Quotidien d’un backpacker.
Extérieur jour.
Action !

Pour franchir le Golden Gate Bridge, il y a l’option du ferry ou de l’autocar.
La deuxième étant bien moins onéreuse le suspense fut bref.

Une compagnie assure la liaison entre San Francisco et le nord de sa baie.
Nous arrivons vraiment juste juste niveau temps à l’arrêt dédié, et on aperçoit notre bus qui nous passe devant. Pauline aura eu beau lui courir après il n’a pas bronché une seconde.

Heureusement pour nous on avait prévu de prendre l’avant dernier bus de la journée, donc on attendra le prochain.
Sauf qu’il n’est jamais venu. A partir de là l’engrenage du n’importe quoi peut commencer…

Impossible de prévenir directement notre hôte. Ma complice de galère peut envoyer des sms, mais on ne possède que le numéro de téléphone fixe de Priscilla. On repère un café pas loin, et en vitesse j’utilise le wifi pour lui envoyer un email lui expliquant que nous aurons du retard.

De retour à l’arrêt, les bus de la compagnie Golden Gate Transit défilent par vagues, avec tous les numéros et destinations possibles, sauf celui qui nous intéresse. On assiste à un véritable ballet d’autocar, avec des numéros de lignes allant jusqu’à trois chiffres. Après un certain creux dans leurs passages, on décide d’aborder le premier bus qui repassera. Le chauffeur nous confirme que notre bus ne passera plus, mais que l’on peut prendre une autre ligne, moins directe mais elle passe par notre destination. Je ne me souviens plus du numéro, mais disons le 13, cela me facilitera le reste de la narration.

Bien, nous attendons aussi patiemment que possible. Une nouvelle vague arrive, et le 13 pointe enfin le bout de son nez. Pauline va l’accoster, et je ne me souviens plus pour quelle obscure raison, il nous dit qu’il faut attendre le prochain 13, qui arrivera bientôt. Le sien n’était pas plein, donc je ne comprenais pas trop pourquoi on ne pouvait pas embarquer.

D’interminables minutes passent, des nouvelles salves de bus arrivent, mais plus aucun 13 à l’horizon.
On se sent vraiment comme dans la maison des fous d’Astérix, avec ces 10, ces 49, ces 117 ou encore ces 259 qui s’enchainent les uns après les autres. Chaque chauffeur que nous arrêtons nous expliquant l’inverse du dernier, et où donc au fond, on commence par penser qu’aucun ne sait vraiment de quoi il parle.

Bientôt deux heures se sont écoulées depuis que l’on a raté notre premier bus, les déboires qui se multiplient, on commence à se dire que l’on devra remettre cela pour demain. Encore faudra-t-il trouver une auberge avec de la place car évidemment nous n’avons rien réservé pour cette nuit.

Un bus passe de nouveau, toujours pas un 13, mais on tente quand même le coup. Le chauffeur indique à Pauline que son itinéraire passe là où on doit s’arrêter. Enfin ! On commence à respirer un peu, et c’est là que le chauffeur nous fait un caca nerveux. Dès qu’elle entre dans le bus, il la stoppe avec un ton sec, limite agressif. Je m’approche de lui car elle n’arrive pas à le comprendre, et en fait son problème c’est qu’il ne veut pas que l’on entre avec nos backpacks sur le dos. On doit les enlever, puis ensuite rentrer. Tout ça pour ça…

Il ne fut pas plus aimable lors de l’achat de nos billets. Mais breeeeeeef, passons, on est plus à ça prêt, en route. On en rigole déjà tellement son comportement est wtf. Plus loin de nouveaux passagers ont fait les frais de son humeur. Enfin en particulier les étrangers/voyageurs, donc on s’est senti un peu moins seul.

Pour finir l’histoire en beauté, on rate notre arrêt pour descendre.
Sinon ça ne serait pas drôle !

On descend au prochain, au beau milieu d’un petit patelin et d’une voie rapide.
La nuit commence à bien tomber, c’est la fête.

On se dirige dans une station essence en espérant pouvoir trouver un téléphone pour prévenir Priscilla.
Rien à l’horizon. Les gens à la caisse sont enclins à nous indiquer où nous nous trouvons sur une carte mais pas vraiment d’utiliser leur téléphone.

C’est là qu’enfin, après une après-midi où les imprévus et les galères se sont enchainés, un peu de bonté humaine est apparue. Une cliente qui attendait derrière nous, nous propose d’utiliser son portable.

Thank god !
Ne jamais perdre sa foi en l’humanité.

Au bout du fil, pas de rancœur, pas de colère. Notre hôte connaît l’endroit où on se trouve et vient nous chercher en voiture. On arrive enfin au bout. Mais quelle journée ! Sans smartphone, la fête est plus folle.

Une fois dans sa voiture, on découvre une dame d’un certain âge, avec une voix très calme et posée.
A l’image de son caractère. Son accent est si châtié qu’au départ je pensais qu’elle était anglaise, mais non, elle est australienne.

Elle fait un stop dans un supermarché pour que l’on puisse faire quelques courses, et nous rentrons ensuite dans sa grande maison vide et sombre. On s’attelle à nous faire à manger dans la cuisine, de façon presque clandestine tellement Priscilla nous laisse de liberté. Il n’est jamais évident de faire comme chez soi, et c’est encore plus vrai dans une maison au silence presque morbide.

Deux chats, un grand salon, un jardin que l’on devine à travers de grandes vitres. Qu’il est bon tout de même de se trouver dans une maison quoi de plus normale. Loin de l’univers des dortoirs, qui peut être à la fois aussi enrichissant qu’usant, on se sent vite comme dans un cocon. A l’abri de tout. Au calme. Ce silence au départ gênant devient un repos appréciable.

Nous disposons d’une chambre très bien aménagée, avec un grand lit.
Couette, sous couette, drap, deuxième drap, oreillers moelleux. Le luxe.

L’ensemble respire la fraicheur et non pas un côté industriel et impersonnel que l’on peut trouver en hostel.
C’est du détail, c’est même risible, mais lorsque l’on voyage à la roots croyez-moi, ces petits détails comptent. Le moindre confort, même le plus basique, est apprécié à sa juste valeur.

Le lendemain matin, on se retrouve à faire du désherbage dans le jardin.
Cela me rappelle le temps lointain de mon woofing canadien !

Le midi, on en apprend un peu plus sur Priscilla.
Australienne d’origine, elle fonde une famille aux Etats-Unis et fait construire la maison dans laquelle on se trouve. Elle se retrouve seule à la retraite, passe quelques années dans le sud de la France, mais finalement revient près de Marin City. Elle transforme son bien en maison d’hôte, avec pour thème…la France !

Nous sommes donc entourés de Tours Eiffel, d’Arcs de Triomphes et de dictionnaires français-anglais. Lorsqu’elle était arrivée la première fois ici, c’était dans les années soixante, et le quartier était rempli d’hippies ! Cela a bien changé.

Marin City, et toute la Mill Valley (nord de S.F) de façon générale, c’est un peu la Floride de la baie de San Francisco.
Les riches actifs et les retraités sont présents en nombre. Ca sent le fric un peu partout. Les baraques sont énormes et sont regroupées à la Desperate Housewife. Les maisons luxueuses du bord de mer profitent à pleins des marinas et des ports de plaisances. Les petits centres urbains sont d’une propreté aseptisée. Ca fait un peu ghetto de riche par moment, et c’est toujours une sensation étrange d’être entouré de Bentley, d’Audi et de Lamborghini.

L’après-midi, on se promène à pied en direction de Belvedere.
Au plus proche de la pointe sud, qui fait face au downtown de San Francisco, beaucoup de grandes propriétés, avec maisons sur pilotis, et le bateau amarré à côté qui va avec.

L’intérêt ici est de voir la bande de nuages qui lèchent les sommets des collines de l’autre rive. Et encore plus loin, on aperçoit le Golden Gate Bridge, prisonnier de la brume. La Mill Valley possède donc une sorte de barrière naturelle qui l’épargne assez du brouillard. Et c’est surement une des raisons qui a fait venir la haute société dans cette région.

Après une longue marche, retour à Strawberry, le quartier résidentiel où nous sommes logés.
A son entrée, deux tréteaux, une planche en bois, un saladier. Trois jeunes filles vendent de l’orangeade.
Tellement cliché mais tellement mignon !

A la maison, on tient la discussion à Priscilla, qui insiste pour qu’on lui accorde une petite session en français. Et elle a de très bons restes ! Le seul problème dans ces moments d’échanges avec des personnes ayants des notions en français, c’est qu’on est vite tenté de basculer en anglais, car en utilisant certains mots ou expressions, on n’est jamais sûr d’être bien compris. On y va à tâtons. Mais bon, on se force à parler lentement. Et au final le plaisir de jongler avec deux langues, c’est un réel plaisir, que je ne soupçonnais pas un an plus tôt. Peut-être parce que l’on touche à la notion d’universel. Une sensation de briser des barrières.

Le lendemain matin, pas de désherbage, juste un rapide rôle d’assistant pour déplacer des tableaux dans la maison.
En effet, en ce beau dimanche ensoleillé, Priscilla nous propose bien vite une petite sortie en voiture pour nous montrer les environs.

Vingt minutes de trajet, d’une route très sinueuse qui essaye de se glisser tel un serpent entre ces nombreuses collines que l’on traverse. Toutes jaunies, avec très peu de végétation. On se sent donc, malgré le trafic routier, assez au milieu de nulle part.

Premier stop au bord de l’eau, au niveau d’un spot de baleines lorsque c’est la saison.
Le front de mer est assez rocheux, et surtout balayé par un vent très frais ! Après avoir mangé dans le froid une petite salade que l’on s’était préparée plus tôt avec Pauline, on retrouve notre « mamie » australienne à l’intérieur du seul snack-restaurant de plage, en train de s’envoyer avec appétit un bon burger fritte des familles. Je ne peux que m’amuser de ce décalage. En même temps que je salive devant son assiette.

On reprend notre périple, en quittant la plaine pour descendre la route du littoral. Les boucles incessantes qu’elle nous oblige à faire peut la faire passer sans problème comme une route de montagne…Arrêt détente rapide sur une plage de sable noire de monde, pour ensuite s’enfoncer dans une forêt pour visiter le Muir Woods National Monument. Et comme il aurait été dommage de passer à côté !

C’est l’avantage de se trouver logé chez l’habitant, c’est qu’il vous emmène visiter les attractions du coin. Et il fait ainsi le trie pour vous. Car le Muir Woods, après relecture, était bien présent dans mon guide, mais perdu parmi les dizaines de pages consacrées à la région de San Francisco

Il s’agit d’une forêt protégée, très touffue, composée de Séquoias géants de plus de 80 mètres.
Dès l’entrée, d’immenses souches d’arbres sont laissées, faussement négligemment, histoire de vous faire sentir bien ridicule. Et c’est assez réussi lorsque l’on a en face de soi des souches que, même bras écartés, on n’arriverait pas à enlacer de moitié.

La lumière a du mal à percer la cime des arbres, et l’ambiance est ainsi bien particulière.
C’est un peu la même que la lune forestière d’Endor dans Star Wars. Après vérification, le tournage a eu lieu au Redwood National and State Parks, plus au nord de la Californie. Mais il aurait pu tout aussi bien se dérouler à Muir Woods ! Bref, une visite vraiment sympa.

En parlant de parcs, l’idée de se rendre à Yosemite National Park nous trotte de plus en plus dans la tête avec Pauline.
En regardant une carte de la région chez Priscilla, on s’est un peu dis : « hey, et pourquoi pas ? ».

Niveau planning, il est trop tard pour nous de trouver du bénévolat sur S.F, car on y a passé déjà trop de temps.
Alors avant de descendre sur Los Angeles, autant se faire un dernier petit trip dans les environs, à Yosemite.

Après avoir réussi (enfin) à apprivoiser les chats de Priscilla, il est donc déjà l’heure de partir pour nous après ce week end « cocooning ». Son hospitalité fut immense, et cette rencontre fait partie de celles où l’on peut employer la fameuse phrase « Faith in Humanity Restored ».

San Francisco, épilogue donc ?
Nous y avons encore passé quelques jours, le temps de trouver une personne sur Craigslist se rendant à Yosemite et pouvant nous prendre. Et ces quelques jours m’ont beaucoup réconcilié avec S.F.

Car j’ai toujours eu un sentiment partagé sur cette ville.
D’un côté, des quartiers qui ressemblent à Bagdad, et une masse de touristes présents. Ces derniers rendaient l’expérience un peu moins prenante. Un peu moins roots. Un peu comme lorsque vous suivez durant plusieurs années un artiste inconnu de tous, puis que les médias s’en emparent et la France entière ne parle plus que de cela, du collégien à la boulangère. Comme un secret d’enfant dévoilé. Comme une part de notre intime qui serait jetée en pâture aux hyènes. C’est très con comme réaction, à la limite de l’hipster, mais autant le dire. Car ce n’est pas ici que je risque de me faire taper sur la gueule !

Ainsi il était rare que je prenne le bus sans entendre des touristes français de passage. Donc c’est identique, c’est très con et ça fait très élitiste à deux balles, mais bon, lorsque je me trouve à 10 000 km de Paris ce n’est pas pour rencontrer des français tous les jours. En croiser un de temps en temps est un plaisir. Quand cela devient récurent ça l’est tout de suite beaucoup moins.

Mais d’un autre côté, comment leur reprocher ?
Certes, San Francisco n’est plus San Francisco, comme Paris n’est plus Paris. Mais il y a tellement de choses à y voir. C’est une ville faite pour le tourisme, comme notre vieille capitale. Ces deux villes ont d’ailleurs beaucoup de points en communs. Une taille qui n’est pas si monstrueuse et qui facilite donc sa découverte. Des coins où flâner un peu partout. Un réseau de transport en commun adapté pour pouvoir se déplacer.

En effet durant ces derniers jours sur place, on a pu explorer de nouveaux quartiers et chacun à son charme. Que ce soit à Mission District pour se plonger dans le quartier mexicain et admirer la décoration des restaurants si typiques. Que ce soit quelques rues plus loin au niveau de Dolores Park. Un parc rafraichissant, qui donne une vue originale sur le downtown, mais qui vaut aussi pour sa localisation. Les alentours sont très dépaysant. Des monuments aux églises, et en passant par les commerces, tout fait si latin, tout à un parfum de Florence.

A quelques pas de là, sur 18th street, vous tombez sur un quartier résidentiel aux maisons de style victorien superbes. Et c’est sur cette rue que chaque français peut se recueillir devant la fameuse maison bleue de Maxime Le Forestier, où une plaque y a été adossée par le Consulat de France de San Francisco.

Les restes du quartier hippies sur Haight-Ashbury avec ses fresques et ses maisons repeintes. Les lacets interminables de Lombard street, etc… La liste des choses à voir est sans fin. Cette ville est ultra connue et fréquentée, mais elle possède les arguments pour.

C’est une ville où le tourisme se prête très bien car comme Paris, San Francisco a des côtés de ville-musée.
A la différence de Los Angeles, qui n’a rien de touristique. Qui n’est pas du tout faite pour le tourisme ! Elle n’a rien en commun avec ce que j’ai pu voir auparavant. C’est une aberration urbaine. Mais c’est justement cela qui la rend intéressante.

Je vous parle beaucoup de Los Angeles, mais c’est parce que j’ai tellement hâte de pouvoir enfin en parler !
Soyons clair, j’ai adoré San Francisco, mais L.A m’a tellement plus dérouté, m’a tellement plus surpris. Entre ces deux villes, c’est un peu comme passer d’une piste bleue à une piste rouge.

Bon bon, j’arrête mes métaphores à la noix, il y a le chapitre Yosemite qui s’intercale avant !

PS : quelques photos de San Francisco en vrac.