De retour sur San Francisco, on ne met pas trop de temps à trouver une annonce sur Craigslist qui nous intéresse.
On tombe en effet sur une personne qui prévoit de partir quelques jours à Yosemite avec son mini van dans les jours qui viennent, et qui est à la recherche de voyageurs pour l’accompagner, en mode Into The Wild.

Partage des frais d’essence et du séjour.
Nous ça nous convient bien, car il est évidemment mieux de pouvoir diviser par trois que par deux !

Après quelques échanges d’emails, on finit par se rencontrer.
En partie grâce à Banff, car il y est passé il y a quelques mois, et a vraiment adoré. Nous partions sur une base commune. Le plus fou viendra du fait que bien vite, il me dira qu’il se souvient d’un certain Marvin.

Marvin !
Le taulier de l’International Banff Hostel. Un de mes meilleurs potes sur place, avec qui j’ai grillé bien des cigarettes à l’entrée de l’hostel. Et Tamir, ce mec random comme il faut, connait mon Marvin. J’étais fou !

Tamir donc.
Jeune israélien d’une petite vingtaine d’années, lui aussi en vadrouille en Amérique du Nord. Il a pu avoir l’opportunité d’acquérir une voiture à son entrée aux US. Qui n’a en fait rien d’un mini van. Plutôt un grand break années 80, mais qui fera bien l’affaire.

Un israélien !
Encore une nationalité de plus que je peux cocher dans mon carnet de route.

Il aurait du mal à le cacher. Non pas à cause de son nez, mais plutôt du fait de son teint hâlé, de ses cheveux longs noirs et bouclés et de sa barbe de trois jours. On ne peut voir en lui que le retour de Jésus-Christ.

Ce beau corps athlétique a pourtant le même régime alimentaire que moi, à savoir le cheeseburger !
De façon ironique, la nourriture du routard.

Car pour faire un petit point bouf, j’ai envie de dire que ce n’est pas super glorieux.
Avant mon départ, mon but était d’économiser sur mon budget en me gavant de pâtes bolognaise par exemple. Qui ont un coût de revient très bas.

Mais cela était possible si seulement je disposais d’une cuisine.
Or, pas de bénévolat, pas de chambre et encore moins de cuisine. Vu que je change d’hostel très souvent cela n’arrangeait rien. L’équation est alors simple : pour moins de $2, où manger un peu de pain, du steak haché et quelques légumes ? Chez notre ami Ronald !

Bien sûr un cheeseburger c’est ridiculement petit, on a encore grave les crocs juste après.
Mais je me consolais mentalement en me disant que niveau calorique c’était bien suffisant pour survivre. Certains jours étaient plus durs que d’autres, mais lorsque vous êtes tenu par la planche à billet, les sacrifices sont plus faciles à accepter.

On s’accorde pour une date de départ.
On partira le jeudi 25 juillet pour 4 jours sur Yosemite. Je ne connais rien de l’univers des parcs nationaux américains, mais il aurait été fort dommage de ne pas en visiter au moins un !

Situé à l’est de la Californie, à environ 3h30 de route de San Francisco, Yosemite National Park est réputé pour ses chutes d’eaux et ses dômes granitiques.

Avant le départ, nous passons les derniers jours à explorer encore S.F, que l’on commence à bien avoir quadrillé maintenant !
Derniers jours en hostel aussi. Avec une bonne soirée cosmopolite passée à l’Union Square Backpacker’s Hostel.

Finlandais, Américains, Brésiliens, Allemands, voici à peu près avec quel contingent on s’est envoyé un certain nombre de bières dans un bar, puis à l’auberge. Avec une fin de soirée improbable à faire de la guitare dans un dortoir, le plus silencieusement possible vu l’heure avancée.

Notre compagnon de soirée finlandais nous apprendra d’ailleurs qu’il s’est fait agresser quelques jours plus tôt par des sdf en rentrant d’un bar. Certes il était très tard (2h du mat), certes il était bourré, mais tout de même, c’est un bon thermomètre de l’état du downtown la nuit…

La veille du départ, je rejoins Tamir pour faire les courses.
Il me donne rendez-vous au sud de Mission District car on peut y faire des achats pour pas cher. A la descente du bus, je pense m’avoir assoupi et avoir traversé la frontière mexicaine.

Des épiceries, des dollars stores, des magasins de tabacs discount et j’en passe, à perte de vue.
Toutes les devantures des commerces sont sales, déconfites par les années qui passent. C’est un peu comme à Barbès, avec des enseignes si vieilles que l’on croirait avoir fait un saut dans les années 80. Là c’est pareil mais à l’échelle d’un quartier.

Ajoutez à cela les passants, qui oscillent évidemment entre très pauvres, sdf, mais également quelques gentils garçons auxquels vous ne tournerez pas le dos, je vous promets que c’est une expérience. Dans les magasins, que des produits de sous marques, mais à des prix vraiment très bas, ce qui était un peu le but visé.

Prévoir de la bouf pour 3 personnes, le temps de 4 jours en pleine nature, c’est aussi bien coton.
On fera au mieux.

Dernier détail à régler pour moi, me trouver un sleeping bag !
J’avais vu quelques annonces sur internet mais c’était souvent assez cher. Le matin du départ, guidé par l’employé au front desk de mon hostel, je me rends en vitesse dans un thrift store et je m’achète pour une dizaine de dollars une couette, qui fera bien l’affaire pour ces quelques jours dans les bois.

Jeudi 25 juillet donc, chargé de tout notre barda, nous nous engouffrons dans la bouche de métro Civic Center.
Direction Berkeley, une proche banlieue de San Francisco qui se trouve à l’est. Et accessoirement point de rendez-vous avec Tamir.

Le temps est dégagé mais un peu frisquet en cette fin de matinée.
Après avoir réussi à tout charger dans le véhicule, il est temps de lever l’ancre. Encore de nouveaux kilomètres qui s’ajoutent à mon voyage.

Avant de traverser la Californie du nord au sud quelques jours plus tard, nous la traversons aujourd’hui d’ouest en est. Yosemite ne se trouve en effet qu’à une centaine de kilomètres de l’Etat voisin, le Nevada.
Je ne sais pas vous mais moi c’est le genre de détail qui suffit à me faire la journée…

Les miles s’accumulent, et nous quittons bien vite les dernières grosses agglomérations.
En face de nous, une longue ligne de bitume, au milieu de plaines et de collines assoiffées. Que de l’herbe jaune autour de nous, et un soleil qui commence à nous écraser. On se croirait en route pour la Vallée de la Mort. Le souffle chaud de l’aventure est de retour.

Nous ne sommes pourtant pas seuls sur la route, qui connait un certain trafic.
La plupart du temps nous nous trouvons sur une autoroute. Au loin, on croise souvent des champs d’éoliennes, perdues au milieu de nulle part. A d’autres moments, nous traversons quelques rares patelins. La vraie campagne US, où l’on peut voir des paysans s’approvisionner en paille dans l’entrepôt centrale du village. Etats-Unis ou pas, sortie des grandes villes, le travail de la terre reste roi, comme partout ailleurs sur le globe.

A une trentaine de kilomètres de l’entrée du parc, au niveau de Mocassin, nous quittons la Golden Chain Highway 49 pour prendre la petite Big Oak Flat Road 120. Nous sommes au pied de Yosemite, et de façon littérale. En effet les premiers kilomètres de la route 120 se composent de longs lacets à flanc de colline.

Après ce petit passage ardu, l’entrée du parc est encore loin devant, mais on sent déjà qu’on approche d’un National Park. Nous traversons une forêt avec des arbres vraiment très hauts. Lorsque la vue est dégagée, c’est pour pouvoir jeter un œil sur un immense panorama. Une plaine à perte de vue, avec une nature très sèche et stérile par endroits, et dans d’autres des arbres qui reprennent leurs droits. Et parfois, au loin, en guise de gros teaser, vous pouvez apercevoir des montagnes. Des montagnes « lisses » de granit typique de l’environnement de Yosemite.

Au fur et à mesure des kilomètres avalés, la route s’enfonce de plus en plus dans une forêt épaisse.
C’est alors que l’on aperçoit au loin le barrage routier qui indique l’entrée du parc. Là où les rangers font régner l’ordre. A mi-chemin entre un policier et un garde forestier. Après avoir payé notre droit de passage, nous franchissons la barrière, puis nous nous arrêtons juste après dans une petite aire de repos, pour notre première pause depuis Berkeley.

Il doit être aux alentours de 16h, nous avons roulé toute l’après-midi.
En même temps que nos jambes se soulagent, nous faisons le plein de nos bouteilles d’eau, ainsi que d’un gros bidon que possède Tamir.

Vu l’heure, nous n’irons pas très loin dans le parc.
Mais pour trouver un terrain de camping avec de la place, il nous faudra tout de même parcourir encore une petite dizaine de kilomètres dans les bois. Quitter Big Oak Flat Road pour une route plus au nord, Tioga Road, et enfin tomber sur Tamarack Flat Campground.

Après avoir trouvé un petit emplacement sympa, on se met très vite en ordre de marche pour explorer les alentours dans le but de collecter du bois. Il fait encore jour mais le déclin ne va pas tarder. Nous découvrons ainsi pleinement la nature spéciale de Yosemite.

Les arbres ne sont pas nombreux.
Les troncs sont hauts mais pas très larges. Le sol est très pauvre. 
Une fine couche de terre et de sable, pas d’herbe ici.
C’est le territoire du granite !

Cette roche blanche si particulière est présente partout.
Elle remplace le sol par moment et c’est pour cette raison que la nature a tellement de mal à s’y développer. Ce n’est pas une roche friable ou accidentée. C’est au contraire une roche très nivelée, très pure, qui dessine de belles courbes régulières.

Dans cet environnement pauvre, il est donc assez compliqué de trouver du bois.
Et du bon bois, adapté pour un feu, n’en parlons pas ! Mais à trois, on arrive à se débrouiller.

Une fois le bois ramassé, l’heure est maintenant à la mise en place des tentes.
Je dormirais dans la tente de Tamir, tandis que Pauline dormira dans la tente qu’elle a pu emprunter au couple rencontré en rideshare.

Un peu plus tard, j’ouvre un de mes backpacks, et je découvre que l’intérieur a été en grande partie torché par une matière verte gluante. Ma bouteille de shampoing n’a pas supporté la chaleur de la voiture, et s’est vidée en silence dans mon sac. Evidemment dans celui où je stocke Eee PC, disque dur externe et chargeurs…

Rien de bien méchant pourtant, mais lorsque l’on a juste du PQ piqué dans les WC d’à côté, le temps pour cleaner le tout fut assez conséquent. Durant que je m’affaire, la cuisine est en train de se faire, au rythme de l’ondulation des flammes. Quelque chose comme pates / knackis. Du grand classique de camping !

En moins classique, c’est de s’apercevoir que le bidon d’eau de Tamir est percé.
Avec ses 5 kilos, il devait faire office de réserve pour tout le monde. Vu qu’il met du temps à se vider on le gardera, mais on se serait bien passé de devoir gérer cette problématique !

Comme sur chaque zone dans le parc qui accueille du public, nous disposons sur notre emplacement d’un coffre métallique d’un mètre de longueur. Et nous avons l’obligation la plus stricte d’y entreposer toute notre nourriture. La laisser dans la voiture est interdit. Sous peine d’amende, et de la retrouver détruite, car les ours rodent ! Le coffre, en plus d’être résistant, est pourvu d’un système d’ouverture qui empêche à ces derniers d’y avoir accès. Tout de suite cela met dans l’ambiance.

Une fois la nuit bien installée, nous ne trainons pas trop.
Fatigue du voyage cumulée, plus un réveil le lendemain prévu assez tôt seront venus à bout de nos ardeurs. Je m’enroule dans ma couette avec bonheur, en sentant déjà qu’avec son épaisseur je ne risque pas de me les geler comme il y a quelques semaines avant mon arrivée à San Francisco.

Tamir, petite lampe fixée au front, lit un guide de survie.
La vie en pleine nature le fascine. Après un service militaire de trois ans, il n’est pas encore rassasié de vivre dans des conditions précaires. Ou est-ce simplement une façon d’évacuer ces derniers 36 mois ? Il a en tout cas l’air d’avoir un esprit carré et d’être droit dans ses bottes.

Le lendemain matin, 8h.
L’heure de nous enfiler en vitesse quelques tartines de peanut butter, avant de plier bagage. Le but est de passer la nuit à Camp 4. C’est un camping dont Tamir a eu de bons échos, et qui a l’avantage de se trouver près de Yosemite Village. C’est un peu l’accueil du parc, mais surtout c’est à cet endroit où l’on peut obtenir des informations des rangers sur les randonnées possibles.

Nous prenons la route dans le sens inverse de la veille pour reprendre Big Oak Flat Road là où on l’avait laissé.
Elle file doucement vers le sud, en coupant à travers les bois. Puis elle commence à se décaler lentement vers l’est, et nous sortons du bosquet pour nous trouver presque à flanc de montagne. A notre droite, la vue est ainsi dégagée sur les plaines et les monts de Yosemite. Avec la lumière matinale en prime, c’est assez grandiose.

Je comprends déjà à ce moment précis ce qui fait le charme et la réputation des parcs nationaux américains.
Ils offrent des panoramas uniques. Mon regard plonge sur une vallée qui s’étend jusqu’à l’horizon.

Immensité et liberté, voici les mots qui résument assez bien mes sensations.
A la manière des vieux westerns, qui vous offre des images évocatrices de grands territoires totalement vierges.

La route se renferme dans les bois, parallèle à une rivière. Que nous traverserons un peu plus loin sur un petit pont en pierre blanche. Quelques kilomètres plus loin, sur notre gauche la forêt s’efface pour laisser place à des herbes hautes. Au fond coule une rivière, et toute cette petite scène est chapeautée par de hautes montagnes lisses et grise. Cet endroit a véritablement un petit parfum d’Eden.

Après quelques détours, car il y a beau avoir peu de routes, les chemins sont mal indiqués en ordre général dans le parc, nous arrivons à Camp 4. Où il y a déjà une queue impressionnante de gens à l’entrée. Le camping est déjà plein, et la vingtaine de personnes présentes attendent de savoir si d’hypothétiques places vont se libérer.

Bon, génial génial !
Pas trop le choix que de reprendre la voiture pour voir ailleurs. Cette situation aura eu au moins l’avantage de nous rendre bien plus tôt que prévu au Yosemite Village, et de vite embrayer le pas sur l’obtention d’un permis pour pouvoir passer 2 nuits en pleine nature !