Après avoir libéré mes sacs de leurs sangles étrangleuses, me voici aussi libre qu’eux.

Seulement voilà, il est 7 h du matin, j’ai la tête dans le pâté et je dois pourtant m’occuper pour la journée, car mes hôtes Couchsurfing ne seront chez eux qu’à partir de 16 h.

Donc bon, il va falloir se bouger tout de même.
Que faire en arrivant à Sydney ? Aller à l’opéra, bien entendu !

Et ce n’est pas très compliqué de s’y rendre car, dans les allées du métro, d’immenses affiches proposent un plan de la ville avec la localisation des principaux sites touristiques. Pour l’opéra, il semblerait qu’il faille se rendre à Circular Quay, en passant par la ligne T2 Airport, Inner West & South Line. Très bien, allons-y.

Première baffe, le prix du billet devant l’automate. 17 $ ! Pour un seul voyage ?! Même converti en euros ça pique, juste pour un billet de transport.

J’apprendrai plus tard que ce prix prohibitif a seulement cours pour les départs depuis la station de l’aéroport. Une taxe de bienvenue…

Mon ticket en poche, premier fail de ma part sur le sol australien.

En effet, dans tout pays civilisé, pour franchir les portes sécurisées d’un métro, il faut insérer son ticket dans la machine avec la bande magnétique en direction du sol. Sauf qu’ici, non.

sydney-train-ticket

Après plusieurs essais infructueux dans cette bouche de métro vide, l’employée au guichet m’indique le bon sens d’insertion, qui est donc inverse. Évidemment, ça fonctionne mieux mais tout en marchant, je restais encore assez stupéfait devant ce qui me paraissait être une telle aberration. Ce n’est pas l’affaire du siècle bien entendu, mais merde tout de même !

En parlant de métro, je vais un peu vite en besogne. Sydney ne possède pas de métro mais un réseau très dense de trains de banlieue, formant une toile autour de la ville. C’est un peu semblable à nos RER.

Les rames sont à double étage et très modernes. Pas beaucoup de monde en ce début de matinée. Tant mieux, cela me fait un peu plus de place pour mes sacs.

© Steven Pam
© Steven Pam

Après 5 arrêts underground, le train T2 sort de la pénombre pour surgir au cœur de Sydney, au bord des quais nord. Me voici à Circular Quay. La mer est visible depuis la rame et se trouve à 100 mètres, une fois descendu de la plateforme surélevée où passe la ligne.

Je tombe sur une grande place. Évidemment, même histoire, un peu déserte vu le timing.

Je remarque un McDo au fond sur la droite. Chic, quelque chose de reconnaissable. On ira y faire un tour plus tard. Pour le moment, la mission c’est plutôt de trouver l’opéra.

N’ayant qu’un plan sommaire sur moi, je savais juste qu’il était censé ne pas être très loin, proche de la mer. Rien de plus précis. Aucun panneau dans les parages, je décide donc simplement de me rapprocher de l’eau, et d’un côté ou de l’autre, je devrais bien réussir à tomber dessus.

J’arrive à proximité d’un grand quai faisant office de terminal pour les ferries. À la différence des trains, leur flotte est franchement dépassée. Les bateaux font très années 80 et paraissent assez usés.

Tout cela me fait assez penser à Seattle, qui possède le même type de transport hub, incluant des ferries dans son réseau. Le même front de mer, la même odeur iodée si caractéristique qu’apporte l’air marin à une ville côtière.

Surtout que niveau météo, j’ai plus l’impression de me trouver dans l’hémisphère nord que dans l’hémisphère sud. Très nuageux, le ciel est d’un blanc triste immaculé, avec un petit vent frais bien de chez nous. Non, franchement cela ne me changeait pas vraiment de mon Havre natal. C’est une particularité de Sydney. Les jours couverts, vous n’avez pas l’impression de vous trouver au bord du Pacifique sud. Par contre, les jours ensoleillés, le ciel bleu et l’eau turquoise illuminent les lieux et plus de doute possible, vous vous trouvez bien en Australie.

Mais aujourd’hui n’est pas un de ces jours.

Toujours aucune indication, je continue mon chemin en longeant sur la droite et très vite, une fois la vue un peu dégagée, j’aperçois au fond sur ma gauche le Harbour Bridge qui enjambe la baie. Voitures et trains y passent pour accéder au nord de la ville, cela semble être une grosse artère de cette dernière.

harbour_bridge

Enfin, après avoir avancé un peu plus sur le quai, une masse blanche sur ma droite se dessine en arrière-plan. L’opéra se dévoile.

Sydney_Opera

Pas le meilleur jour pour l’observer, car (ciel) blanc sur blanc, ce n’est pas le meilleur combo. Sa voilure me paraît ainsi plutôt grise. La photo que je vous présente a été prise quelques jours plus tard. Assez étrange de se retrouver face à un monument que l’on a tellement vu par le passé, que ce soit en images ou en vidéo. Passé les premières secondes, l’effet est assez quelconque, on a déjà l’impression de le connaître.

La brise marine se fait bien ressentir. Je me serais bien arrêté dans le long café qui borde le quai donnant sur l’opéra, mais les employés en sont juste à préparer l’ouverture. Je me décide alors à faire le tour du monument.

C’est un peu le spot des joggeurs : on a beau être très tôt le matin, un jour de semaine, j’en croise une bonne dizaine en l’espace de quelques minutes. Et tous en mode new-yorkais, hommes et femmes, avec petit short et baskets fluo typés running. Comme tout pays anglo-saxon, on sent qu’ici, ce sport est pris avec beaucoup de sérieux.

Une fois de l’autre côté, je remarque qu’un parc est collé à l’opéra. Mais cela en est un peu trop pour moi et les deux poids morts que je porte ! Je refais le chemin inverse dans l’espoir de trouver un café ouvert, et avec du Wi-Fi. Mais c’était un peu trop demander pour une ville qui commence à peine à se réveiller.

Retour donc à Circular Quay et son McDonalds.

Histoire de me caler à l’horaire local, je commande un menu breakfast. Bacon, œuf, patate et saucisse pour la gagne. Et alors, à moi le free Wi-Fi ! Histoire de reprendre contact avec la France libre.

Une bonne demi-heure plus tard, le poids de mes sacs et celui de la fatigue coupent assez court à mon envie de visiter davantage la ville. Je pourrais les laisser dans un hostel moyennant finance, mais le coup de barre commence à bien me tomber dessus.

Ce qui ne m’arrange pas car il n’est même pas encore midi ! J’ai encore beaucoup trop de temps à perdre jusqu’à 16 h. Je décide de tuer un peu le temps dans les transports en me rendant à l’adresse de mes hôtes, vu que c’est en banlieue ouest de Sydney, avec l’espoir de trouver un café ou n’importe quoi d’autre dans le coin pour pouvoir m’écrouler quelques heures.

Je remonte dans la station Circular Quay, toujours ligne T2, direction Guildford cette fois, pour approximativement 35 minutes de trajet. Ce qui est bien trop long lorsque vous piquez du nez. En plus du petit roulement du train qui vous berce, le ciel a eu la mauvaise idée de se dévoiler, laissant un grand soleil prospérer, rendant l’atmosphère dans la rame – bien que climatisée – encore plus soporifique. Une ambiance de sieste, pour faire court.

Je lutte vaillamment à chaque fois que ma tête tombe. Au point de voir surgir un lancinant mal de tête, signe que mon corps n’en peux définitivement plus et a besoin de se reposer. Seulement, j’en suis encore loin…

En sortant du train, c’est un peu ambiance no man’s land. Le type de quartier résidentiel reculé typique nord américain : des habitations avec quelques commerces perdus dans le coin. Du type mini restaurant, mini café, salon de coiffeur, dans des rues quasiment vides d’âmes. Le type de quartier où il faut être véhiculé sinon vous ne pouvais rien faire.

Après quelques minutes à vagabonder, classique Mosby, je comprends que j’ai pris la mauvaise sortie à la gare. Je remonte Calliope Street, un vicieux faux plat de 100 mètres. Les lotissements que je croise sont tous des petits blocs d’immeubles de 2 ou 3 étages. Le plus souvent pas en très bon état. Bon ce n’est pas encore Bagdad, je vous rassure.

En chemin, je croise aussi beaucoup de détritus, chaises, meubles et autres bibelots qui traînent le long de la rue. Bref, pour l’atout charme, on repassera.

J’arrive au numéro de mes hôtes, pour tomber devant un petit lotissement en brique.

OK cool, maintenant que j’ai repéré la place, plus qu’à trouver un endroit pour dorm… patienter. Et cela ne pourra pas se faire au niveau de l’entrée rue du bâtiment, le seul rebord disponible pour s’asseoir étant envahi de fourmis.

Malgré mes cernes et mes yeux rouges, j’arrive à me faire servir un cappuccino dans le premier – et unique – café en face de la gare. Un café de 10 m2, sans Wi-Fi, dont une table était déjà occupée par des Chinois en costard en plein rendez-vous business. I need to find a better place.

Je tombe enfin sur une rue un peu plus vivante que les autres, avec des petits commerces et épiceries orientales, cette partie-là du quartier étant très halal. Je m’arrête dans un genre de café-restaurant lounge et commande une sorte de croque-monsieur maison. Sans œuf. Et sans viande. Oui, un croque-monsieur vegan, quoi. Heureusement, la sauce BBQ m’a aidé à faire passer le tout.

Malgré l’écran géant, malgré internet, je… Oui, c’est ça, je m’emmerde. Mes yeux sont de toute façon si fatigués que je ne peux pas faire de sessions supérieures à 10 minutes.

Les coups de 15 h sonnent enfin. Il faut que je bouge, je n’en peux plus. Je me dirige à nouveau vers l’adresse de mes hôtes, avec l’intention d’attendre sur place les 60 minutes restantes.

Une fois arrivé, je m’aperçois qu’une connexion Wi-Fi non sécurisée est disponible dans le coin. Bingo ! Je check mes e-mails histoire de tuer le temps, ça ne fera que la 10.000 ème fois aujourd’hui.

Mais là, c’est le drame.
Coup de théâtre chez les Rouges !

Je reçois un e-mail de Katy mon hôte, qui me demande si on peut décaler notre rendez-vous à 18 h car elle a un peu plus de travail que prévu.

Dix tonnes me tombent sur les épaules. Des 50 minutes qu’il me restait avant la sieste libératrice que je commençais à pouvoir toucher du doigt, on m’en rajoute 120 de plus.

Le dépit m’envahit, ainsi que l’embarras.

Car bien qu’elle me précise qu’elle puisse toujours arriver à l’heure convenue, je me vois mal lui demander de quitter son job s’il lui reste du boulot. C’est ce que je lui réponds et n’ayant plus beaucoup de batterie, j’en resterai là.

Dans quelle galère me suis-je fourré…
Comment re-tuer du temps lorsque l’on a déjà atteint ses limites.

Sur le banc d’un petit parc proche, je médite sur ce beau fiasco. Et j’en viens surtout à la conclusion que je ne peux pas rester ici à ronger mon frein.

Je pense alors prendre le train et y perdre mon temps en étant bercé. Et vu qu’au niveau de Circular Quay la ligne fait une boucle, tout m’y encourage. Sauf que je tombe dans les heures pleines, sortie des bureaux, et que le tarif du billet double. 14 $. Et si jamais ça foire, re-14 $ pour rentrer.

La galère, la vraie.

Je décide de m’installer sur un banc de la station, en espérant que le bruit des trains me tiendra éveillé. Même pas en rêve. J’enchaîne les micro-siestes de 10 secondes malgré toute ma bonne volonté. J’essaye un banc à l’extérieur de la station, idem, mon corps me lâche. Seulement, avec mes deux backpacks, ce n’est pas vraiment le moment.

Quitte à m’écrouler, autant le faire dans le hall où je suis censé rentrer.

Je me dirige à nouveau sur Calliope Street et cette fois-ci, je rentre dans la petite allée pour me stationner devant leur entrée. Assis par terre, accoudé derrière une vitre, je me sens partir. Mais fort heureusement, plusieurs voisins rentreront chez eux entre-temps, me forçant à rester éveillé et à baragouiner un peu d’anglais avec difficulté, comme si j’avais 3 grammes dans le sang. Rester éveillé frustre mon cerveau, qui me renvoie un mal de tête toujours plus intense.

Mais après toutes ces galères, une fois avoir touché le fond, on finit toujours par rebondir.

Malgré la batterie vacillante de mon iPhone, je tente une connexion express, au cas où j’aurais raté un e-mail. Et il se trouve que Katy m’avait répondu, et qu’elle sera finalement bien là à l’heure prévue. C’est-à-dire en fait dans quelques minutes.

Quel soulagement !
Je recommence à toucher du doigt ma sieste libératrice.

Katy ne tardera pas à arriver, et je trouverai encore l’énergie pour faire bonne figure, paraître présentable et friendly. On monte les escaliers jusqu’au deuxième étage, puis elle me fait un rapide tour de l’appartement. Aussi bien entretenu qu’une coloc Erasmus, mais je n’ai pas le temps pour cela.

J’ai surtout retenu que je disposais d’une chambre pour moi seul.
L’orgasme.

Je fais acte de présence encore quelques minutes, me force à converser avec elle, mais bien vite je quitte le navire, sans bruit ni fracas.

16 h 20, je saute dans mon lit, programme un réveil à 19 h 30, et peux enfin offrir à mon corps ce qu’il réclame depuis une journée, et plus urgemment depuis quelques heures.

Je m’endors instantanément, après cette arrivée des plus pénibles et… rocambolesque.