfants en bas âge.

Des familles, des retraités, un public en général pas du tout équipé pour de la marche.
Le cocktail est assez détonant. Il s’explique surement par le roulement des autocars qui proposent des tours. On vous propose par exemple une visite du parc en une journée. On vous dépose en fait devant un endroit clé du parc, et on vient vous reprendre deux heures après. C’est ce que j’ai expérimenté plus tard au Grand Canyon.

Donc tout ça fait beaucoup de monde, avec une population qui n’a un peu rien à voir avec des campeurs. C’est d’autant plus encouragé que la première étape de la randonné est goudronnée. Si on est motivé on peut presque y aller en poussette…

Je précise motivé, car le chemin grimpe en continu, de façon moyenne le plus souvent, et très sévèrement par moment.
Avec ce soleil toujours aussi présent, je suis cramé physiquement après dix minutes d’efforts.

Petite pause au niveau d’un pont en bois, qui indique que nous sommes arrivés à la première étape, Vernal Fall Bridge.
Ce qui donne une première vue, encore lointaine, de cette chute d’eau.

Le meilleur reste à venir !
Nous arrivons à la fin du large chemin goudronné. Ensuite, ce sont des marches en pierre. Raides, à flanc de colline. Je ne réalise pas tout de suite l’enfer dans lequel je m’engage mais mes jambes vont vite me le signaler. Car la suite ce n’est que ça, que des marches. Tout du long. Un vrai truc de psychopathe !

Dans des randonnées dans les bois, même si le terrain est difficile, on enchaine les parties où on se fait violence avec d’autres où on souffle un peu, même si elles sont peu nombreuses. Mais avec des marches, fuck that, and fuck you. Tu te déglingues les cuisses du début à la fin.

On force comme on peut mais je voyais mal comment enchainer 5 km de cette façon.
A force d’efforts, nous arrivons au pied de Vernal Fall. L’eau y chute de 100 mètres, pour ensuite reprendre son calme dans la Merced River, qui sillonne la vallée de Yosemite.

La chute est déjà très belle en soi, mais en plus à son contrebas se trouve un arc-en-ciel, ce qui rend le lieu encore plus poétique. Exténués, nous en profitons avec Tamir pour marquer une nouvelle pause et casser un peu la croute.

Un moment agréable et nécessaire, mais qui rendra le retour à la marche encore plus douloureux.
C’est bien connu, il ne faut jamais s’arrêter ! On trime comme des dingues pour atteindre le sommet de Vernal Fall. Les derniers 100 mètres sont directement creusés dans la montagne. Un filet de protection borde le vide à votre gauche, qui vous tend les bras.

Après un dernier coup de rein, nous atteignons enfin Top Of Vernal Fall.
La zone où nous avons accès est un immense bloc de granite, dont l’intégralité est protégé par une barrière. La vue n’est pas particulièrement à couper le souffle. La vallée en face de nous est assez quelconque, même s’il est intéressant de voir partir ce mince filet d’eau avant sa grande chute.

Derrière nous, le chemin pour Nevada Fall continue à droite.
En face, nous tombons sur une espèce de mini lac, Emerald Pool. Je sens la volonté de Tamir totalement se dissoudre devant ce plan d’eau. Lui aussi en a plein les jambes, et préférerait bien plus se rafraichir dans l’eau que de se taper 3 km d’escalier supplémentaire… Je suis moi en roue libre depuis bien trop longtemps, je vais donc tirer un trait sur la fin du Mist Trail sans vraiment de remords. Tamir non plus.

Beaucoup de gens profitent de l’eau, malgré qu’elle soit un peu fraiche.
Les jeunes profitent de la pente douce du granit qui borde le lac pour se laisser glisser avant un grand splash final. Ne souhaitant pas laisser mon reflex sans surveillance, je resterais sur la terre ferme.

J’ai pour autant une mission importante, qui est de surveiller les deux bières que j’ai mises dans l’eau.
Je la dégusterais un peu plus tard avec Tamir, au soleil, au bord de l’Emerald Pool, où les personnes qui farnientent se compte par dizaines. Cette pause bière est à l’initiative de Tamir, et bien lui en a pris. Quoi de mieux en effet qu’une petite mousse perché au milieu d’un rocher. La meilleure des terrasses de bar au monde.

Mieux que cela. Si on m’avait dit un an plus tôt, alors encore en France, que j’allais m’envoyer une bière au beau milieu du massif de Yosemite Park, en Californie, aux Etats-Unis, et que je la partagerais avec un jeune dude venant d’Israël, je ne pense pas que j’y aurai cru une seconde.

De retour au Backpackers Campground, il va falloir ruser.
En effet, le responsable ne veut pas que l’on utilise du bois de récupération pour faire notre feu, mais que l’on en achète à Curry Village, à l’exact opposé de notre camp.

What ?
C’était donc un peu mission commando. Récupérer du bois, l’amener derrière une butte. Puis lorsque le responsable du site n’était pas là, en ramener discrètement dans notre fire pit.
Mission complete.

En fin de journée, je crois entendre des bruits bizarres au loin.
Puis après plusieurs minutes, des coups de feu sont tirés. Mêlés bien vite avec des cris humains. C’était assez étrange ! On apprendra plus tard qu’un ours se trouvait un peu trop près du camp, et que les Rangers sont intervenus pour le faire fuir. Mais que pour eux évidemment, c’est la routine.

La bonne blague du campeur du jour. Croire avoir acheté une soupe au poulet en conserve. L’ouvrir pour finalement s’apercevoir que c’est une soupe…saveur de poulet.

Pas de viande à l’intérieur.
Bon ba ça sera encore du riz pour ce soir ! On se rattrapera en finissant le paquet de marshmallow.

Nous profitons de cette dernière soirée en compagnie des étoiles.
Nous sommes le 28 juillet, dans un mois pile je rentre en France. Après tant de temps en vadrouille, c’est quelque chose d’assez dur à réaliser. Plus que 31 jours. Je sens qu’ils vont filer aussi vite que du sable s’écoulant dans le creux d’une main.

Nous partons nous coucher avec l’idée de se lever tôt pour pouvoir être de retour en fin de matinée sur San Francisco.
On était loin de s’imaginer de la suite des événements…

A l’aube, lorsque les rayons du soleil ne parviennent pas encore à transpercer totalement le gris ambiant, nous plions le camp pour la dernière fois. Nous traversons le camp Pines et ses semi-remorques. Aucune présence humaine en vue, tout le monde dort, ce qui rend l’ambiance un peu glauque, comme déambuler dans une fête foraine vide.

Arrivé au parking, qui peut contenir une cinquantaine de véhicules, pas moyen de trouver le nôtre.
Wtf… J’ai en plus le malheur d’avoir été le dernier à toucher la voiture la veille, et même si je suis sûr de l’avoir bien fermé, je ne suis pas dans la meilleure position.

Avec Tamir pour partons à la recherche d’un Ranger, mais toutes les petites antennes à l’entrée des camps sont encore fermées. Après dix minutes, nous retournons au parking, pour retrouver Pauline avec une voiture de Rangers. Ces derniers nous apprennent que notre voiture se trouve à la fourrière. Ouf de soulagement de la part de Tamir, car ce dernier avait eu la bonne idée de laisser tous ses papiers à l’intérieur…

La raison de cet enlèvement, c’est que nous avons laissé de la nourriture visible dans la voiture.
Or, comme partout dans le parc, il faut la mettre dans des coffres spéciaux. On y a fait attention dans les camps, mais pas du tout au parking, où effectivement des coffres sont présents en bordure.

La fourrière se trouve à Yosemite Village.
On trouva heureusement très rapidement quelqu’un pour nous prendre en stop et nous y amener. Seulement il est trop tôt, elle n’ouvre que dans 40 minutes. La matinée s’annonce longue…

Nous attendons de l’autre côté, en face d’un grand bâtiment qui fait office de magasin de souvenir et restaurant.
Lui aussi n’est pas ouvert, et bien vite on se fera virer car les employés commençaient à laver le sol au jet. Ou comment se sentir encore un peu plus indésirable.

La fourrière ouvre, ça sera $100 les gens.
En chouinant un peu, la facture passe à $80. Bon, divisé par trois, c’est un moindre mal. On pense s’en sortir assez bien. Nous devons marcher encore un peu, car ici en fait ce n’est que le garage, la fourrière se trouve plus au nord, près de la caserne des pompiers.

Sur place, ces derniers nous apprennent qu’ils ne gèrent pas la fourrière, c’est le rôle des Rangers. Ils sont tous partis en mission à ce moment-là, mais ils sont prévenus que nous les attendons. Le temps se fige une nouvelle fois. Nous n’arriverons pas en avance sur S.F, c’est maintenant acté.

Une bonne heure plus tard, un Ranger nous prend enfin en charge.
Direction la fourrière toute proche, où nous retrouvons notre voiture. Ça c’est pour la bonne nouvelle.

La mauvaise, c’est que la facture que nous avons réglée un peu plut tôt ne comprenait que les frais de l’enlèvement.
Pas l’amende. L’amende, elle, la Ranger nous la donne, et elle monte à $600.
What the…what the…fuck ?

Ou comment se recevoir une enclume sur la tête, façon Nicky Larson.
Tamir se rendra à l’US District Court qui se trouve quelques centaines de mètres plus loin, mais rien de miraculeux n’en débouchera. Il y a des facilités de paiements, mais la somme reste monstre. Si l’amende n’est pas réglée, le propriétaire du véhicule aura des problèmes lors d’un futur voyage aux Etats-Unis.

Evidemment, sur le papier, c’est Tamir qui est responsable, vu que c’est sa voiture, il devait y faire attention.
De manière plus générale également, car lui ce n’est pas la première fois qu’il met les pieds dans un parc, il était un peu plus averti.

Pour autant il est compliqué de ne pas se sentir mal à l’aise dans cette situation.
Il prendra ses responsabilités et ne nous demandera pas de régler cette dernière ardoise. Il faut dire qu’après Yosemite on se sépare, donc il aurait été compliqué de suivre cette affaire. Mais bref, c’est une histoire qui pue assez, où on a bien chié dans la colle.

Après toutes ces péripéties, nous prenons enfin la route du départ.
Direction l’ouest pendant plus de 3h. Dans la même fournaise que durant le trajet aller.

Nous quittons Tamir là où il nous avait captés, à Berkeley.
On se quitte en gardant le meilleur en tête. Il reste dans la région bosser dans un festival.

Dans le Bart en direction de San Francisco, Pauline me fait remarquer les couleurs que j’ai prises durant ces derniers jours. Crapahuter durant trois jours en extérieur, effectivement cela laisse des traces ! Je n’atteindrai cependant pas le fort teint hâlé que j’avais obtenu après mes trois premières semaines de woofing l’an dernier. Ooh souvenirs, je radote déjà.

Une fois arrivé, direction l’European Hostel sur Minna Street.

Je file aussi vite que possible sous la douche, pour vivre un moment dont j’ai rêvé depuis plusieurs jours !
Pauline trouvera dans la journée un rideshare pour le lendemain en direction de Los Angeles.
Banco !

Je profite des dernières heures qui me reste sur S.F pour me rendre sur Lombard Street, et voir de mes yeux cette rue en serpentin, où les voitures ont l’air de surfer dessus tellement les virages sont incessants. Ces lacets ne correspondent qu’à un block de cette rue. Les deux blocks en amont sont juste un gigantesque « pain in the ass ». Je peux quitter San Francisco en paix, je pense avoir trouvé sa rue la plus inclinée.

De retour à l’hostel, je ne traine pas trop.
Il est bon de se poser un peu après toutes ces folles journées. Et encore pas mal de route m’attend encore demain.

So, finally, goodbye S.F !
Petite amertume de n’avoir pas pu trouver quelque chose de plus stable dans cette ville, pour en profiter encore plus. Même si au final on a pu en voir pas mal. Et puis merde, de l’imprévu, des rencontres, c’est ça le voyage !

Cette petite amertume, que je soupçonne d’être teintée de nostalgie, est pourtant très largement contrebalancée par l’excitation de se rendre dans une nouvelle ville. Et pas des moindres.

Demain, c’est L.A.
Los Angeles.

Un nouveau grand saut dans l’inconnu !