La chaleur de ma chambre, rajoutée au fait que je restais en alerte moustique au moindre bruit ou sensation étrange sur mon corps a occasionné une nuit qui ne restera pas dans les annales.

En ce lundi 28 novembre 2016, je me réveil pour ma première journée à George Town.
Une nouvelle ville malaisienne à découvrir !

Comme aperçu la nuit dernière durant mon arrivée, cette ville m’évoquait assez Melaka.
Et c’est assez normal car George Town est aussi un ancien comptoir anglais fondé en 1786. Ce qui en fait rien de moins que la première implantation britannique en Asie du Sud-Est.

Ainsi cette ville, comme sa soeur du sud, possède un charme tout particulier car son centre historique est un mélange de style colonial et asiatique. Charme reconnu patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008.

Une ville qui transpire l’histoire donc. Et en premier lieu une histoire anglo-saxonne, comme l’illustre l’horloge Queen Victoria Memorial Clock Tower, qui fait aujourd’hui office de rond-point.

Sur cette pointe nord-est de la ville, le long de la côte, vous croiserez également le fort Cornwallis.
Construit à la fin du XVIIIe siècle par la British East India Company, il fait face à la mer, où ses canons rouillés veillent toujours.

Comme à Melaka, en parcourant ces vestiges, difficile de ne pas ressentir une certaine ivresse, en imaginant ces européens installés au bout du monde, à une époque où l’on parcourait les mers déchaînées avec de simples vaisseaux en bois.

A quelques pas de là, sur Esplanade Road, se trouvent Town Hall et City Hall, 2 bâtiments administratifs élégants datant une fois encore de l’ère anglaise.

Plus au sud, au contraire, vous tombez dans un dédale de petites rues datant là de l’ère chinoise et malaisienne, si typique. Aussi colorés que fatigués, ces murs anciens vous font l’effet d’un musée à ciel ouvert.

Les touristes sont nombreux dans les environs, car ils font la chasse aux nombreuses pièces de street art !
Ces oeuvres ont l’air d’avoir toujours existé, ils ne sont en place en fait que depuis 2012 à la suite d’un festival.

Une des plus populaires, Little Children on a Bicycle, sur la rue Lebuh Armenian, est littéralement prise d’assaut et les photos de groupes s’y enchaînent.

Les oeuvres se comptent par dizaines et viennent égayer ces murs décrépis sans les défigurer.
Ils se fondent dans leur environnement et apportent un vrai plus.

En se rapprochant de la côte vers le sud, vous tomberez sur Clan Jetty.
Ce lieu consiste en une suite de jetés composées de maisons en bois sur pilotis. La plus tourist-friendly se nomme Chew Jetty, où il fait bon flâner au dessus de l’eau en entendant les planches grincer sous votre poids. Le lieu est très pittoresque, un peu hors du temps, et plus que photogénique.

Après toutes ces découvertes, nous nous rapprocherons du centre-ville avec Hannah.
Au beau milieu d’un dédale de ruelles anciennes, nous nous arrêterons dans une cantine de quartier. La pièce est grande, mais très sombre, dans une ambiance assez assourdissante dû aux ventilateurs accrochés un peu partout. Dans cette salle, noir de monde, nous peinerons à commander quelque chose, car cette cantine est chinoise et il est bien compliqué de connaître la composition des plats disponibles ! Mais rien ne remplace le plaisir de manger avec des locaux. On peut avoir des doutes sur notre assiette mais au moins c’est authentique !

Que de dépaysements dans cette petite ville.
Dans cette chaleur lourde, le soleil pareil à une enclume, nous finirons notre journée à se balader dans les petites rues du centre, et à se délecter de cette architecture si unique. Bâtiments colorés, portes en bois aux belles finitions, carrelage devant l’entrée… Je me pose la question sur leur origine. A savoir si ce sont des bâtisses construites par les colons ou alors par les locaux. Vu qu’ils ne font pas très british mais pas malaisien pour autant !

Nous nous quittons avec Hannah en fin d’après-midi, chacun retournant à ses quartiers.
Je retrouve sans enthousiasme mon hostel insalubre. Ma principale occupation sera de me trouver un nouveau toit, quitte à y mettre quelques euros en plus. Je galère assez à trouver quelque chose pour le lendemain, mais je trouverais finalement une chambre à un prix encore raisonnable sur airbnb. Les 10€ sont dépassés mais je ne me vois pas une seconde rester une nuit de plus ici ! Je dois déjà trouver le courage d’y passer une dernière nuit…

Ces soucis de logement ne sont pas grand chose à côté de l’ambiance joyeuse de cette ville que je découvre.
Et par le fait que ce soir, j’ai un nouveau date !

Avant que la nuit ne tombe, j’irais au charbon, c’est à dire affronter l’archaïque douche que j’ai à ma disposition.
J’avais beau avoir besoin d’une douche après cette journée à marcher, le courage nécessaire pour se mettre nu dans un univers non sain, de bricoler avec un tuyau pour obtenir de l’eau dans une intimité toute relative, ce courage est surtout venu de la perspective de ce rendez-vous qui m’attendait.

Une fois propre, les cheveux dociles, l’attente commence.
Ma malaisienne d’origine chinoise me donne rendez-vous en début de soirée sur la terrasse d’un bar sur Chulia Street, la fameuse rue festive à deux pas de mon hostel. Ce qui m’arrange évidemment.

Je ressens des sentiments assez partagés en quittant mon auberge.
De façon bien normale un mélange d’excitation et de stress avant de me lancer dans la fosse aux lions. Mais aussi une grande incertitude, car sur certaines photos de son profil elle est très mignonne, et sur d’autres, je me limiterais à dire que c’est bien différent. Et avant de pouvoir le vérifier par mes propres yeux, un laps de temps assez conséquent va s’écouler…

En effet, une fois sur Chulia Street, impossible de trouver le bar où elle se trouve.
Un détail mais lorsque vous dépendez d’un wifi pour pouvoir communiquer avec une personne, cela le devient nettement moins.

J’enchainerais donc plusieurs allers-retours entre Chulia Street et mon hostel, seul endroit où je puisse capter du wifi.
Vous imaginez un peu la scène, vous imaginez le temps perdu. Surtout que même après plusieurs messages, je n’arrivais toujours pas à la retrouver. Ce qui commençait, bien légitimement, à l’agacer. Et moi, à m’énerver, car si je ne veux pas dormir ce soir dans mon hostel pourri, j’ai plutôt intérêt à faire bonne impression, et là c’est complètement raté. L’histoire n’a pas encore commencé qu’elle se trouve déjà mal engagée.

Après 40 minutes de quiproquos, de va-et-vient stériles et de cigarettes, j’arrive enfin à mettre la main sur elle.
Cette dernière avait quitté le bar festif où elle se trouvait pour se rendre dans un bar/restaurant très chic. Il prend en effet place dans un bâtiment colonial retapé, d’un blanc éclatant. Dans la cour, les arbres sont nombreux, illuminés par des petites ampoules disséminées par des câbles. Elle se trouve sur une petite table établie sur le trottoir adjacent à l’entrée de l’établissement.

Mes doutes en la voyant s’estompent.
En effet il est visible qu’elle n’a plus 20 ans, pour autant on voit qu’elle prend beaucoup soin d’elle. Très coquette, elle sait se mettre en valeur, tout en ne jouant pas les midinettes. Arborant un chemisier blanc et un tailleur sombre, le dress code est assez formel mais n’est pas indésirable pour autant. Noir, ses cheveux sont aussi longs et légèrement bouclés. Des yeux sombres eux aussi, envoutants, que viennent trancher des lèvres rouges et un collier doré. Bref, dans cet univers assez luxueux, elle ne fait pas tâche, bien au contraire.

Je ne sais pas si ce sont mes habits qui ne sont pas aussi chics que les siens, ou bien ma relative frêle allure, ou bien encore le fait que je fasse plus jeune que mon âge, mais lors de nos salutations d’usage j’ai senti de la surprise dans ses yeux.

Ce moment de flottement qui se rajoute aux nombreux ratés pour réussir à se trouver a pour effet une baisse de confiance en moi. Je ne suis pas dans les meilleurs dispositions, et je patine un peu les premiers moments à trouver le bon ton pour lui parler. A trouver mon rythme.

Elle déguste un verre de vin, durant que moi je perd un oeil en regardant la carte, le prix de la moindre boisson équivalent à mon budget journalier. Je prendrais donc le moins cher, une bière du coin.

Cette tenue un peu strict s’explique également par sa profession.
En effet, mon date du jour est professeur d’anglais. Autant vous dire que nous n’avons donc aucun problème de communication !

Aussi étrange que cela puisse paraitre vu l’image qu’elle projette, nous ne sommes pas si différent l’un de l’autre.
Elle aussi est une grande voyageuse. Elle a parcouru l’Europe avec une amie, et a même fini par travailler au black en Irlande pour pouvoir financer ses visites. Elle a occupé plusieurs métiers avant ses voyages, mais jamais rien de précis. Aujourd’hui elle est prof mais c’est également plus un concours de circonstances.

Malgré qu’elle frôle les 40 ans, elle a toujours en tête de repartir bourlinguer un jour.
Ce qui m’étonne de prime abord. Puis après réflexion, ce que j’admire.

Les minutes passent, les conversations s’enchaînent, mais je ressens toujours une certaine réserve partagée.
Non pas de la timidité, mais un manque de feeling.

Il est 21h passé, je commence à avoir bien les crocs !
Je l’emmène alors dans un petit restaurant locale où j’avais mangé la veille, où les prix me conviennent bien mieux.

Elle s’excusera plusieurs fois de ne pas m’avoir demandé si j’avais eu mon repas, n’étant pas habitué à ce qu’une personne ait son dîner si tard. Elle ayant eu le sien à l’heure malaisienne, c’est à dire 18h30 !

Je ne lui en tiens évidemment pas rigueur, mais je trouverais ses excuses répétées à mon égard plutôt choux.
Une fois mon plat de fried rice sur la table, malgré la faim je me contrains à ne pas sauter dessus comme un goinfre, souhaitant ne pas dégager une image de cochon.

Vu le prix dérisoire des boissons, autant vous dire que les bières tombent comme des mouches.
Ma professeur ayant un bon levé de coude. Il était d’ailleurs plus qu’amusant pour moi de la voir parler en malaisien avec la serveuse puis de switcher en anglais avec moi.

C’est ainsi que dans ce petit restaurant vieillot, aux couleurs fades et aux tables vides, qu’une certaine magie opéra.
La réserve mutuelle que je ressentais au premier endroit se dissipe au fil du temps. Nous commençons à mieux nous comprendre, à être sur la même longueur d’onde et à échanger sur tous les sujets, avec rires et fracas.

L’occasion d’en apprendre plus sur sa vie en particulier, et d’une malaisienne en général. Mais comme avec ma princesse rencontrée à Kuala Lumpur, je préfère là encore rester assez évasif et ne pas rentrer dans les détails. Même si la probabilité que quelqu’un la reconnaisse et tombe sur mes écrits est quasi nulle, je ne me vois pas déballer ici sa vie privée, ou même des anecdotes certes intéressantes mais qui pourraient directement ou indirectement l’identifier.

Bref, j’obtiens enfin ce que j’étais venu chercher. C’est à dire une bonne rencontre avec une locale où j’apprend des choses, et cerise sur le gâteau, une proximité qui s’installe doucement pouvant me mener à ne pas dormir dans mon trou à rats.

Elle m’intéresse, on s’entend bien, pour autant j’ai l’impression d’atteindre un plafond de verre, je ne vois pas comment faire basculer cette soirée jusqu’au point de non-retour. Finalement, ce sera ma prof qui s’en chargera.

Cette dernière me demande ainsi de lui apprendre des mots de français, et le fait de manière très scolaire, en sortant un bloc note et en y écrivant en anglais les mots qu’elle souhaite voir traduits dans ma langue maternelle.

Elle prenait en plus cela pour un challenge, voulant me prouver qu’elle a une faculté d’apprentissage particulière.
Ce que je ne pourrais nier, vu les pages que l’on a noirci tous les 2. Des chiffres aux formules de politesses, tout y est passé.

Au fur et à mesure de l’exercice, j’étais pris dans une bulle de volupté, de bien être.
Vous savez, lorsque le bruit de quelque chose ou la voix de quelqu’un vous donne des doux frissons ? Bon ça ne parle pas forcement à tout le monde mais je ne suis pas le seul à qui ça arrive ! Confère cet article sur les vidéos ASMR.

Ce n’était pas sa voix qui me donnait des frissons chauds, mais juste le fait de la voir se pencher sur son bloc note, d’écrire studieusement les mots qu’elles souhaitaient apprendre, dans le silence, puis dans un deuxième temps y ajouter des indications sur la prononciation une fois que je lui ai montré.

On avait notre rythme.
Elle écrivait, je traduisais, je prononçais et elle rajoutait ensuite la phonétique. Ce cercle sans fin me plongeait dans un océan de douceur et de bien être, mes 2 bras parcourus de frissons, malgré les 30 degrés nocturne.

Pris dans mon plaisir solitaire, je laissais durer l’exercice avec gourmandise, souhaitant qu’il ne s’arrête jamais.
Pareil à un mollasson, je n’attend plus rien d’autre de la soirée, tant je suis dans ma bulle. Mais madame la professeur arrivera à se rappeler à moi…

Les mots qu’elle me demande à traduire sont de plus en plus équivoques.
Nous ouvrons le chapitre de l’anatomie jusqu’aux expressions les plus graveleuses.

Avec son air innocent, il m’a quand même fallu plusieurs minutes avant que je commence à me questionner.
« Non mais elle me chauffe là, non ? ».

Il commence à se faire tard, nous sortons alors du restaurant qui ferme, et nous remontons doucement Chulia Street.
La rue s’est vidée, seuls quelques courageux subsistent encore sur les terrasses des bars colorés et bruyants.

Le moment de se quitter approche, et c’est alors qu’elle me demande « do you want to come over at my place ? ». Je lui répondrais évidemment par l’affirmative dans la foulée ! Elle me posera plusieurs fois la question durant le trajet, « are you sure ? are you sure you want to come over ? ». Oh que oui madame que je suis sûr. Je sais très bien où je mets les pieds.

Car moi je suis un homme, qui aime bien ce genre de jeux

Son appartement se trouve tout proche. Dans une rue perpendiculaire à Chulia Street, où toutes les maisons sont collées les unes aux autres. Anciennes et d’influence chinoise, j’hallucine assez sur l’endroit où je me rend. En pénétrant dans l’appartement, par le biais d’une vieille porte datée, j’ai le sentiment d’avoir ouvert un passage secret.

L’intérieur ne me fera pas changer d’avis.
En effet, ce lieu appartient à la famille de ma professeur, et dans un passé pas si lointain c’était un commerce/restaurant chinois. Mais qui aujourd’hui n’est plus utilisé. Le rez-de-chaussée est ainsi un vrai capharnaüm, rempli de décorations, de tables en verre, de chaises dorées, de couverts, de bibelots.

Ces situations sorties de nulle part, mais quel pied !

En empruntant un escalier, nous accédons au 1er étage, lui entièrement rénové.
Nous entrons directement dans la partie chambre qui est grande et spacieuse. Très épurée, à l’occidentale, avec un grand lit confortable et la climatisation. Le contraste avec l’étage inférieur est du coup assez saisissant.

Après une douche rapide de sa part, elle me demandera si j’aimerais être éclairé par la rangée de bougies qui se trouvent à côté du lit. Je répondrais positivement.

A la suite de longues embrassades, j’étais parti pour m’occuper d’elle, avant qu’elle me lance un cinglant « hey, it’s been 2 years since my last time. 2 years ! ». La voyant ainsi trépigner d’impatience, je supprimerais l’étape préliminaire.

Cette nuit ne fut donc pas douce comme à KL.
Non.
Elle fut sauvage.