Seul devant l’entrée de l’hostel, je réalise que j’arrive à la dernière ligne droite de mon voyage.
Plus qu’une semaine en solo, avant de devoir remonter sur Vancouver prendre mon avion. Le compte à rebours a commencé.

L’auberge, le Los Angeles South Bay, est un HI qui bénéficie d’un cadre exceptionnel pour un hostel.
Planté au milieu du parc Angels Gate Park Center, il offre de surcroît une vue parfaite sur l’océan pacifique. Vous êtes ainsi frappé par le vert de la pelouse lisse du parc, qui se trouve tranché par un bleu marin vif sur l’horizon.

Le panorama invite déjà à une grande plénitude, mais ce sentiment est encore renforcé par la présence au milieu du parc, entre l’hostel et l’océan, du Korean Bell of Friendship. Il s’agit d’une immense cloche en bronze, encastrée dans un petit temple au style asiatique. L’invitation au recueillement et à la méditation est totale.

L’atmosphère est ainsi très zen, et je retournerais volontiers dans ces murs si j’ai l’occasion.
A peine le temps de déposer mes affaires que je me mets déjà en route vers Cabrillo Beach. Le soleil commence déjà à se coucher, j’ai plutôt intérêt à me bouger vite fait pour voir cette plage de jour. Je découvre San Pedro, qui est une petite ville très tranquille, tournée vers la mer. Les petites maisons et les petits cafés font très plage, façon petit village au bord de la Méditerranée.

Arrivé sur Cabrillo Beach, je déchante vite. Mon coup de speed n’est pas du tout récompensé. La plage est très petite, coincée entre plusieurs parkings et pas des plus propres. L’endroit est très populaire, avec de nombreuses familles qui font leurs bbq sur place.

Je n’ai rien contre ça, mais Cabrillo Beach est tellement un endroit clé dans Chuck, et elle est tellement bien mise en valeur. Ma déception est grande. Je félicite néanmoins le réalisateur et le metteur en scène de la série, car ils ont su parfaitement placer les caméras là où il le fallait les coquinous !

Le wifi ne fonctionne pas à l’hostel. Bon, et bien c’est raté pour repérer l’adresse d’un hôpital ce soir. La nuit fut encore une fois fiévreuse et pleine de frissons. Ce n’est déjà pas agréable en temps normal, mais dans un dortoir ça l’est encore moins.

Le lendemain, je reprends mon petit paquetage pour me rendre sur Los Angeles, ayant deux nuits de booké dans le downtown. Je descends quelques rues pour pouvoir être en mesure de prendre la ligne de bus 246. Et c’est reparti pour un petit tour dans le réseau tentaculaire d’LA !

Comme d’habitude pas trop de fioritures, la ligne suit un trajet vers le nord quasi rectiligne.
Une petite heure plus tard, j’arrive à son terminus, qui se trouve au Harbor Gateway Transit Center. Une immense zone de transit que se partagent une vingtaine de lignes de bus.

Il y a du monde à faire le changement vers la Metro Silver Line, ligne qui relie au downtown.
Mais malgré cela l’environnement du lieu me parait encore très lunaire. Retiré de l’agglomération, coincé entre des échangeurs d’autoroutes d’une part, de l’autre une vue qui court presque jusqu’à l’horizon, du fait du faible relief d’LA. Je peux ainsi admirer toute l’étendue folle de l’urbanisation, toute cette poudrière baignée par ce soleil si pur et écrasant. Etant encore dans les heures du matin, le ciel nous gratifie d’un orange jaune magistral, qui vous met tout de suite dans une ambiance roadtrip.

Quelques minutes plus tard, ce bon vieux Metro Silver Line pointe le bout de sa carrosserie, et me revoilà parti pour une nouvelle heure de trajet, plein nord, à destination d’Union Station. Au même endroit où j’avais quitté Los Angeles 15 jours plus tôt.

Enfin de retour dans le downtown, j’ai le smile.
Mais je vais le perdre rapidement vu la galère que ce sera de me rendre à ma nouvelle auberge, le MoonPad LA Hostel. Malgré des avis plus que partagés, j’ai tout de même réservé deux nuits sur place, car c’est la seule auberge à un prix raisonnable présente dans le downtown.

Sur le plan, ça avait l’air de se faire assez facilement à pied depuis Union Station.
En fait j’en ai eu pour 15 minutes sous le cagnard, essoufflé et assoiffé. Mon angine n’arrangeant rien. L’hostel se situe à l’est du downtown. Selon les rues, un endroit vide où le béton et les mauvaises herbes fleurissent de partout, façon zone industrielle désaffectée. Sinon, un quartier assez pauvre car coincé en périphérie, mais pas si délabré que cela.

Sur 1st street, je traverse un pont qui enjambe la Los Angeles River. Et je réalise encore un rêve d’enfant. Un enfant très marqué par les scènes badass de Terminator 2. Car cette rivière n’est qu’un insignifiant brin d’eau, contenu dans un immense canal bétonné. Oui, ces canaux qui ont servis un nombre incalculable de fois pour des scènes de poursuites en voiture par Hollywood. Ca existe vraiment ! De Terminator à Drive, j’en ai bouffé de ces scènes où des bolides parcourent des kilomètres de rivières de bétons. Ces artères grises, vides, sales et sans vie les rendent vraiment inhospitalières, il y règne un parfum de futur post-apocalyptique.

Vue d’extérieur, l’hostel est vraiment sympa, c’est une maison victorienne perdue dans une rue un peu vide, mais offrant une vue imprenable sur les tours du downtown. Pour le reste, c’est moins glorieux, mais j’y reviendrais.

A côté de l’auberge, un grand terrain vague est occupé en ce moment par…une équipe de tournage !
Pleins de techniciens et de matos, dont une voiture surélevée, encastrée dans un dispositif sphérique pour qu’elle puisse simuler des tonneaux. C’était bien fendard de voir les acteurs devoir crier à la mort à chaque prise, jusqu’à la prise parfaite !

J’aimerais bien rester un peu, mais je dois me bouger pour trouver un hôpital.
Gros facepalm lorsque j’aperçois une bouche de métro à deux blocks de l’hostel, la Mariachi Plaza / Boyle Heights Station. Bon ba ça m’arrange, je peux me rendre à Union Station en deux minutes maintenant.

Avant de descendre sous terre, je profite de la vue vraiment remarquable sur le downtown dont l’on dispose à cet endroit. Nous sommes éloignés et surélevés juste ce qu’il faut. Pourquoi j’aime LA ? Je ne pense pas pouvoir trouver une meilleure illustration. Ce côté sale, chaud et urbain unique me parle, je ne peux pas l’expliquer.

Arrivé à Union Station, je me dirige vers le point d’information qui est présent à l’entrée de la gare pour aiguiller les touristes. Ils devraient bien pouvoir m’aider pour trouver un hôpital !

Je tombe sur un mec super sympa, qui m’explique tout super clairement, en m’indiquant les rues, les bus et les arrêts à prendre. Il m’envoie ainsi vers le LAC + USC Medical Center, qui se trouve à dix minutes en bus à l’est du downtown.

J’y arrive un peu avant midi, et je tombe sur un imposant bâtiment.
L’hôpital est grand et l’architecture plutôt moderne. Malgré toutes les réticences que j’ai, je suis trop mal pour ne rien faire. Il faut dire qu’on entend tellement du mal du système hospitalier américain. Mais bon merde, même s’il faut que je paye une blinde, j’ai pris une assurance pour mon séjour aux US, elle peut bien servir !

Je me dirige aux urgences, l’entrée dispose de portiques de sécurité comme dans les aéroports.
Je dépose ainsi sur le tapis roulant mes deux sacs et ma fameuse couette. L’hostel ne disposant pas de casier, j’ai fait au plus vite en me trimballant tout sur le dos au lieu de faire le tri. La machine repère mon ciseau. Un des deux employés de sécurité m’explique que si je veux le garder, il faut que le cache dans le jardin à l’extérieur, qui borde l’entrée.

Je le regarde avec un grand sourire, genre « are you joking ? ».
Sauf que pas du tout. J’aurais eu beau essayer de lui expliquer qu’il pouvait le garder à ses côtés mais sans résultat. Voilà comment je me retrouve quelques instants plus tard en train de chercher une planque pour un ciseau dans le jardin d’un hôpital…

Une fois mon larcin fini, je passe plusieurs salles d’attentes, noires de monde, puis on m’indique la mienne, de taille plus modeste. Une rangée de chaises le long d’un mur, et au milieu de la pièce une rangée de guichets où des médecins vous font une pré-consultation. J’ai le droit à cette dernière 10 minutes plus tard. Ensuite il faut attendre que l’on vous appel. Les médecins présents dans les guichets ont tous l’air plutôt sympa et concernés. Ils portent tous la fameuse blouse verte ou bleue, comme on a tous pu voir dans les séries US. Je suis donc tout de suite dans l’ambiance !

On m’appelle, je passe alors de l’autre côté du guichet, où un vieux médecin croulant s’occupe de remplir les derniers détails administratifs sur son ordinateur. Il parlait très peu et était lent. Super blasé ou fatigué, je ne sais pas. En plus je l’emmerdais assez, car étant français, je n’avais aucune carte, aucune assurance US, aucun registre sur lequel il pouvait se rattacher.

Au vu de tout le barda que je trimballe, il finira même par me demander si je n’étais pas sdf.
J’éclate à moitié de rire avant de lui répondre que non non, je suis juste en voyage. Plus il pianotait sur son ordi, plus je me disais que j’allais devoir bientôt sortir ma carte bleue. Et, et…non. Je dois de nouveau passer en salle d’attente jusqu’à ce qu’on me rappel.

Vingt minutes plus tard, une assistante vient me chercher ainsi qu’un autre patient.
Je passe de nouveau derrière les guichets, mais cette fois nous passons ensuite une double porte sécurisée, puis une deuxième. Le service des soins est ainsi protégé un peu comme un bunker. Les longs couloirs gris hôpital s’enchainent, jusqu’au moment où nous arrivons dans une grande pièce. En son centre, un mini secrétariat, et le long des murs, une dizaine de petites cabines d’auscultation.

On me dirige vers l’une d’entre elles.
La cabine possède pas mal de matériel. Je m’assois sur un confortable fauteuil surélevé. Bon, plus qu’à attendre maintenant ! Devant moi j’observe le ballet des médecins et des internes. Ca grouille pas mal, mais toujours rien pour moi.

Bien 15 minutes plus tard, une jeune interne arrive finalement pour me voir.
Le fameux dress code m’interpelle toujours autant. Blouse bleue à manche courte enfilée par-dessus un t-shirt à manche longue. J’ai toujours trouvé cela super classe. Ces tenues se nomment scrubs ici. Une raison supplémentaire qui doit expliquer que mes pensées soient beaucoup tournées vers John Dorian et sa bande à ce moment précis.

Toute mimi, souriante et super jeune, elle en est presque touchante.
Il faut en effet la voir avec son petit papier A4, qu’elle reluque discrètement toutes les 30 secondes, histoire d’être sûr de n’avoir oublié aucune étape. Comme avec un coiffeur, on en arrive vite à parler de nos petites vies. Elle se trouve très admirative de mon voyage. Elle souhaiterait en faire autant mais de nombreuses années d’études se dressent encore devant elle.

Après 5 minutes d’auscultation, l’interne m’indique qu’elle va débriefer avec son médecin responsable.
Quelques minutes plus tard, elle revient toute honteuse, car elle avait oublié une étape dans la procédure. Elle me quitte en s’excusant comme une écolière, et je m’en amuse.

C’est à partir de ce moment où cela commence à être un peu pénible.
L’attente sera en effet très longue. A regarder le flot des patients passer devant moi, ainsi que les médecins, les hommes de la sécurité, les janitors, etc… Ce petit manège est très organisé. Que ce soit sur la compétence des médecins, le matériel utilisé ou l’hygiène, il en ressort toujours quelque chose de très professionnel. C’est clean, carré et rassurant.

Une bonne demie heure à regarder le plafond plus tard, l’interne repasse me voir.
Ils hésitent entre une angine et une mononucléose. Pour essayer de trancher, elle me prélève de la salive pour faire un examen en labo. Ok, rien que ça, why not ! J’ai beau penser qu’ils aiment faire un peu de zèle je laisse faire. Car bon mon médecin de famille n’a jamais eu besoin de ça. D’un autre côté c’est rassurant de voir que même pour un pauvre étranger comme moi ils prennent autant de sérieux pour solutionner mon cas.

Nouveau supplice d’attente. Trente minutes, une heure. Je préfère ne pas savoir. Je me limite à chercher du regard mon interne dès qu’elle passe devant mon unité. Je vois au fond de la pièce un médecin entouré d’internes, qui effectuent, ce qui semblerait, à une visite pédagogique de patients. Je me dis noooon, no way. J’espère ne pas être le sujet d’attention de 10 personnes, en mode rat de laboratoire. Le groupe se dissipa sans passer de mon côté, soulagement.

Mon interne préféré daigne enfin repasser me voir.
Il faut dire qu’elle court partout.

Le test s’avère négatif, mais le pourcentage d’erreur pouvant être assez important, ils ne peuvent pas écarter totalement une mononucléose. Ainsi, ils vont me prescrire des antibiotiques pour traiter une angine. Si je ne vois pas d’amélioration au bout d’une semaine, je dois revenir les voir pour effectuer un examen plus approfondi.

Nos chemins se séparent déjà. Dommage !
Je resterais plus longtemps sur Los Angeles, j’aurais été chiche de lui proposer de se voir à l’extérieur. En tout bien tout honneur ! Le courant passant bien, j’étais bien curieux d’en connaitre plus sur son parcours et sur son mode de vie. En bon ethnologue du dimanche que je suis.

Je me retrouve de nouveau seul, de nouveau pour un temps conséquent, à devoir attendre un médecin qui doit valider tout le processus. Le mien sera aussi assez jeune, hispanique. La blouse blanche lui confère une fière allure. Lui aussi souriant et détendu, on échange facilement.

Il me résume le diagnostic, me donne plusieurs documents, ainsi qu’une carte magnétique, la LAC + USC Healthcare Network Patient Identification, avec mon petit nom dessus. Ce n’est qu’une simple carte administrative hospitalière, mais voir mon nom, prénom et date de naissance gravés dessus me rendrait presque réjoui. Je ne cherche pas à devenir citoyen américain, ni à essayer d’y travailler. Néanmoins je roule ma bosse dans ce pays depuis maintenant deux mois. C’est très court, mais vu que j’y vis au jour le jour, le temps ressenti est facilement multiplié par 2. J’ai mangé, parlé, dormi, acheté américain durant ces 2000 km qui séparent Seattle de Los Angeles. Alors voir cette carte à mon nom, c’est un peu comme une reconnaissance de mon existence, de mon passage.

Je quitte le retranché service des soins, retraverse les couloirs zone mixte, pour retomber sur la salle d’attente.
Je n’ai toujours pas eu à sortir ma carte bleue et j’en suis le premier surpris. Cela me rend limite parano. Je déambule vers la sortie avec le même inconfort dans la peau qu’un voleur à l’étalage.

De retour à la pièce principale, celle qui succède à l’entrée, je me dirige vers un grand comptoir, qui joue le rôle de pharmacie. A l’un des guichets, je donne mon ordonnance, ainsi que ma carte. Ici chaque prescription est individuelle, l’employée m’informe que ma commande sera prête dans 4h. Moi qui pensais en avoir fini, je prends un sacrée coup sur la tête. Je n’ai pas envie de revenir demain, mais je ne peux rien faire en 4h non plus.

Tant pis, je décide de repasser à mon hostel, histoire de me décharger.
Je retrouve mon ciseau à l’extérieur, victoire. En espérant que le VIH ne s’est pas glissé sur ses lames. L’attente dans les transports fut monstre, ce qui fait en fait que les 4h ne furent pas de trop. Arrivé à l’auberge la pénombre s’installe. Le temps de faire le tri dans mes affaires et de repartir, la nuit avait pris ses quartiers.

Sortir seul dans les rues de Los Angeles la nuit, pas le meilleur des plans mais j’ai envie de me soigner le plus tôt possible.
Les alentours de l’hôpital sont vraiment mal éclairés, et les homeless y sont nombreux. L’ambiance y est des plus anxiogènes. A l’intérieur des locaux, elle se montre fantomatique, tant l’entrée est vide à comparer à ma dernière visite.

Je récupère ma commande avec mes antibiotiques, et je ne paye toujours rien.
J’ai donc été examiné et médicamenté gratuitement ! Moi, pauvre français insignifiant. On me l’aurait dit 24h avant que j’aurais ris au nez de la personne. C’est un hôpital universitaire, mais malgré cela je n’aurais jamais pensé chose possible aux Etats-Unis.

Il vaut mieux ne pas avoir de cancer ou avoir besoin de se faire hospitaliser aux US, nous sommes d’accord.
Pour autant forcé de reconnaitre que leur système de santé n’est pas à 100% libéral-fou. Encore une fois, j’ai envie de dire qu’il faut éteindre sa télé et allez vérifier les choses par soi-même.