La nuit fut courte, et le sommeil, quasiment absent.
Le spooning, avec des cheveux plaqués sur votre visage, et surtout, avec un bras qui s’engourdi, n’est pas la position la plus confortable.

Pas la plus confortable, certes, mais ce sentiment de proximité et d’intimité qu’elle confère avec la personne avec qui vous partagez vos draps vaut largement une nuit blanche. Et même si je savais que j’aurais besoin d’énergie le lendemain, car je vais devoir courir partout pour me rendre à Penang !

En attendant, après le réveil, je m’installe sur la table en verre du salon.
Il est 8h30 du matin, le soleil est bien levé. Ses rayons traversent l’appartement et diffusent une lumière chaude et douce qui vous plongent dans une ambiance cocooning.

Sentiment renforcé par la musique qu’a lancé ma princesse sur sa télévision.
Un live de Cigarettes After Sex, groupe que je découvre, et qui fini de peindre une atmosphère des plus chill.

Dans cet appartement baigné de teintes orangées venant des vitres, ma fée du jour sort de la salle de bain, à moitié préparé. Ne portant qu’un simple soutien-gorge en guise de top. Mes yeux s’illuminent.

Elle s’approche de moi, puis se penche pour me donner un baiser d’une douceur intense en guise de bonjour.
Je suis aux anges.

Le lendemain d’une aventure d’un soir peut s’avérer gênant.
Ici, je me trouve plus dans un rêve éveillé. Cela n’a beau n’être qu’une aventure, il est bon de ressentir que l’on a créé de vrais liens, qu’une connexion a eu lieu. Le fait qu’elle s’affiche en soutien-gorge et qu’elle me donne ce baiser montre qu’elle se sent bien avec moi. Sans gêne. Sans honte. Juste 2 âmes qui se sont rencontrées et appréciées.

En sirotant mon café durant qu’elle finit de se préparer, dans cette ambiance si relaxante pareille à un dimanche matin ensoleillé, je ne peux m’empêcher de philosopher, et de me dire : « damn. It has to be nice to be woken up like that every morning. It has to be nice to have a girlfriend ».

L’heure tourne, et il est temps de quitter cet état d’ivresse qui me gagne.
Juste le temps de glisser quelques dernières blagues sur sa tenue de travail Ikea, de bavarder une dernière fois dans sa voiture, avant qu’elle me raccompagne à mon hostel. Je l’embrasse une dernière fois, puis on se quitte.

Ciel, comme la motivation n’y est pas.

Un sentiment d’euphorie suite à cette nuit, mélangé à une sensation de se sentir groggy par ce réveil tendresse ainsi qu’une légère amertume de devoir déjà quitter ma princesse.

Cependant j’ai un bus à prendre, et bon gré mal gré, je vais me consacrer à cette tâche.
Kuala Lumpur mérite sans hésitation une visite. Comme New York ou Los Angeles, que l’on se plait à visiter pour se perdre dans ces villes gigantesques pour nous autres européens, se rendre à KL est une expérience à vivre.

Prendre le poumon d’une capitale de l’Asie du Sud-Est est une aventure incontournable.
Kuala Lumpur, comme sa voisine Bangkok que je découvrirais bientôt, sont 2 gigantesques poudrières qui bousculeront vos habitudes. Des villes qui vont à 100 à l’heure, et qui vous donnent ce que vous êtes venu chercher : le dépaysement. Des fourmilières explosives dans une chaleur des enfers bien loin de tous vos repères. L’excitation et le frisson dès que vous mettez le pied dehors.

J’emprunte une dernière fois le KTM Komuter pour me rendre au TBS (Terminal Bersepadu Selatan).
La gare est déjà noir de monde en ce milieu de matinée. La queue pour les guichets étant ahurissante, je me tourne sur une des nombreuses bornes automatiques présentes dans le hall, étrangement moins prises d’assaut. Oui, moi, le blanc, l’étranger !

Bon, heureusement pour le blanc, heureusement pour l’étranger, la borne est paramétrable en anglais… Cependant parmi toutes les compagnies, bus, horaires et destinations, il faut lutter un peu mais je m’en sortirais. Je m’éloigne de la borne la tête haute, billet en poche, passant devant la foule figée devant les guichets.

Ayant pu choisir l’horaire de mon bus, j’ai opté pour un départ après 12h.
Cela me laisse le temps de manger un morceau avant de partir. Et comme j’ai bien fait, car je ne savais pas dans quoi je m’embarquais…

En effet, le trajet Melaka / Kuala Lumpur, ce n’était qu’un saut de puce.
120 km, pour tout de même 3h de route. Pour me rendre à Penang depuis KL, c’est une tout autre histoire. 355 km me séparent de ma destination, et il me faudra non moins que 5h pour l’atteindre !

Les cars en Malaisie ont beau être tous modernes et donc plutôt confortables, même pour les premiers prix que je prend (40 malheureux ringgits pour ce trajet), mais 5h de route restent une expérience assez épuisante. A plus forte raison lorsque vous avez peu dormi la veille…Je m’assoupirais ainsi plus d’une fois dans cet habitacle de torpeur.

Je ne m’attendais pas à mettre autant de temps pour rejoindre ma destination, la tombée de la nuit me surprend donc assez à l’approche finale de Penang.

Penang justement !
Un rapide cours de géographie s’impose je présume.

Penang est un des Etats qui composent la Malaisie.
Situé au nord-ouest du pays, il est composé de 2 parties séparées par le détroit de Penang. Une partie insulaire, l’autre continentale.

Je me rend pour ma part sur la partie insulaire, intitulée sobrement l’île de Penang (Pulau Pinang en malaisien), et plus particulièrement à George Town, capitale de l’Etat de Penang.

La traversée du détroit s’effectue en empruntant Penang Bridge, un impressionnant pont à haubans de 13,5 km.
De l’autre côté de la rive, le car s’arrête au Sungai Nibong Bus Terminal.
L’aventure peut commencer.

Je sors du car, encore passablement endormi et fatigué par ce voyage.
Il fait nuit, et j’ai pour ainsi dire aucune idée d’où je me trouve. J’erre un peu comme un zombie durant plusieurs minutes, ne sachant pas réellement quoi faire.

Heureusement pour moi, plusieurs étrangers étaient également présents dans le car, et eux étaient plus en forme que moi. Particulièrement un russe, très remuant, à la limite de l’agressivité. Il arrêtait chaque local qu’il croisait pour leurs demander comment se rendre à George Town. En laissant trainer mon oreille, j’apprendrais que la ville est encore distante de 20 minutes en voiture !

Un bus fait théoriquement la liaison, mais dans cette nuit épaisse, il n’est pas simple de trouver de bonnes informations.
Notre russe fort en gouaille mais petit en taille, est accompagné par sa copine, une grande russe brune et plantureuse qui ne parle que quelques mots d’anglais. Une jeune allemande rode aussi dans le terminal, elle aussi visiblement perdue.

Nous faisons à peine connaissance que le petit bonhomme russe aux bras larges fait déjà le tour des taxis qui attendent le chaland. Bon, nous sommes 4, cela vaut le coup de s’en partager un. Surtout après la négociation musclée qu’effectuera le russe.

L’allemande, qui répond au nom d’Hannah, est vraiment toute jeune et frêle.
Durant le trajet, je la sens un peu dépassé par les événements. Je ne doute pas qu’elle puisse se débrouiller seule, mais je sens qu’une aide ne sera pas de refus.

Les russes se font déposer à leur hôtel, nous 2, ne sachant pas vraiment où se situent nos auberges respectives, nous nous ferons conduire dans le centre de la ville. Alourdis de nos backpacks, je propose à Hannah de l’accompagner jusqu’à son hostel. Une main tendue qu’elle prendra sans hésitation.

Débarquer dans une ville inconnue en pleine nuit est toujours une épreuve.
En Asie du Sud-Est, dans des petites rues mal éclairées, vide d’âmes, où les moeurs sont très différents des nôtres, l’épreuve prend encore une autre dimension. Etre une femme avec un petit gabarit n’arrangeant, bien malheureusement, pas les choses.

Nous partons donc tous les 2 braver la nuit, à la recherche de son hostel.
Je prend déjà un plaisir à la chose, tellement cette quête nocturne est improbable, douteuse et incertaine. Cela a le goût d’épique. Cela a le goût d’aventure. Comme seul le backpacking peut vous en offrir.

En effet, nous nous dirigeons à l’aveugle, au milieu de rues assez désertes.

Avec les quelques plans que nous possédons sur nos téléphones, nous essayons de nous repérer, mais dans l’ensemble cela reste très approximatif. Il a beau faire nuit, les bâtiments que nous croisons ont l’air d’être anciens avec une forte emprunte européenne. Je ne connais pas encore l’histoire de George Town mais cela ressemble assez à Melaka, avec ses maisons vétustes mais colorées.

Finalement, après seulement une vingtaine de minutes nous réussirons à trouver l’auberge d’Hannah. On aurait même pu arriver plus tôt mais nous sommes passé une fois dans sa rue sans la remarquer !

Elle me remercie de l’avoir accompagnée, puis, puisqu’elle voyage également en solo, nous convenons de se retrouver le lendemain pour visiter la ville.

Mes sacs sur le dos et sur le ventre, je reprend mon chemin pour maintenant trouver mon auberge.
Ce n’est pas le tout de jouer les nobles chevaliers ! Mais toujours avec enjouement. Cette expédition nocturne dans l’inconnu, perdu au bout du monde, suffit à me remplir de bonheur. Nous sommes loin de mes premiers pénibles jours à Bali. Et également de mon arrivée à Melaka, où l’anxiété avait pris le pas sur l’excitation.

Je me repère vaguement grâce à un plan que j’avais pris en photo, et je traverse ainsi la ville.
Mon hostel se trouve également dans le centre, mais il faut prendre une direction ouest pour s’y rendre, à travers un dédale de ruelles.

Plus je me rapproche, plus la vie semble reprendre ses droits.
Fini la pénombre et les rues désertes, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Mon hostel, Love Lane Inn, se situe au 54 rue…Love Ln.
Tout un programme !

J’ai beaucoup hésité avant de réserver cette auberge.
Certains commentaires faisant assez froid dans le dos sur internet, évoquant un lieu daté, qui tombe en ruine avec des commodités elles aussi affreuses. Mais bon, les gens en rajoutent parfois un peu. Et surtout, l’hostel propose des chambres privées pour seulement 7 euros, un prix excessivement bas, même pour la Malaisie. Ne pas dormir dans un dortoir c’est déjà une bonne chose. On verra pour le reste !

Après là encore une vingtaine de minutes de marche, j’atteins enfin mon but.

Des jeunes s’entassent dans la petite terrasse et le hall commun, sans se montrer particulièrement friendly, plus à se refermer sur eux-même. Toujours un plaisir de devoir passer devant un tel mur de personnes…

Je croise le taulier de l’auberge au milieu du hall, derrière un comptoir de fortune.
Ce vieux routard au visage usé et aux cheveux gris me prend en charge, malgré que l’heure (20h passées) soit un peu tardive pour un check in. Il me retrouve dans ses papiers, tous manuscrits sur des feuilles à carreaux. Il ne manque que la bougie.

L’auberge est effectivement à la limite de l’insalubrité.
Rien n’a été rénové depuis des dizaines d’années. Tout part en morceau. Murs décrépis, carrelage usé, toilettes à la turque et sans chasse d’eau, une douche bricolée avec des bouts de ficelles et des tuyaux dérivés. Le taudis, le vrai ! Et dire que ce matin je quittais un loft douillet…

Si au moins ma chambre me donnait satisfaction. Mais ce n’est pas le cas. En cause, le mur qui borde le couloir, qui est simplement constitué de barreaux sur 40 centimètres au niveau du plafond. Une porte donc grande ouverte pour les moustiques… Et du bruit, me trouvant dans un corridor jouxtant le hall d’entrée.

J’ai tenté, j’ai perdu, c’est comme cela !
Shit happens.

Je me dépêche ensuite de mettre le nez dehors pour trouver de quoi me sustenter.
C’est qu’il fait nuit et qu’il est tard ! Mais je ne mettrais pas trop de temps à trouver ce que je souhaite…

En effet, le quartier où je me trouve est LE quartier des backpackers. Je croise des auberges partout. En descendant la petite rue de mon hostel, j’arrive sur une grande artère, Chulia Street, et je débarque dans un autre monde.

Des bars, des restaurants, des food stall sur toute la rue.
De la lumière, du bruit, du monde, je ne m’attendais pas du tout à cela. Le contraste est assez saisissant en comparaison avec l’environnement calme de l’hostel d’Hannah.

La bonne nouvelle, c’est donc qu’il me sera simple de trouve à manger.
La mauvaise, c’est que je vais devoir bien chercher pour trouver quelque chose à un prix local et non un prix touriste. Et lorsque vous avez les crocs, c’est un petit supplice.

J’arriverais à trouver mon bonheur, et en rentrant, je m’arrêterais dans un 7-11 qui fait l’angle pour me fournir en eau potable.
Vu l’état de la douche, j’irais l’affronter demain.

Dans ma chambre, sur mon lit de fortune, je n’allume pas la lumière pour ne pas risquer d’attirer des bestioles.
La fatigue est bien là, mais je ne peux m’empêcher de lancer Tinder. Après ce premier succès, comment résister ?

De façon assez déroutante, je match avec quelqu’un au bout de quelques minutes.
Généralement cela prend plusieurs heures.

Une fin fin de trentaine, j’arriverais à vite susciter son attention.
En féru de jeu d’échec que je suis, j’apprécie l’exercice, qui correspond par moment à traverser un champ de mines. Comme lorsque très vite dans la conversation, elle me lance la phrase qui tue : « what are you looking for on Tinder ? ». Croyez moi à ce moment-là, j’expulse un petit rire, en me disant ces exacts mots :

Je prendrais le temps de réfléchir et ainsi d’affuter ma réponse, pour qu’elle fasse mouche.
A savoir, ne pas passer pour un fuckboy, tout en étant assez clair que ma priorité n’est pas un relationship.

Nous passerons une bonne heure à échanger, à délirer, à se lancer des piques, à laisser trainer des gros sous-entendus…
Elle aurait été prête à une rencontre le soir même (!) mais il était déjà tard et elle ne pouvait pas se libérer. Un peu de sommeil ne me fera pas de mal. Nous repoussons donc notre rencontre au lendemain soir.

En fumant ma dernière cigarette du soir, je me sens sur un petit nuage.
Je ne me souviens pas avoir égorgé aucun animal récemment comme offrande, mais les dieux ont l’air d’être de mon côté depuis 2 jours.

Allez trouver le sommeil après ça.