Mes jours sur Blaxland sont désormais comptés. A force d’envois de demandes HelpX, je commence à recevoir des retours positifs, mais rien de définitif encore.

En attentant, l’échange culturel entre moi et Keith bat son plein. Principalement au niveau culinaire. Le frigo de ce dernier est recouvert de recettes de ses helpers. Ce qui est assez cool, car du coup on se retrouve avec des recipes assez exotiques (russes, chinoises,etc…).

Keith décida donc un bon matin de nous introduire à la confection de dumpling. Plat qu’il a appris à préparer grâce à d’anciens helpers asiatiques. Il s’agit de fines feuilles de pâtes, que l’on garnit avec une composition de son choix, avant d’enrouler le tout. Dans sa recette, on les fait ensuite frire à l’huile.

Nous aurons tout de meme droit à une petite touche oz, car pour la garniture, notre hôte nous envois acheter de la viande de kangourou ! Il la fera revenir avec une sauce dont lui seul a le secret et qu’il tient à garder pour lui.

La fille du trio magique m’épaulera dans la confection des dumplings. Et ca ne sera pas de trop car ces petits bouts de pâtes sont loins d’être simple à confectionner ! Il faut humidifier 2 tranches d’une fine pâte carré, avant de procéder à quelques mouvements précis pour arriver à la forme voulue.

Mais notre dur labeur sera récompensé. Nos dumplings sont à la fois légers et croustillants, avec une saveur légèrement épicée. Au sujet du goût du kangourou, c’est assez dur à expliquer. Pour sûr, une fois en bouche, cela ne ressemble ni à du poulet, ni à du boeuf. Ce n’est pas non plus aussi fort que du gibier, mais peut être que je pencherais sur un goût qui se rapprocherait plus de ce dernier. Un très léger soupçon de gibier.

Quelques jours plus tard, un dimanche matin, Keith doit se rendre à une compétition de Blood Bowl, un jeu de plateau. Oui oui, un vrai geek ce bon vieux Keith. Gnomy (surnom du voisin et ami de Keith, qui ne s’appel donc pas Naomi au final, my bad !) est aussi de sortie. C’était étrange de le croiser de bon matin, avec des yeux fatigués dû au réveil matinal mais frais et sobre. Il fait tout de suite moins extraverti.

Toute la petite bande d’helpers français se motive à les suivre, car à les écouter, cela a l’air d’une grande compétition. Mais nous avions compris de travers !

Direction Penrith, petite ville à l’est de Blaxland, et plus particulièrement au Nepean Rowing Club. Un club d’aviron qui se trouve au bord de la Nepean River. Ce club dispose d’un grand bâtiment abritant bar, restaurant, salle de jeu et de conférence.

Quinze petites minutes pour s’y rendre, à petite allure, car moi et le trio sommes assis dans la partie arrière du van, directement sur la taule, en mode clandestin ou séquestration par un serial killer, au choix.

Compris de travers donc, car en arrivant dans la grande salle principale, nous ne tombons que sur 3 autres joueurs. La sensation de vide est d’autant plus importante que cette pièce contient des tables pour bien 100 personnes, le contraste est ainsi assez saisissant.

La grande compétition à laquelle nous nous attendions accouche donc d’une souris devant nos yeux perdus. Pour autant, il est intéressant de voir les 2 compères si jovials d’habitude prendre cette fois un minimum de sérieux durant leurs parties, qui se déroulent en simultanées. Il est également plaisant de constater la mixité des âges. Leurs 2 concurrents se situant dans leur milieu de vingtaine.

L’un d’entre eux nous rappel que la nature peux être injuste. Avec ses cheveux mi longs soyeux et sa très légère barbe de 3 jours, notre Kevin Costner australien a tout du tombeur. Et pour autant il joue à des jeux de plateau ! Heureusement, pour contrebalancer, la dernière personne présente, l’arbitre du jeu vers qui on se tourne dès qu’il y a un coup litigieux, lui a parfaitement la tête de l’emploi, avec sa barbe fournie drue et ses cheveux longs encore humides.

Ce complexe comprend une grande terrasse donnant sur la Nepean River. En ce dimanche ensoleillé, l’endroit est particulièrement appréciable. Quelques équipes féminines sortent leurs avirons de la rivière, ou au contraire, se préparent pour une séance d’entrainement.

Le Victoria Bridge, datant de 1867, se dresse fièrement au dessus de l’eau. L’endroit est assez charmant il faut dire, et particulièrement à cette période de l’année. Les arbres en fleurs, d’une palette variant du violet au rose, entourent le club d’aviron.

Le long de la rivière, bordé d’un chemin et d’espaces vert, n’est pas en reste. Les habitants apprécient y faire des balades, les vttistes de s’y dégourdir les jambes, et les pêcheurs de taquiner du poisson, entre 2 siestes.

Bref, on se fait un peu chier, mais le coin est fort agréable. Le trio magique part vite pour essayer une voiture sur Penrith, tandis que moi je retourne sur la terrasse, attendant que les parties se finisses. Mais il y en a bien pour 1h30/2h encore…

Je me dirige ainsi en terrasse, pour bouquiner un peu. Ayant décidé de limiter ma consommation de cigarette, je n’en ai aucune sur moi. Seulement lorsque les heures sont longues, l’envie d’en griller une est assez incontrôlable. A plus forte raison lorsque l’on fume à côté de vous.

En effet, à ma droite, 2 amies, la quarantaine triomphante. J’arrive à leur octroyer une clope, que j’apprécie à sa juste valeur après plusieurs jours de rétention. Plus tard, lorsqu’une des amies est partie, la femme restante me propose assez vite de la rejoindre, me proposant une nouvelle cigarette. Je répond à son appel, le temps passant plus rapidement durant une conversation.

Mais au final, quelle galère !

Cette dernière, le visage passablement usé avec une coupe de cheveux vieillotte, n’a vraiment rien d’une MILF, mais surtout on sent que ca ne tourne pas vraiment rond dans sa tête. Rien de clinique, juste une dépression qui se devine sans devoir gratter beaucoup la carapace. Elle m’avouera assez vite qu’elle ne se sent pas bien en ce moment.

Son visage rayonne lorsqu’elle apprend que je suis français, mais j’ai un mal fou à me faire comprendre. Pour le coup cela vient vraiment d’elle, car même en me forçant à parler très lentement, elle ne comprenait pas grand chose de ce que je disais, meme pour des phrases simples qui passent en générales toutes seules.

Ce petit meeting me frustra et me fatigua ainsi assez vite, mais pour elle non. J’étais pour une fois l’exotisme, qui agissait comme un aimant pour elle. Son état de dépression apparent n’aidant pas. Tout était bon pour échapper à son quotidien. Elle me propose bientôt de me payer un verre, et je lui répond qu’elle n’est vraiment pas obligée.

C’est à ce moment précis que Gnomy débarque sur la terrasse, l’oeil malicieux. Il me prévient que la partie est bientôt finie, mais que je peux rester ici plus longtemps, en me donnant presque un clin d’oeil.

Je réalise alors assez vite qu’une cougar essaye de me mettre le grappin dessus, mais comme précisé plus haut, elle n’est pas de mon goût. Je profite donc de la porte de sortie offerte par Gnomy pour me libérer de ma convive.

Durant le trajet retour, cette histoire fera les choux gras des deux compères australiens. Un drame pour eux, car j’ai refusé du « free sex » ! Sauf que j’ai la chance d’avoir encore des standards, je ne suis pas aussi désespéré que ces derniers !

Durant les jours suivants, j’arrive à sécuriser une place en HelpX à Woodford, une petite bourgade à tout juste 10km plus à l’ouest de Blaxland.

Je me rapproche ainsi de Katoomba, qui se trouve elle encore un peu plus à l’ouest, la grande ville touristique des Blue Mountains, où les principaux sites touristiques s’y trouvent.

Le jour où je sécurise ce nouvel hôte, j’apprend que le trio part le lendemain pour faire du fruit picking. Cruel moment ! J’aurais pu rester un peu plus longtemps avec Keith. Mais je réalise assez vite que c’est un mal pour un bien, car cela m’aura pousser à me bouger pour voir autre chose. Ce qui est un peu l’essence du voyage, mais il est si facile de laisser filer des semaines quelque part…

Le lendemain, après des jours de négociations, j’arrive enfin à motiver Keith pour une partie d’échec. Ce dernier y ayant beaucoup joué dans le passé mais ne pratiquant plus beaucoup. Et là, la blague, il me sort un échiquier édition Waterloo. Ce n’est pas des plus positifs pour moi !

Je prend tout de même les pièces de l’armée de Napoléon, durant que mon hôte prend celles des Alliés.
A moi de réécrire l’histoire !

Combat intéressant, car nos styles sont très opposés. Moi très défensif, et Keith au contraire attaquant à tout va. Je souffre à chacun de ses mouvements, mais après 10 minutes de jeu il laissera sa reine sans defense assez bêtement. One for the french guy !

La deuxième partie sera aussi courte, dans un schéma assez similaire, mais c’est moi qui laissera une porte ouverte qui me sera fatale. Tout se jouera dans la dernière partie. La France me regarde ! La pression est intense. Keith est plus offensif que jamais, je ne fais que reculer et essayer de contrer ses attaques durant bien 20 minutes. Toutes mes barrières se trouvent dépassées et je dois sans cesse en construire de nouvelles, mais la rupture peut intervenir à tout instant.

Heureusement, la magie du jeu d’échec apparue, et après des dizaines de minutes à devoir sauver les meubles, je trouve enfin une micro ouverture, qui me suffira à changer diamétralement la physionomie de la partie jusqu’à arriver à une victoire des miens des plus inespérée. C’était beau, c’était intense, et au final, quel soulagement. A moi la légion d’honneur !

Parallèlement, le trio magique plie bagage, sans tambour ni trompette. Des adieux assez neutres, autant de leur côté que de celui de l’aussie guy.

Deux jours plus tard, le jeudi 5 novembre, c’est à mon tour de le quitter.

Il me propose de me déposer à la station de train de Woodford, ce que j’accepte volontier.

Je dois avouer que j’ai une assez sale curiosité au sujet de notre au revoir. J’ai pu voir, avec satisfaction, que mon armoire à glace en faveur du port d’arme n’a montré aucune émotion particulière lors du départ des autres français. Ayant partagé plus de moments avec lui, ayant appris à se connaitre et, je pense, à s’apprécier, j’avais hâte de savoir si mon sentiment était réciproque.

En ce jeudi nuageux où le ciel est bas (oui oui cela arrive), nous fonçons direction l’ouest, en empruntant la voie rapide A32. Cette dernière suit de près la voie ferrée, et se fraie un chemin dans des courbes assez tortueuses, au milieu du relief des Blue Mountains, composé de vastes forêts et par moment de murs de rochers.

Nous arrivons bien vite à la petite gare de Woodford, et sur son parking, Martin, mon nouvel hôte, sort de sa belle berline allemande.

Apres avoir vanté mes atouts de cuisinier à ce dernier, c’est l’heure des adieux pour Keith et moi. Je le sens touché, et c’est idiot comme précisé plus haut, mais cela me rassure. Il ne me traite pas de la même manière que les autres, ce qui est une belle preuve de l’échange positif que nous avons entretenu ces dernières semaines.

Une page se tourne, et j’en ouvre une autre à Woodford. Avec Martin, je n’ai pas du tout à faire au meme personnage. Mince et de taille moyenne, ses cheveux courts, sombres et grisonnants sont la marque d’un jeune retraité.

Allemand de nationalité, il a gardé un fort accent de son pays d’origine. Et c’est bien un comble, car en général les jeunes allemands que vous rencontrez en voyage ont tous un accent anglais impeccable. Mais lui non. Avec lui, c’est le fou rire assuré, car son accent est tellement comique, tellement cliché. Cela me renvoie directement à la série tv Papa Schultz. C’est en plus quelqu’un de très posé et calme, ce qui renforce ce côté débonnaire.

Après quelques centaines de mètres, nous quittons la voie rapide pour couper à gauche sur Park Rd. La route serpente à travers une végétation dense mais bien entretenue. Les maisons y sont assez grandes et cossues. Une zone rurale mais chic. Les bâtisses les plus massives se trouvent à l’écart de la route, reliées le plus souvent à cette dernière par une courte piste. Ces habitations sont ainsi retirées des regards indiscrets, voilées par une forêt dense, qui agit comme un cocon protecteur autour des habitations.

La maison de Martin est un peu dans cet état d’esprit, meme si le luxe est beaucoup plus modéré. Nous quittons en effet Park Rd pour suivre sur la droite une petite piste en terre, qui descend de manière assez abrupte et qui se tord un peu dans tous les sens. Nous voici enfin arrivé.

Une grande maison tout en longueur se dévoile devant moi, avec un style très cabane dû au bois très visible utilisé pour sa construction. Une grande et longue terrasse se trouve sur son flanc gauche, avec tout un tas de chaises, canapés, poufs, pour pouvoir profiter de l’air extérieur. L’endroit semble vraiment relaxant.

A une dizaine de mètres de la maison, se trouve une caravane, qui sera ma demeure le temps de mon séjour. C’est parti pour une nouvelle aventure, bienvenu au Bush Labyrinth Bush Retreat !