Clarity – #20 – 2013
Milieu de mois d’aout, dans une voiture confortable, roulant quelque part dans la région du grand Los Angeles.
Chaque jour, nous remontons les mêmes rivières d’asphaltes, de façon imperturbable. Le soleil nous assassine et le ciel, toujours aussi vide, en est le silencieux complice. Heureusement notre destrier allemand possède la climatisation, nous pouvons ainsi nous protéger, tout en répondant à l’attaque de la nature en la poignardant, nous aussi en silence.
Outre la clim, notre engin dispose également de la radio.
Leo me fait donc découvrir les titres qui tournent en boucle. Le matraquage est le même qu’en France. Un parallèle qui est aussi frappant, ce sont les jingles sonores où les radios crachent leur marque identitaire entre chaque titre. Le même format, le même timbre de voix chaud, les mêmes instrumentaux électro-rock-tendance-mon-cul-sur-la-commode que chez nous. L’uniformisation dans ce qu’il y a de plus médiocre.
Alors du côté de la West Coast, impossible d’échapper en cet été 2013 au titre Safe and Sound de Capital Cities.
C’est encore plus vrai pour Clarity de Zedd, ce dernier prouvant au moins que l’on peut faire de l’électro club sympa avec des paroles un minimum recherchées. Même l’instrumental je la trouve bien réussi, comme quoi je ne suis pas intrinsèquement contre la musique de club.
Dans cette voiture, j’ai aussi pu apprendre l’attachement profond des habitants de Los Angeles à la chanson Under The Bridge des Red Hot Chili Peppers. Ce fut en effet surprenant de voir Leo et Juan chanter à tue-tête et de manière simultanée ce titre dès son apparition dans les hauts parleurs. Avec une quasi fierté. Moi, pour qui cette chanson était une bonne chanson des Red Hot, elle ne restait qu’une bonne chanson car les paroles n’étaient que du bruit. C’est en allant rechercher les paroles le soir sur Internet que je m’apercevrais que ce titre est une déclaration d’amour à L.A :
« Sometimes I feel like I don’t have a partner
Sometimes I feel like my only friend
Is the city I live in, the city of angels
Lonely as I am, together we cry »
Cette chanson restera maintenant toujours spéciale, car je suis moi-même tombé amoureux de cette ville.
C’est aussi je trouve une bonne illustration du surplus d’immersion que l’on peut obtenir en ayant l’opportunité de vivre avec des locaux lorsque l’on voyage. Par des petites choses, on en apprend beaucoup sur la culture locale, son histoire et le mode de vie.
Le tournage à l’atelier ne ralenti pas.
Commençant à avoir pris des routines, Leo tente de présenter le maximum d’outils possible. Ce dernier est néanmoins très vite perdu sans son Sidh, et un jour, après notre shooting quotidien, nous lui rendons visite dans son « bureau ». Il se trouve quelques kilomètres plus loin, dans une maison familiale perdue au milieu de dizaines d’autres. Cette maison, ce sont les murs de son entreprise, créée avec un collaborateur. Et mon indien de Sidh n’a rien trouvé de mieux que de monter un business autour…du thé ! Un cliché ambulant je vous dis !
A l’intérieur de la bâtisse ultra spacieuse, les deux associés testent différents mix de thé de différentes compagnies, avant une commercialisation plus large. Je vois donc Sidh aligner 6 différentes tasses, qui vont accueillir, une fois l’eau ébouillantée, 6 différentes variantes de thé. Je me retrouve ainsi embarqué malgré moi à devoir donner mon avis sur les différents échantillons. Moi qui ne bois jamais de thé. Random, random…
Un autre jour, après avoir beaucoup tourné autour, j’ai enfin pu me rendre à Newport Beach !
C’est un peu comme Huntington Beach, mais clairement en version haut de gamme. Les petits restaurants et les petits commerces qui entourent la plage sont très chics. C’est beau, coloré, flashy, tendance à souhait. La ville possède également un port de plaisance où les embarcations de luxes sont toutes bien rangées.
Pour autant ça vaut bien une sortie.
Il est sympa de trainer près du Pier, de se balader dans les petites rues qui bordent la plage. On peut se promener le long de cette dernière en empruntant l’Oceanfront. C’est un petit trottoir rectiligne qui borde les maisons du front de mer. Après lui, vous marcher sur le sable. Ainsi ces super baraques ne sont séparées de la plage que de 3 mètres. Il doit y faire bon vivre…
De retour dans le centre, je m’achète une carte postale dans un petit commerce.
Le temps de blaguer également cinq minutes avec la vendeuse, belle blonde de 40 ans.
– I will take this one.
– Ok. Huum, where are you from ?
– Me ? France.
– Ooh France. Oh god, I could hearing you speak forever. So, do you like American girls ?
– Oh you know…I like all girls.
– Yes, ok, my bad, stupid question !
– I’m just a man you know !
Mon prochain blog, flirter avec des MILFs américaines pour les nuls.
Nous nous dirigeons ensuite vers Balboa Island, une des îles présentes sur Newport Bay.
En effet la particularité de la ville est que sa longue plage de sable joue aussi le rôle de digue naturelle, permettant la présence d’une petite baie.
Leo m’y emmène car sur cette île on y trouve un tas de magasins sympas. Et il n’a pas tort ! Les commerces sont indépendants, beaucoup sont tenus par des artistes locaux, et vous vendent des produits souvent très barrés ! Aussi bien pour des souvenirs que pour meubler son intérieur, il y a des bonnes idées dans ces petites boutiques, où le recyclage de produits usagers tiens une bonne place.
Ils sont aussi très forts dans la vente de bouquins improbables.
Mon préféré reste celui qui a pour titre « The complete manual of things that might kill you », qui liste en une centaine de pages, avec illustration, tous les problèmes de santé qui peuvent mener à votre mort. De l’humour froid anglais aux Etats-Unis !
Pour boucler la boucle, sur la devanture d’une vitrine de magasin, je tombe sur une affiche de la série The OC.
Quelques scènes se sont passées dans ces murs. L’affiche est dédicacée par tout le cast. Même si ma flamme pour cette série s’est un peu éteinte avec les années, ça fait quand même chaud au cœur de voir toutes ces signatures et tous ces petits mots.
Nous finissons notre tour de Balboa Island en longeant son front de mer, où quelques yachts sont amarrés.
C’est alors que j’aperçois, garé sur une rue adjacente, une magnifique Chevrolet années 50. Avec cette couleur verte si rétro, finitions chrome, calandre surdimensionnée. Décapotable, elle possède également ces pneus aux flancs blancs si caractéristiques. Ca vend du rêve !
Avec Leo on la mitraille de photos, et après quelques minutes le propriétaire du véhicule, qui discutait avec une connaissance sur un banc quelques mètres plus loin, nous propose carrément de monter dedans. Mon dieu mais quel pied ! La sobriété de l’habitacle n’a d’égale que sa classe. Je ne suis pas spécialement un mordu de bagnoles mais ce type de modèle symbolise tellement une époque qu’il est impossible de ne pas ressentir un peu d’émotion en se trouvant derrière le volant.
Ce dernier est très grand et tellement old school.
Il n’a pas l’air pratique pour un sou mais je tuerais quand même pour faire un petit tour. A défaut, le propriétaire, qui doit se rapprocher des 50 ans, nous permet de la démarrer. Aaah mais c’est limite encore plus frustrant de faire tourner le moteur mais de ne pas pouvoir la conduire ! Quoi qu’il en soit c’était un super moment, pas du tout prévu.
La dernière semaine sur Anaheim est déjà bien entamée, et elle sera gâchée par une saleté de maladie.
J’enchaine les nuits fiévreuses où je me réveil en nage. Ma gorge me chatouille aussi beaucoup, sans compter les frissons, mais bon, je me disais que ça allait passer !
Je ne peux décemment pas rater une soirée night-club que me propose Leo.
Il me prévient direct qu’il faut que j’évite de m’habiller en blanc, car c’est la couleur qu’arbore de nombreux gangs. Du coup avec cette couleur vous êtres quasiment sûr de vous faire refuser l’entrée.
Nous nous rendons dans un de leur spot fétiche, à 20 minutes en voiture.
Dans un pâté de maison entièrement consacré au monde de la nuit, avec que des bars et des boites de nuits. Les styles vont du plus moderne au plus ancien. Comme un que j’ai bien apprécié, où l’ambiance procurée par le mobilier fait très ancien cabaret / théâtre. Au fond de l’établissement, un petit salon dispose d’un canapé et fait office de fumoir. L’air y est ainsi très lourd et irrespirable. Encore une chose que je n’aurais jamais pensée exister aux Etats-Unis vu comment ils font la chasse à la cigarette.
Au comptoir de ce bar, Leo osera me faire un « have you met Ted ? » pour m’introduire avec deux filles. Avec pour seule variante, « hey, mon pote est français, vous savez ? Salut à plus ». Leurs yeux brillent, mais il aurait pu me choisir des plus belles californiennes ! L’occasion d’échanger quelques banalités, mais difficile d’avoir une conversation avec un si grand vacarme.
Nous enchainons les clubs, mais malgré les tentatives parfois plus que franches du collier de mes dirty dawgs, la pêche sera assez faible. On en ressort vers 1h30 du matin, nos estomacs réclamants une pitance après tous ces verres d’alcools. On s’arrête dans un drive-thru de bouffe mexicaine, littéralement pris d’assaut avec 6 voitures devant nous. Ce doit être un des seuls fast food dans le coin ouvert 24h/24, on devra donc patienter bien quinze minutes avant de faire notre commande. C’est ainsi que l’on se retrouve à s’enfiler des burritos aussi larges que mon poing en pleine nuit, de retour à la maison, tentant de ne pas réveiller Nathaniel. Tout en matant quelques conneries sur Internet.
Ma crève ne s’arrange pas vraiment. Elle s’aggrave même plutôt. Je me suis acheté quelques médicaments pour calmer mes symptômes, mais ils sont tous inefficaces. Et maintenant j’en suis à ressentir une sévère douleur lorsque je déglutis. Ce qui devient de plus en plus problématique. J’étais à deux doigts de vouloir aller voir un médecin, mais après c’est toujours le même problème, j’ai toujours peur d’y aller et qu’il ne me diagnostique au final rien de méchant. Et vu les prix de la consultation ça me freine aussi. Je vais donc laisser encore trainer quelques jours.
Malgré mon état grippal, je ne pouvais quitter l’Amérique du Nord sans me rendre au moins une fois dans un Hooters !
On s’y rend un soir avec une amie de Leo ainsi que Juan. Je m’attendais à quelque chose d’un peu glauque avec des pervers bavant sur le comptoir, mais en fait pas du tout. Ce qui fut une bonne surprise.
Non à la place j’y croise de tout. Des bandes de mecs, des couples et même des familles. Il faut dire que la tenue des serveuses est certes ultra moulante, mais quand j’y repense, ça ne fait limite pas plus provocant que la tenue des serveuses d’Earls lorsque j’y travaillais. C’était évidemment plus classe, mais le mini tailleur et le décolleté plongeant du chemisier faisaient limite plus aguicheurs.
On commande un assortiment de wings, et je laisse volontiers les plus épicés à mes deux complices d’origine mexicaine.
Leur seuil de tolérance est vraiment différent du mien. A un tel point qu’à la maison ils rajoutent du tabasco sur chacun de leur plat. Ma bouche en crache du feu rien qu’à y penser.
Un tour dans un Hooters, l’occasion de s’envoyer quelques bières, et de tenter de se rincer l’œil en mode ninja.
Ne pas hésiter à y mettre les pieds, vous serez surpris par l’ambiance bar sportif bon enfant, bien loin de l’image sulfureuse que l’on pourrait imaginer.
Les jours passent, mais les symptômes restent.
Je prends toujours sur moi, mais la fatigue me gagne. J’en parle à ma super infirmière sans frontières Julie, et elle m’apprend que même une simple angine (vu les symptômes je penche beaucoup pour ça), si elle n’est pas traitée ça peut vite empirer. J’ai envie de dire, pour changer…génial !
Je verrais cela à mon retour sur Los Angeles.
Ma dernière semaine avec ma folle petite bande s’achève déjà. Côté personnel, c’était vraiment l’éclate ces quinze jours, et je ne regrette pas du tout. J’ai pu rencontrer des gens sympas et originaux, tout en découvrant la région d’Orange County, que je n’avais pas du tout prévu de découvrir. Côté « professionnel », c’était aussi agréable de retravailler sur un projet vidéo. On a shooté le plus possible, il ne reste plus que le montage, que je commencerais à mon retour en France.
Je n’ai quasiment rien dépensé en 15 jours.
Reste que je n’ai rien gagné non plus. Je peux soit passer quelques jours sur LA puis rentrer sur Vancouver attendre mon vol retour, histoire de sauver quelque dollars. Soit déglinguer pour de bon mon compte et me rendre à mon fantasme ultime, le Grand Canyon. Finir avec $10 en poche n’est pas spécialement mon délire. Pour autant je rêve de ce Canyon depuis tout petit.
Je n’arrive pas à ma décider, mais en attendant je book une nuit dans un hostel à San Pedro.
Cette ville se trouve à côté de Long Beach, j’aurais ainsi fait la moitié du chemin jusqu’à Los Angeles. De plus j’ai bien envie de jeter un œil à la plage de Cabrillo Beach, à l’est de San Pedro, car elle a servi pour quelques scènes de Chuck.
Leo en profite pour m’accompagner une dernière fois, et manger ensemble le midi sur San Pedro, où il connait une bonne adresse. Son amie/copine brune nous accompagne également.
Samedi 18 aout, je quitte le Friendly Village pour de bon.
La BMW file vers l’ouest. Bien vite, nous arrivons à proximité de Long Beach, et longeons ses interminables quais remplis de conteneurs. Je me croirais déjà de retour à mon Havre natal.
Le port m’a l’air vraiment vaste, et pour cause, au niveau du trafic de conteneurs, il se classe deuxième aux Etats-Unis, juste derrière Los Angeles. Même si au final, les deux ports étant tellement voisins qu’on pourrait les englober ensemble.
Nous dépassons Long Beach, l’ambiance plage est maintenant derrière nous.
La côte ressemble maintenant plus encore une fois à ma côte normande. Plus de sable, plus de glamour, mais à la place l’univers de la haute mer : ports, cargos et pêche. Sans aller si loin que la Normandie, on peut aussi tout simplement rapprocher ce bord de mer à celui de Seattle.
Nous nous garons près de San Pedro Fish Market and Restaurant.
Il s’agit de la bonne adresse de Leo, et c’est le royaume du Seafood ! C’est un grand complexe au bord de la mer, très populaire, loin de l’univers surfait d’OC, ou paillettes d’Hollywood. Ce grand marché aux poissons est assez original. Vous pouvez ainsi vous procurer à un endroit du poisson frais ou tous autres produits de la mer. Puis si vous voulez le consommer sur place, vous pouvez vous rendre à une autre partie du complexe où ils vous préparent votre poisson. Avec choix de la cuisson et des assaisonnements.
Pour la dégustation, une grande cafétéria à ciel ouvert avec vue sur la mer est disponible.
Le concept n’est vraiment pas bête. Beaucoup de familles sont présentes, c’est un peu la sortie du week end. La grande majorité des gens sont hispaniques. Un karaoké est présent au milieu de la cafétéria pour mettre l’ambiance, et de nombreuses chansons sont espagnoles.
On touche à du vrai, on touche au terroir, et je suis bien content que Leo m’a emmené ici.
Grâce à lui j’aurais vu une palette très large de ce que peux offrir le sud de la région d’LA, et je lui en suis extrêmement reconnaissant.
En fin de journée il me dépose quelques kilomètres plus loin à mon hostel.
Dur de devoir quitter mon dirty dawg, mais encore plus dur de devoir reprendre la route seul avec une saleté d’angine.
Laisser un commentaire