Au milieu de la nuit, après mon long vol, la fatigue se fait sentir, mais je dois tout de même remplir au front desk un formulaire des plus pointilleux qui me prendra cinq bonnes minutes à remplir…

Une fois fait, un employé me guide jusqu’à ma chambre.
Nous passons la cour centrale, et longeons la grande piscine qui s’y trouve.
Juste 5 mètres plus loin, voici ma chambre.

Pièce basique mais spacieuse, avec un carrelage blanc et un lit double rien que pour moi.
Un ventilateur est accroché tête basse au plafond.
Il sera d’une grande utilité…

Car j’étouffe non de non !

Il est une heure du matin passée mais l’atmosphère reste toujours aussi irrespirable. Une sensation de lourdeur et de moiteur auxquels je n’avais jamais dû faire face auparavant dans mon existence.

Cet état d’inconfort permanent se rajoute de plus à une sensation de vulnérabilité extrême. Le simple fait de devoir sortir de l’hôtel pour m’acheter une bouteille d’eau m’effraie assez. Bien qu’un 7-11 se trouve juste en face.

Le petit bonhomme qui souhaitait découvrir la fourmillante Asie est pour le moment déboussolé et KO debout.

N’ayant pas le choix, vu que l’eau du robinet n’est pas potable, je me force la main pour sortir dans la nuit noire et moite. La petite ruelle jaune pétrole mal éclairée me glace le sang comme imaginé, et après avoir laissé passer un scooter, je m’engouffre dans le 7-11.

Aaah.
7-11…

C’est un peu notre église, nous les backpackers. Cette enseigne de convenience store est présente pour ainsi dire partout en Asie du Sud Est. Et le fait qu’on en trouve presque à tous les coins de rues et qu’ils soient ouvert 24h/24h en fait un lieu privilégié dès qu’il vous faut quelque chose.

Et en Asie, cela commence par votre achat d’eau potable.
Je m’apprête à effectuer cette tâche qui deviendra quotidienne pour de longs mois.
Mais avant cela j’hallucine assez sur le prix de la dite bouteille : 5 000 roupies !

Je farfouille ma besace pour trouver les billets nécessaires, en refusant poliment les offres du vendeur qui me propose des cigarettes pour par cher…

Je glisse en vitesse à travers la nuit pour rejoindre ma chambre. Pas de mauvaise rencontre en route, par contre j’aurais l’honneur et le dégoût de découvrir mon premier cafard asiatique dans ma salle de bain.

N’étant pas motivé pour lui régler son compte, je referme la porte et m’arrange pour caler un paillasson dans sa fente inférieure pour m’assurer de ne pas avoir à partager ma couette avec la bête.

Finalement je m’écroule sur mon lit, après avoir quasiment déjà entamé la moitié de ma bouteille, et retiré tous mes vêtements hormis mon boxer…

Le repos du guerrier durera jusqu’à 11h du matin.

Au réveil, le guerrier est toujours aussi déboussolé, et ne ressent nullement l’idée de sortir de sa tanière.
Malgré l’appel du ventre qui se fait pressant.

Je potasse un peu mon guide sur Bali tout en prenant un peu d’infos sur internet.
Sur les coups de 13h, il faut bien se résigner à devoir sortir pour se sustenter.

Le ciel est bleu et la température toujours aussi chaude et humide.
Je décide de me trouver à manger au petit bonheur la chance.

En prenant par la droite au niveau du 7-11, je tombe sur une petite ruelle tranquille.

Je croise des magasins de services comme du pressing, où la révolution industrielle n’a pas l’air d’avoir pénétrée. Les gens sont pauvres et sont forcés de faire nombre de tâches sans outils mécaniques, ce qui me donne, en tant qu’occidental de base, la sensation d’avoir fait un bond dans le passé.

Quelques petites places proposent de la nourriture où se mélange cuisine locale et breakfast anglo-saxon. Un petit local improvisé en cuisine/café, quelques tables en plastique sur la rue, ne cherchez pas plus compliqué.

Tout en marchant, je jette un oeil rapide sur les menus, mais rien ne me fait vraiment envie. Et avec ces prix avec tellement de zéro j’ai toujours l’impression de me faire escroquer. Dans ces restaurants improvisés, je n’y croise que des locaux attablés, des habitués, qui vous dévisage sitôt que vous posez votre regard sur eux.

Bref…pour changer je suis mal à l’aise et continue mon chemin.

Je trouverais finalement un peu plus loin, coincé dans une rue encore étroite au milieu de nulle part, un restaurant qui se rapproche des standards occidentaux. Mobilier et équipement moderne, par contre il se trouve qu’il est entièrement à ciel ouvert. Seulement quelques arbres viennent nous brider la vue du ciel. Sur les branches, des guirlandes lumineuses.

Je me prend un plat de pâte pour 80 000 roupies.
Seulement 6$ mais cela reste évidemment bien trop cher comparé au niveau de vie du pays.

Rassasié, une nouvelle mission m’attend, retirer de l’argent.
Cela n’a l’air de rien mais oh doux Jésus, comme cette tâche me fût compliquée…

Je rebrousse chemin pour repasser devant mon hôtel et continue d’arpenter la rue.

Des 2 côtés de cette dernière, les hôtels sont légions, et bien plus cossus que le mien. Barrière plus gardes à l’entrée, il faut montrer patte blanche pour y rentrer. Les voitures, des modernes berlines européennes, qui y rentrent et sortent, ne trompent ainsi personne sur la clientèle.

Je longe 6 indonésiens qui patientent au bord de la route, tous sans exception me proposeront leur service de taxi.
Le début des sollicitations commencent…

100 mètres plus loin, je tombe sur un carrefour, et je bifurque ainsi à gauche, sur Jl. Melasti, rue un peu plus large qui a l’air très vivante.

Le trottoir est bordé de magasins de vente de souvenirs et de babioles tous aussi improbables les uns que les autres : casquettes, phallus en bois, colliers, statues, etc… Le royaume de la contrefaçon. Royaume qui semble sans fin, car toute la longue rue est du même acabit.

Là encore, même si je ne fais que passer, les vendeurs sont des plus insistants.
Ainsi que les perpétuels badauds qui vous proposent toujours de vous transporter avec leur scooter…

J’étouffe de la chaleur, et j’étouffe de ces sollicitations incessantes.

Mon année australienne m’aura au moins servi à connaitre le nom des banques du pays.
Je vois, surplombant un commerce, une grande affiche sur fond jaune, si caractéristique à Commerzbank.

« Commerzbank ATM ».
Bon à choisir j’aurais préféré ma banque, NAB, mais on ne va pas faire le difficile.

J’ouvre une porte vitrée pour entrer finalement dans un salon de coiffure quasi désert.
Sur la droite, le fameux distributeur.

Une fois avoir retiré encore des centaines de milliers…de roupies, je me trouve un peu con de ranger tout ça dans mon sac banane, et de saluer le gérant en ne lui laissant même pas un petit billet.

A la sortie du salon de coiffure, c’est encore pire.
Avec ma tête d’étranger, tous les gens à proximité savent très bien ce que je viens juste de faire dans ce magasin.

Ce qui me rend d’autant plus mal à l’aise, avec une certaine paranoïa qui me fait rester sur mes gardes comme jamais.

Je remonte la rue dans le sens opposé pour revenir à mon hôtel.
J’y recroise les mêmes vendeurs collants, les mêmes badauds qui vous proposent un taxi.

Toutes les « rues » se ressemblent ici, et j’arrive ainsi à rater le croisement que j’avais pris plus tôt.
Me revoilà ainsi à faire demi-tour, et à recroiser tous ces vendeurs…

Qui maintenant en plus se rendent compte que je suis plus ou moins perdu.
Je me sens ainsi encore un peu plus vulnérable.

La nuit tombée, une nouvelle sortie s’impose pour me trouver de quoi dîner.
Et je tombe un peu par hasard sur la rue festive de Kuta, Jl. Legian Kaja.

Les bars et autres restaurants occidentaux sont tous concentrés à cet endroit.
Ainsi que le fameux club Sky Garden. Une boîte de nuit immense dont tout le monde vous parle.

En déambulant dans cette rue de la débauche, en plus des habituels vendeurs, serveurs et badauds qui vous accostent toutes les 5 secondes (sans exagération), j’ai bien évidemment aussi droit aux rabatteurs qui vous proposent de la drogue ou des filles…

Bref, ce premier jour, comme les suivants, furent assez rudes pour moi.

Je ressens un constant sentiment d’insécurité, ainsi qu’une sensation d’enfermement, reclus dans ma chambre, vide.
Avec pour seul compagnon mon ventilateur dont les palmes tournent sans répit.

A cela s’ajoute une autre problématique, qui est celle de la protection de mon matériel.
Quelle folle idée de ramener un macbook flambant neuf dans ce genre d’endroit…

Mon budget de backpacker m’impose de loger dans des hostels, mais laisser mon laptop dans un casier branlant toute la journée ne m’inspire aucune confiance. Et évidemment on tombe toujours sur des histoires horribles sur internet…

Ce détail est insignifiant mais il me bloque complètement.
Comment voyager et partir en découverte tout en étant sûr de retrouver son matériel à la fin de la journée ?

Sans solution qui me satisfasse je ne peux pas commencer ce voyage.
Ce qui me fruste.

Après plusieurs jours à végéter, la seule solution acceptable que je trouve est de séjourner dans des chambres privatives. Au lieu de pouvoir dormir pour maximum 6$ dans un dortoir, je devrais débourser le double, 12$. Une différence minime pour des vacances, mais moi je suis en voyage pour un temps indéterminé…

L’autre inconvénient est que je ne pourrais pas rencontrer des gens aussi facilement que dans un hostel, mais c’est le prix à payer pour obtenir une certaine sérénité pour la protection de mes biens.

Dans cet état d’esprit, je réserve ainsi une chambre airbnb dans la ville d’Ubud, où je me rendrais dans 2 jours.
30 km plus au nord, cette ville est censé être le coeur culturel de Bali.
Let’s see !

Ce qui me changera de Kuta, son quartier rouge et…sa plage.
Où je décide de me rendre aujourd’hui.

Et je dois utiliser tout le courage qu’il me reste pour m’y rendre, car j’y vais avec mon appareil photo reflex à 600 euros.
Je me sens donc tout sauf safe encore une fois.

Pour m’y rendre, je dois repasser par la rue où se trouve l’ATM Commerzbank, et continuer durant 10 minutes pour atteindre la côte.

Le sable est enfin en vue.
Parsemé de chaises longues qui font plutôt cheap, ce n’est pas la plage la plus propre ni la plus belle que j’ai été amené à voir.

Le premier tiers de la plage est longé par des palmiers.
A leurs pieds, à l’ombre, c’est un grand bazar.

Des mini bars improvisés avec des glacières disposées de manière anarchique où reposent des boissons, ainsi que des ateliers éphémères.

En effet, je passe à côté d’un drôle de tableau.

Un grand et jeune touriste, allongé sur le sable, avec seulement un short et ses tatouages sur le dos, entouré de 3 locales dans la quarantaine entrain de prendre soin de lui : massage, crème, physio… Le décalage est frappant, et la situation maître/serviteur un peu dérangeante.

Plus je longe la plage plus ce tableau continue de se peindre.

Des occidentaux en mode farniente comme à la maison avec nos moeurs (lunette de soleil, alcool, peu de vêtement), autour de locaux à leurs petits soins essayant de gagner leur croûte.

En majorité des femmes.
Certaines trient leur tissus qu’elles vendent.
Durant que d’autres font la sieste un peu partout, à même le sable, tant que c’est à l’ombre.

Quelques surfeurs évidemment, car il ne faut pas oublier que Bali, c’est un peu le dixième Etat australien !

Pour les habitants de l’île continent, c’est en effet leur spot de vacance attitré.
Ils s’y rendent en masse, même pour seulement quelques jours, tellement les billets d’avions ne sont pas onéreux.

Ainsi avec le temps, Bali s’est adapté, et l’empreinte australienne est plus que palpable.
Toutes les grandes entreprises (banques, services, etc..) du pays y sont implantées, et nombreux sont les restaurants et bars qui abordent fièrement de grands drapeaux australien pour attirer le chaland.

L’accent australien s’entend donc partout dans les rues…

Derrière la plage siège un centre commercial flambant neuf.
Epuré, climatisé, où toutes les enseignes occidentales sont présentes.

A l’entrée, 2 vigiles surveillent avec attention votre tenue et surtout comment vous être chaussé, pour des raisons religieuses j’imagine.

La sécurité est donc de mise, dans ce parc fermé pour occidentaux.
Et je ne peux m’empêcher de penser que c’est l’endroit idéal pour n’importe quel dérangé qui a envie de se faire exploser…

C’est donc un mélange très spécial.

Une partie moderne de la ville pour les riches (blancs), et à côté les locaux qui triment.
Car malgré la présence de Macdo et de Hard Rock Café, je me trouve bien en Asie.

Ainsi, je ne peux m’empêcher de rester interloqué devant le parking de la plage, où les scooters se comptent à perte de vue.
Je ne peux m’empêcher de sourire face à un van multicolore, où les locaux se tassent comme dans une rame de métro parisien. Mais toujours avec le sourire. Même ceux ayant la moitié de leur corps en dehors de la vitre, qui me saluent en me voyant avec mon appareil.

Ces 2 situations ont réussi à me faire décrocher un smile, mais pour autant, je ressens toujours ce malaise en moi.
Cette peur.

Pourtant, je vois tous ces occidentaux, déambulants sur la plage, dans le centre commercial, dans les rues, qui ont l’air de ne se soucier de rien. Je les vois entre potes, je les vois en couple bras dessus bras dessous, sans crainte, sans sentiment d’insécurité.

Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?