Frustration quand tu nous tiens, nous ne franchirons pas le Golden Gate Bridge, car nous filons à l’est vers Richmond.
Dur de le voir déjà s’éloigner, mais j’aurais d’autres occasions pour m’y rendre.

Une petite dizaine de minutes plus tard, le Volkswagen s’arrête sur un grand parking.
J’aperçois un bâtiment avec un petit « Bart » (métro de SF) bleu inscrit dessus.
Je me dis c’est pour moi !

Petite séance d’adieu, entre la tristesse de quitter ce groupe délirant, et l’excitation de me confronter à San Francisco.
Ces trois derniers jours furent incroyables !

La station Bart s’appelle « El Cerrito Plaza ».
Vous le sentez ce petit air hispanique ?

Megan me propose son aide pour l’achat de mon ticket de métro, aide que je refuse poliment.
Merde, après Paris, Vancouver, Toronto, New York et Montréal, je pense quand même avoir tout vu !

Sauf que…en fait non.
Arrivé à la borne, je ne comprends rien à son système.
Je me tourne vers le guichet, où je lis qu’ils n’y vendent aucun ticket.

Génial.
Je suis seul depuis même pas une minute et je me retrouve déjà en galère !

Je repars à l’attaque de la borne, et commence enfin à comprendre son fonctionnement.
Ici pas de ticket rapide, genre une heure pour $2 par exemple. Ah ah, ça serait trop simple, pauvres fous.

Non ici il faut indiquer sa station de départ, puis sa station d’arrivée.
De la même manière que pour un RER en fait. Heureusement que Megan m’avait noté où je devais m’arrêter…

Je peux enfin passer le tourniquet, mais je dois maintenant trouver la bonne direction, celle qui va au sud.
Mais encore une fois, ça serait trop simple d’avoir un panneau San Francisco quelque part ! Pour cette direction, seul le terminus est indiqué, et son nom ne me parle bien évidemment pas.

Mais bon bref, je finis par trouver mon chemin. Le métro arrive quelques minutes plus tard. A l’intérieur, les rames sont vraiment très larges, très spacieuses. Elles me font penser de suite aux rames utilisées lors de la scène de l’attaque du métro dans le film Predator 2. Le film est pourtant censé se passer à Los Angeles. Mais après vérification, j’avais bien raison ! Le début d’une longue série de « hey, ça me rappel un truc ça », mais le paroxysme arrivera à L.A.

Ce tronçon du métro est aérien, je profite donc au maximum du grand soleil qui est présent en ce début d’après-midi.
Un sac sur mon dos, l’autre totalement troué sur mon ventre, avec une hygiène de quelqu’un qui ne s’est lavé qu’une fois en trois jours…je ne passe pas inaperçu.

La rame se remplie petit à petit.
Rien de spécial à regarder à travers les vitres autre qu’une banlieue nord-américaine. Une suite de bâtiments pas très hauts, avec des rues plutôt tristes et vides. Puis nous bifurquons vers l’ouest, et nous passons devant le port de San Francisco. Ou plutôt la zone de fret, avec ses grands entrepôts, et ses immenses grues orange.

Peu de temps après, la ligne devient souterraine.
Je me rapproche plus que jamais du downtown.
L’excitation se mélange au stress.

Bordel.
San Francisco.
J’en mène moyennement large je dois bien l’avouer.

Powell Station, le moment pour moi de quitter mon siège.
Les sous-sols font neufs et sont bien éclairés, mais le nombre de couloirs et de sorties me donnent presque le tournis. Je tombe sur un plan accroché à un mur et j’essaye de trouver la sortie la plus adéquate. Je le laisse bien vite pour me rendre à l’air libre, on verra bien ce qu’il s’y passe.

Je monte un dernier escalator, et atteins enfin la rue.
Beaucoup, beaucoup de monde autour de moi, et à peine dix secondes plus tard, où je prenais le temps de me repérer, je me fais accoster par un afro américain, habillé plutôt modestement avec une pile de journaux entre les mains. Ca sent fort une info/un billet, mais je me persuade de lui laisser sa chance. Il me montre un plan, m’indique mon chemin à suivre pour arriver à mon hostel de façon très clair, puis on papote un peu sur la France et d’autres choses. J’arrive à refuser d’acheter son journal, car il a beau être aimable, c’est un peu facile de sauter sur les nouveaux arrivants comme il le fait pour ensuite demander une rétribution.

Mon auberge est sur Post street.
Je dois commencer par m’engager au commencement de Powell street vers le nord. Juste au niveau de l’angle de cette rue, je tombe sur un Burger King. Il est aux alentours de 14h, j’ai une dalle monstre, je cède. Cette chaine de restauration rapide n’étant pas présente sur Banff, cela remonte à très loin la dernière fois où j’y ai mis les pieds.

Je retrouve avec une joie honteuse leur Whopper si gigantesque.
Je remarque à la caisse des affiches qui indiquent aux clients que le magasin accepte les euros, aussi bien que d’autres monnaies, comme le yuan ou le yen. On sent tout de suite que la ville est très touristique et attire des personnes du monde entier. Sa place de troisième destination touristique des Etats-Unis n’est pas volée.

Repu, je reprends mon ascension de Powell street.
Sans le savoir, cette rue est une de celles qui possède une ligne de tramway.
Enfin de Cable Car.

La ville possède en effet des tramways, mais ceux que tout le monde a en-tête lorsque l’on évoque San Francisco se nomment Cable Car.

Je grimpe la rue qui monte très légèrement, et croise mon premier Cable Car.
Il descend à une faible allure, rempli de touristes tous enchantés. Comme dans un film.

Les images s’entrechoquent dans mon esprit.
Un grand sourire idiot se dessine sur mon visage.

Un de ceux si forts qu’ils sont incontrôlables.
Un de ceux qui vous donnent une pêche d’enfer.

Des joies aussi intenses et traites, je crois bien en avoir connu que deux depuis mon arrivée en Amérique du Nord.
Lorsque je suis sorti pour la première fois de l’aéroport de Vancouver à mon arrivée, enivré par ce pays dont je ne connaissais rien. Et lors de mes premiers instants sur Banff, subjugué par la féerie des environs.

San Francisco.
J’y suis enfin arrivé.
J’y suis merde !

Je le réaliste pleinement à ce moment.
C’est pourtant une ville où je ne connaissais pas grand-chose. J’avais bien sûr quelques images en tête que l’on partage tous, mais sans un grand imaginaire, sans fantasmes particuliers. Au contraire de Los Angeles, où très vite ma machine à fantasme fonctionnera à plein tant cette ville a allumé de voyants dans mon cerveau.

Ici c’est moins le cas.
Mais c’est ici que j’ai connu ce moment de joie bref et intense.
Peut-être car c’est ici que mon envie de découvrir la côte ouest U.S prend le plus de relief.

Je continu mon chemin, et passe plusieurs blocks.
Assez déjà pour ressentir la vraie singularité qui se dégage du centre ville.

D’un côté un downtown classique américain : grandes tours, mobilier urbain très propre et lisse.
De l’autre, le parfum est tout de même bien différent. Les buildings sont bien moins présents et moins hauts que dans d’autres villes, avec un style architectural qui lui est propre.

Pas un style brique rouge XIXe siècle comme Seattle.
Ni non plus un style victorien, dont le paroxysme se situe à Victoria en Colombie-Britannique.

Non c’est encore autre chose, et la meilleure illustration est la Transamerica Pyramid.
De construction récente (70’s), elle résume bien ce downtown.

Contemporain, mais avec une patte toute personnelle.
Un accent du sud, latin, indéniable.

L’inclinaison du bitume se fait un peu plus prononcée, et avec ce grand soleil au-dessus de ma tête cela ne me facilite pas la tâche. Mais bien vite j’arrive sur Post street et j’aperçois l’hostel. Ce dernier a l’air très propre et avec une bonne atmosphère, mais il est complet ! Je ris jaune.

Le côté cool, c’est qu’ils laissent sur le comptoir des plans avec les adresses d’autres hostels.
Je vais au plus près.

La première adresse je n’y rentrerais même pas car il est spécifié hotel et non hostel.
Le prix n’est pas le même.

Les jours suivants j’apprendrais que beaucoup d’hostels sont en fait d’ancien hotels.
Il suffit pour cela d’enlever le grand lit deux personnes d’une chambre et d’y coller à la place trois lits superposés. Bien sûr on se marche tous plus ou moins sur les pieds mais c’est bien plus rentable pour le propriétaire…

C’est ce que je vais expérimenter à la deuxième auberge où je me suis rendu, l’Amsterdam Hostel sur Taylor street.
Une rue bien inclinée d’ailleurs, qui vous coupe bien les jambes.
San Francisco quoi !

L’extérieur et l’accueil font très hôtel.
Mais il s’agit bien d’un hostel.

C’est un peu le mauvais exemple pour illustrer ce que j’ai expliqué plus haut, car celui là n’est pas vraiment une arnaque.
Les chambres sont grandes et l’auberge possède un coin cuisine, laundry et informatique.

Ce qui n’est pas le cas de tous. Dans ces conditions, il est plutôt agréable alors de se retrouver dans un ancien hôtel, un peu décrépis et qui respire le début du XXe siècle.

On peut profiter de la bizarrerie de la chose.
Les grands tapis rouge au sol, les larges escaliers en bois dont la peinture blanche peine à se maintenir, le parquet qui oscille entre flottements et grincements. Les chambres très spacieuses, avec un mobilier qui sent le poids des années (chaises, commodes, glaces). Et le top, un coin douche intégré à la chambre, là aussi très spacieux, imitation marbre, robinetterie dorée. C’était assez plaisant d’être baigné dans cet univers. Mon passage sous la douche ne le fut pas moins après ce long roadtrip.

Mon but était de rester quelques semaines sur San Francisco, en faisant un programme work for stay dans un hostel par exemple. Seule solution pour ne pas griller toutes mes économies pour payer mes nuits.

J’avais un contact dans une auberge, mais j’ai préféré attendre quelques jours avant de m’y rendre, car ma voix n’était vraiment pas au top. Le rhume que j’ai attrapé à Seattle disparait doucement, mais depuis deux jours mon nez est bien bouché. Alors déjà que je possède une élocution pourrie, avec en plus un nez bouché c’est mission impossible pour se faire comprendre. Je prends donc mon mal en patience avant de pouvoir passer des entretiens.

Toute fin d’après-midi, je pianote sur mon Eee PC pour booker une nuit dans une auberge, la mienne étant pleine pour le lendemain. Je fais ensuite une petite sortie dehors en repérage, et principalement pour me trouver quelque chose à me mettre sous la dent. Car je dois bien avouer que pour ce soir, SF ou pas, ce qui m’excite le plus c’est d’aller me coucher. Pouvoir dormir sur un matelas, la tête enroulé autour d’un oreiller et le corps fouiné sous des draps. Après trois nuits à même le sol, le luxe se résume à ça.

Mes deux voisins de chambré n’étant pas non plus en mode fêtard ce soir-là, ma nuit fut à la hauteur de mes espérances. Avec un réveil presque crapuleux à 9h30. Pas le temps pour autant de se prélasser, je dois faire mon check-out suivit du check-in dans ma nouvelle auberge, l’Encore Express, sur Bush street.

Le soleil est voilé, mais malgré cela ces quinze minutes de marche qui me sépare de mon nouvel hostel sont un vrai calvaire, avec toutes ces rues pareils à des montagnes russes. Néanmoins, tout n’est pas noir, je croise plusieurs bâtiments avec des drapeaux tricolores et avec des noms qui résonnent très français, j’irais inspecter cela plus tard.

J’arrive trop tôt pour le check-in, mais je peux au moins me délester de mes affaires dans un local fermé, malgré que la jeune femme au front desk soit aussi aimable qu’une porte de prison. Les bras libres et quelques heures à tuer, je peux enfin mettre le nez dehors en mode exploration.

Le temps est assez brumeux.
Ce qui rend la température un peu fraiche en cette fin de matinée. Au fur et à mesure des jours j’apprendrais que c’est la norme à San Francisco. La brume, si elle se retire, c’est en début d’après-midi et pas avant. C’est super simple pour s’habiller…

Ainsi je redescends Bush street, pour découvrir bien vite qu’elle fait partie du quartier français de San Francisco.
Plus étendu par le passé, il se limite à 95 % dans cette rue dorénavant. Et plus précisément, dans son dernier tiers est.

On y trouve le Consulat général de France, des restaurants français ainsi que des cafés/brasseries à la française.
Comme Le Café de la Presse, réplique plus vraie que nature d’un café parisien. Du mobilier au menu, en passant par le dress code des employés. Ils poussent même le vice à afficher la couverture du dernier magazine Voici sur leur devanture. Priceless.

La très belle Eglise Notre-Dame-des-Victoires se trouve également sur Bush street.
Fondée en 1856, ses couleurs chaudes et lumineuses sont réellement splendides.

C’est encore plus vrai dès qu’un rayon de soleil vient se poser sur elle.
Je n’ai pas été vérifié, mais j’ai pu lire que la messe dominicale y est encore célébrée en français.

Bref, si vous voulez entendre du français, c’est la rue où il faut se rendre !
Au milieu de tous ces Starbucks et Burger King, c’est assez rafraichissant de s’immerger dans cet univers tricolore. Très surprenant, mais très agréable. On s’y sentirait presque à la maison. Ce n’est pas comme si cela faisait un peu plus d’un an que je n’ai pas mis les pieds en France…

Juste en face du Café de la Presse, à l’angle Bush street/Grant avenue, se dresse l’impressionnante Dragon Gate, qui marque l’entrée de Chinatown. Société multiculturelle, quand tu nous tiens. Cela a l’air très joli, assez authentique et non en carton-pâte pour attirer le chaland. Ca grouille de monde, mais j’irais m’y plonger un autre jour.

Je continue de descendre Bush street, pour finalement arriver à son terme.
Je me dirige alors quelques mètres plus loin sur la grande artère Market street.
Véritable poumon de la ville, elle la traverse en grande partie, par une diagonale nord-est/sud-ouest.

Toutes les lignes de métro, bus, tramway se rejoignent ici.
Cela fourmille à tous les étages.

Les références à la culture hispanique me sautent au visage à chaque coin de rue.
Les couleurs claquent de tous les côtés. A commencer par les nombreux tramways qui sillonnent Market street.

Toutes les machines sont des heritage streetcar, c’est-à-dire des vieux modèles des années 50, venant du monde entier. C’est un musée à ciel ouvert. Du jaune flashy au vert old school, je vous promets qu’on se croirait plus à Cuba qu’à San Francisco !

Au commencement de Market street se trouve le quartier d’Embarcadero, qui correspond au littoral donnant sur la baie. Toujours très animé, avec la présence de vendeurs ambulants, où l’on peut à la fois chiner, acheter des souvenirs ou admirer la créativité des artistes.

De l’autre côté, au bord de l’eau, se trouve Ferry Building, un surprenant bâtiment datant du début du siècle dernier, avec son horloge qui attire les regards. Comme son nom l’indique, c’était le terminal des Ferry, très fréquenté avant l’explosion de l’automobile. Le long de ce bâtiment bleu pâle claquant, vous trouverez quasiment toujours un grand marché avec toutes les productions locales. L’ensemble fait vraiment petit village, entouré d’un côté par la mer et de l’autre par les palmiers.

San Francisco et sa réputation de ville à part n’est pas usurpée.
De New York à Vancouver, en passant par Seattle, rien ne se rapproche d’elle.

Une histoire singulière, un passé préservé.
Le tableau peut paraitre idyllique mais comme partout rien n’est parfait.
J’aurais le temps d’y revenir !