Un soir durant le dîner, j’apprend que Donna a accepté une demande d’un nouvel helper. Elle dispose d’une autre caravane, un peu plus excentrée de la maison, donc il y a parfaitement la place pour accueillir la nouvelle personne.

Et il s’agit d’une…française !
Donna en blaguant me demandera s’il reste encore des français en France.
Car elle en reçoit à la pelle.

Un peu échaudé par ma dernière expérience avec des compatriotes, j’espérais bien tomber sur quelqu’un avec un meilleur état d’esprit. Mes voeux furent exhaussés.

C’est ainsi qu’un beau samedi ensoleillé, après une journée de labeur sur mes rondins de bois, on me présenta Laurence. Pour la décrire, cela sera assez simple.

Prenez Lara Croft, et retirez-lui une vingtaine de centimètres.
Ainsi que ses 2 obus frontales cela va de soit.

Taille ainsi très modeste, mais avec ses chaussures de rando, son mini short kaki et son débardeur bleu pale, elle a tout de l’aventurière. Cette rude carapace est adoucie par ses lisses cheveux brun, lui tombant au niveau des épaules, ainsi que par des yeux tirants sur le vert des plus pétillants.

Son anglais est vraiment bon, en particulier son accent, qui est lui aussi très rude, ce qui colle bien à cette langue. Cette rudesse est aussi présente avec son français, dans un degré moindre, mais tout de même bien audible. A la limite de se demander si elle ne venait pas d’un pays étranger. Nous venant de Corrèze, je ne vois pas trop d’explication !

Je m’attelle ensuite rapidement à la confection d’une pizza maison. Histoire d’épater la nouvelle venue, guilty as charged. Et j’ai dû me battre comme un lion pour obtenir une pâte potable. Comme chez Keith, ils disposent ici de Self Rising Flour. Rien de plus que de la farine mélangée avec de la levure chimique en théorie, mais en pratique, la farine ne réagit pas du tout de la même manière qu’en France. La pâte est sèche et cassante, je me dois donc de rajouter de l’eau complètement au feeling. Mais vu que je n’en suis pas à mon premier pétrissage, j’arrive à retomber sur mes pattes.

La soirée fut très cordiale avec notre nouvelle convive. Martin se montrant surpris au sujet de ma création : « Do every people in France make their own pizza ? ». Donna est aux anges, car c’est une pizza « bio », « it’s good to eat something when you know that everything is made from scratch in your own kitchen ».

L’entente entre les 2 french helpers que nous sommes se fera très naturellement et rapidement.
Ce petit vent corrézien est très salutaire, et tout devient prétexte à une franche rigolade.

Nous partirons explorer ainsi ensemble plusieurs fois les alentours.

Une première fois proche de la maison. Une petite marche direction le nord, pour se rapprocher de la gare de Woodford, puis un franchissement de la voie rapide A32.

Le coin est vraiment bucolique.
Les maisons sont très pittoresques, et la verdure omniprésente.

Avec ce soleil brulant et cette légère brise qui vient caresser l’herbe haute et les quelques fleurs présentes, on pourrait se croire dans les alpes, paisiblement, en été. La typographie n’a pour ainsi dire rien d’identique, mais c’est le sentiment qui me traverse.

Un court sentier à travers le bush nous amènes en direction de chutes, qui ne sont pas vraiment spectaculaire. Il faut dire qu’après avoir vu celles de Niagara je fais un peu mon difficile ! Mais j’aurais au moins pu croiser mon premier serpent. Le temps d’une seconde, déguerpissant à notre arrivé pour se cacher en profondeur dans les buissons. Je n’ai pu distinguer réellement que sa couleur, vert sombre.

Notre deuxième sortie fut enfin l’objet de la destination phare des Blue Mountains, j’ai nommé Katoomba !

Capitale du Blue Mountains City Council, elle est située à 110 km à l’ouest de Sydney. C’est surtout le point d’accès à des vues spectaculaires, et le départ privilégié pour de longues randonnées à travers les Blue Mountains.

Etablit en 1879, elle fut dès le départ un centre touristique majeur avec de nombreux hôtels. Son aura a pour autant décliné au fil du temps, et arrivé aux années 60, la ville n’intéressait plus grande monde et a connu une certaine désertion, un peu comme Las Vegas, avant de redevenir comme cette dernière une destination populaire.

Donna aura la gentillesse de nous déposer à la gare de Woodford juste après notre lunch.
Les journées grises et pluvieuses alternent avec les jours où le soleil est haut et lourd. Aujourd’hui est un jour sans nuage.

C’est parti pour une vingtaine de minutes en train, avec 6 arrêts à traverser.

A chaque stop, un flot de passagers entre dans les wagons. Beaucoup de touristes, aisément reconnaissables à leurs habillements décontractés mais déconnectés de tout goût vestimentaire.

Quelques poignées de backpackers également. Un peu perdu dans cette masse trop homogène pour eux. Nous avons ici à faire, dans l’immense majorité, à des backpackers très roots : cheveux longs, barbe imposante et mode vestimentaire bohème/destroy. C’est un peu comme s’ils étaient en pèlerinage, pour se rendre à leur Mecque. Ce que je comprendrais pourquoi une fois sur place.

A l’approche de Katoomba, la vue à travers la vitre devient plus dégagée. Une vaste cuvette verte s’offre a nos yeux, surplombées de collines, avec quelques roches à nues toujours aussi vibrantes de couleurs. Ce paysage dans un sens lunaire commence à faire très envie.

Arrivée à destination, tout le monde descend.

La gare semble ne pas avoir changée depuis des siècles. Porte d’entrée sur les Blues Mountains depuis son ouverture, on peu aisément se sentir comme les premiers pionniers qui ont foulé son sol.

La ville en elle-même est dans le même acabit : un musée à ciel ouvert.

Tous les bâtiments sont d’époques, et leurs devantures, soit bien restaurées, soit délabrées, ce qui ne leur donne que plus de caché. Ambiance western, mis a part que les saloons sont ici remplacés par des pubs au style british.

Laurence et moi-même déambulons dans les vastes artères de Katoomba, à la recherche d’un restaurant, le Yellow Deli. Donna nous l’a recommandé comme un passage obligé, et je ne peux que lui donner raison !

L’atmosphère y est unique.
La luminosité y est faible, et le bois sombre utilisé dans tout l’intérieur n’aide en rien. Mais cela contribue à appuyer cette ambiance cosy.

Le bois est ainsi maître en ce lieu, à un point où on pourrait s’imaginer dans une cabane d’enfant géante. Ce sentiment est validé par la vue de tables au niveau supérieur. Toute sa façade est boisée, on dirait un arbre géant. Pour y accéder, il faut emprunter un étroit escalier en colimaçon.

De l’extérieur, ce second niveau, avec ces 4 ou 5 petites alcôves, pour autant de tables, laissent toutes s’échapper une petite lueur jaune pétrole. L’ensemble me fait penser à l’univers de Peter Pan et à ses petites cabanes. Je vois très bien la fée clochette voler à travers tout cet espace, laissant ses étincelles rendre l’endroit encore plus magique.

Avec tout cet imaginaire qui me vient dans la tête, je n’ai pas besoin d’elle, l’endroit est magique.

Le personnel, des backpackers au style vestimentaire orienté bucheron, d’une gentillesse sans égale, finissent de peindre le tableau. Le style rude bucheron canadien se retrouve aussi dans les assiettes, aussi bien au niveau de la cuisine que sur le dressage des assiettes.

Repus, nous pouvons continuer notre chemin en contrebas à l’extérieur de la ville. Nous avons la motivation de na pas prendre le bus, et donc après une dizaine de minutes de marche, nous atteignons le site touristiques majeur du coin, les 3 Sisters.

The 3 Sisters est une formation rocheuse constituée de 3 parties distinctes d’une taille approchant les 1000 mètres chacune. La pierre érodée donne à voir une brute couleur orange/jaune, qui prend une autre dimension lors d’un coucher de soleil.

Ce lieu est présent à la bordure de Jamison Valley.
Cette vallée est bien plus intéressante que les 3 sisters à mon goût.

Un paradis sur terre.
Une sorte de Grand Canyon, où les profonds canyons lunaires auraient été remplacés par une vallée boisée verdoyante. La claque est identique car le ratio est le même : incommensurable. Vous aurez beau tourner la tête de gauche à droite vous n’aurez toujours pas vue la globalité du lieu.

Le vert vif de cette vallée court dans toutes les directions jusqu’à l’horizon, seulement contesté au loin par le bleu caractéristique des Blue Mountains, qui n’ont ainsi jamais aussi bien porté leur nom.

Des dizaines de marches sont accessibles à cet endroit, dont certaines vous amènes à vous balader en contrebas, à travers la dense végétation de Jamison Valley. N’ayant pas trop le temps pour cela, nous nous contenterons d’une petite marche en bordure de la vallée et de la ville.

Entre 2 énigmes que Laurence me pose pour faire passer le temps, la ballade nous emmène de points de vues en points de vues, donnant accès à différents panoramas de la vallée. Le soleil tape fort mais au moins nous disposons d’un ciel bleu pure.

Katoomba est donc bien une destination où se rendre. Une ville un peu hippie, underground assurément. Et je n’ai pas parlé des différentes attractions disponibles (téléphérique, funiculaire), ni du street art très présent qui vient égailler certaines rues ou parking. Ni encore du guitariste présent dans les couloirs de la gare de Katoomba, qui en parlant un peu avec lui, me jouera La Jument de Michao, en français dans le texte. Chanson apprise par le biais d’une connaissance irlandaise. Les passants le regardaient d’un oeil bizarre lors de sa performance, car cela doit bien être la seule fois qu’il ne chantait pas en anglais et donc qu’ils ne comprenaient rien. Et moi qui comprenais tout juste ce qu’il disait…

Cinq jours sont déjà passées à Woodford, et je ne les ai pas du tout vu passer !

Je dois trouver un autre spot asap, car Donna limite la durée d’hébergement de ses helpers à une semaine.
A moins qu’un gros projet soit sur le feu.

Encore un problème à résoudre, mais en attendant, je dispose de 2 jours off.
Donna dispose d’un guide résumant toutes les marches disponibles de la région, mais devant cet océan de possibilités je me noie aisément. Elle m’aiguille donc sur une randonnée qu’elle propose à chacun de ses helpers, car c’est un must.

Ainsi, here we go pour Wentworth Falls, pour parcourir The National Pass.

Et ce n’était pas particulièrement gagné, car les 2 derniers jours étaient vraiment pluvieux ! Idem les premières heures de la matinée de mon jour off, mais sur l’heure du midi, le ciel s’est dégagé brutalement. Cette accalmie semble aussi soudaine que précaire, mais je n’ai pas vraiment le choix, je prend ce que je peux prendre !

Nous empruntons la Great Western Highway, en direction de Katoomba, et parmi le flot de voitures que l’on croise, un pick up retient notre attention. A l’arrière, poils aux vent, un chien est installé. Jusque la rien de surprenant. Par contre son compagnon, un mouton à tête noir, cela l’est beaucoup plus ! En regardant la séquence (présente dans le OTR #05), je m’aperçois que le numéro d’immatriculation de ce pick up est 666. On avait peut être croisé la route d’un sataniste, allez savoir !

Wentworth Falls se trouve à quelques kilomètres à l’est de Katoomba.

Un peu à l’écart de la ville, Donna me dépose à The Conservation Hut.
Un café très cosy avec une belle vue sur la vallée, et qui se trouve au début du parcours.

The National Pass est un parcours de 6km à travers les paysages sauvages et les chutes d’eaux des Blue Mountains. Construit initialement entre 1906 et 1907, à l’aide de piques, pelles, pied-de-biche et dynamite, le projet fut ainsi assez épique à mettre en place. Mais une fois ouvert, le track deviendra vite très populaire.

Au début des années 2000, le parcours, très endommagé, a bénéficié d’une longue restauration. A sa réouverture au public en 2008, ce projet sera distingué par un prix UNESCO.

Le début de la marche, au pied d’une falaise, nous offre d’emblée une vue imprenable sur la Jamison Valley. Tout de suite après, la descente commence, par le biais d’escaliers métalliques. Je croise des marcheurs dans l’autre sens qui tirent la langue. Je rigole donc maintenant, sachant pertinemment qu’à un moment donné le relief sera contre moi.

La longue descente en escalier finit, nous voici à longer la falaise rocheuse, à travers une dense végétation. Très humide, le sentier vous fera parfois passer sur des pierres, pour éviter de marcher dans la boue.

Au plus profond de la falaise, cette dernière vous fait maintenant sentir bien petit. Le silence s’efface progressivement au profit d’un bruit continue de chute d’eau. La magie commence maintenant.

Vous voilà au coeur de la vallée, vous vous sentez emprisonné par ces parois rocheuses qui vous entourent. Et tous les 50 mètres, des chutes d’eau assez imposantes apparaissent sur vos côtés. Avec une végétation toujours aussi verte et resplendissante, au bout de quelques minutes, ce petit coin perdu aurait presque un parfum de jardin d’Eden.

La suite du sentier vous fait sortir de ce cul de sac hors du temps, pour longer la falaise, qui a était creusé pour l’occasion. Une barrière longe le côté opposé, car tout de suite après c’est le vide qui vous attend. Le paysage a au moins le mérite de se dégager, et la Jamison Valley et ses vues spectaculaires redeviennent visibles.

La marche est toujours d’une facilité déconcertante, et je me demande bien pourquoi elle est notée Grade 4 pour sa difficulté.

Vous continuez par la suite à longer la falaise, la roche usée comme seule compagnie à votre gauche, et le vide à votre droite. A un passage, en suivant l’étroit sentier, vous passez même sous une chute d’eau, qui vient se jeter en contrebas.

Plus loin encore, lorsque la falaise forme une sorte de U, une faible chute d’eau est présente, et se déverse dans le vide, ne laissant à voir qu’une fine couche de dentelle, un peu comme le voile d’une mariée.

Elle s’écoule, en silence, comme reposée, ne laissant en contrebas, à votre niveau, que de la poussière d’eau. Ainsi, j’ai beau plutôt me montrer blasé devant une chute d’eau, autant cette succession de chutes possédant toutes un caractère propre m’enchante réellement. Je comprend mieux pourquoi Donna a insister pour que je m’y rende.

La dernière chute est visible plusieurs kilomètres en amont, et vous aurez loisir à la contempler sur toutes les coutures, car le sentier vous amènera à son pied puis à son sommet.

Apres l’émerveillement, place à la douleur.

La suite du programme, l’historique Grand Stairway taillé en 1900’s. Plusieurs centaines de mètres sur un escalier en pierre aux marches très (très !) hautes. J’ai dû bien m’arrêter 2 fois pour reprendre mon souffle.

Une fois la haut, le calvaire est fini. Ce walk est ainsi très étrange.
D’une difficulté quasi nulle, elle se multiplie par 10 juste pour un passage.

Peut être que la suite est plus hardcore, je ne saurais le dire en fait, car à partir de là je vais quitter le National Pass, qui me ramènerait sinon à The Conservation Hut, pour prendre le sentier Charles Darwin Trail. En effet ce court walk vous ramène au coeur de Wentworth Falls et de sa gare de train.    

Ce chemin, pris ainsi par simple souci de commodité, s’avère également être une piste à faire. Vous suivez un petit sentier, perdu au milieu du bush. Mais pas un bush rugueux australien, non ici c’est tout le contraire. C’est plutôt ambiance prairie, avec des fleurs qui viennent égayer le parcours, tout comme des hautes fougères caractéristiques du pays et des libellules.

Je profite de ce track très onirique, où je laisse trainer ma main sur les herbes hautes à la manière d’un Maximus. La pluie commence alors à tomber, et viens gâcher un peu le spectacle. Mais la fin du chemin n’étant plus très loin, je m’avoue assez chanceux.

Je croiserez ensuite une suissesse sur le chemin. Me demandent de la prendre en photo, je m’exécute. Je prend ainsi ensuite les devants, mais plus loin le sentier se sépare en différentes directions, sans aucune indication.

Nous ferons ainsi le reste du chemin ensemble, en espérant ne pas se tromper de voie. Temps suffisant pour faire connaissance. On se quittera à la gare, sous une pluie battante, elle prenant la direction ouest, vers Katoomba, où elle reste dans un hostel.

En attendant mon train qui me ramènera à Woodford, je tombe sur une araignée, pendue à son fil, au milieu de rien, sur le quai. Je sort ainsi mon reflex pour voir ce qu’il y a à faire. C’est alors que l’employé de la gare passe devant moi, et feint de manger ladite araignée, bouche grande ouverte, avec un sourire jusqu’aux lèvres ensuite.

Allez viens !
Viens !
Les cheminot sont sympas.