Accompagné du couchsurfer taïwanais, je file vers le downtown de San Francisco.
Les rails, prisonniers du bitume, se font avaler par le tramway, inexorablement. Je sais qu’elle a une lettre à poster, après impossible de comprendre son programme pour le reste de la journée. On se quittera une fois arrivé.

De retour sur Market street, le temps est très gris de si bon matin.
Pas trop de monde dans les rues, la ville se réveille doucement. Je croise pourtant un petit attroupement de personnes au croisement avec Powell street. Une trentaine de touristes patientent déjà pour prendre le premier cable car de la journée.

C’est à ce moment là où j’ai fait une croix pour le prendre un jour.
Aucune envie de me lever aux aurores ou de patienter deux heures pour quelques minutes de trajet.

Après avoir passé la matinée à me perdre dans les neuf étages que compte le mall Westfield San Francisco Centre, je sors mon guide et essaye de suivre un itinéraire.

Retour à Chinatown, devant son magnifique Dragon Gate.
Passé le premier pâté de maison assez inintéressant dédié aux magasins de souvenirs et autres bibelots, on entre dans le vrai quartier chinois.

Beaucoup de bâtiments anciens mais bien restaurés.
Des lampions rouges aux fenêtres, des épiceries remplies de produits tous plus étranges les uns que les autres. Des petits commerces de proximités sont présents un peu partout. On sent vraiment que les gens vivent sur place et que ce n’est pas une attraction pour touristes. Mais une ville dans la ville.

Je me dirige progressivement vers le nord, jusqu’à remonter Colombus avenue, la rue centrale du quartier italien. Changement de décor ! Epiceries, magasins, restaurants, cafés, boulangeries…Toute l’avenue est bariolée de vert, de blanc et de rouge. Je reconnais d’ailleurs l’endroit où j’ai été mangé la veille.

Je longe le petit Washington Square Park, et tombe en face de la Saints Peter and Paul Church. Une imposante et lumineuse église de plus ! San Francisco en possède vraiment un nombre impressionnant, dans chaque quartier, avec toutes un style très latin.

En m’engageant sur Filbert street, la marche prend dorénavant un ton bien plus sportif.
Cette rue est plus proche de la verticale que de l’horizontale… Les maisons adjacentes sont vraiment jolies, avec un style qu’on ne retrouve qu’à S.F. Pour autant je plains les propriétaires car garer sa voiture est aussi proche de l’art que du supplice.

Arrivé « au sommet », j’ai une vue imprenable sur l’ouest de San Francisco.
Un dédale de petites maisons de toutes les couleurs, façon favelas, entaillées par des rues qui se terminent au loin vers l’horizon. Le sourire commence à revenir.

Mon calvaire n’est pas encore totalement terminé néanmoins, car l’objectif est d’atteindre Coit Tower.
La colline où cette tour se dresse culmine à 83 mètres, et vous offre une vue imprenable.

Une fois sur place, on peut se dire que cela valait bien la peine de se casser un peu les jambes.
Vous pouvez admirer la ville d’un côté, et la baie de l’autre. Il est donc possible d’y admirer la fameuse prison d’Alcatraz !

Pas de gros guili-guili dans le ventre, juste le sentiment de pouvoir faire une croix sur les choses à voir en ce bas monde.
Des navettes vous proposent de la visiter mais il faut réserver plus d’un mois à l’avance.

Fin de la balade, au pied de la baie, pour longer les quais.
Pour cela, on peut emprunter un chemin assez original. En effet, à la sortie de Coit Tower, on peut prendre un petit chemin vers l’est, les Greenwich Street Stairs.

Ces nombreux escaliers vous feront descendre jusqu’au niveau de la mer en un rien de temps. C’est assez physique, et il n’est pas rare d’y croiser des joggeurs qui montent jusqu’au sommet. La particularité de ces escaliers c’est qu’ils sont adjacents à de très belles propriétés en pierre, très bien entretenues, qui possèdent chacune un jardin très fleuris. Avec une faune et une flore vraiment atypique, reflet de la personnalité des propriétaires.

Plus que de simples marches, vous descendez le long d’un parc botanique amateur.
Et toujours ces maisons de toutes les couleurs, dont la vue vous font autant de bien qu’un rayon de soleil au printemps.

Une dizaine de minutes plus tard, j’atteins la rue d’Embarcadero, qui longe toute la baie. L’occasion de jeter un œil sur les anciens quais et docks, tous rénovés en zones commerciales. Quelques Piers sont pour autant toujours en activités, comme le Pier 33 qui accueille les navettes qui se rendent à Alcatraz.

Le soir venu, petit tour sur Bush street.
14 juillet oblige, le tricolore est présent sur nombre de devantures. Chaque restaurant français est décoré et propose un menu spéciale Bastille Day. C’est ainsi qu’est nommé notre fête nationale ici.

Les cafés et les bars ne sont pas en reste.
Mention spéciale au pub irlandais Irish Bank !

Il dispose d’une petite ruelle entre deux immeubles, où ils installent des tables.
Et pour les grosses occasions, ils monopolisent une ruelle perpendiculaire pour faire office de dancefloor à ciel ouvert.

Et le Bastille Day fait partie de ces grosses occasions !
Pour la petite histoire, ce pub le fête depuis juillet 1998. Avec la victoire des bleus, les français ont apparemment montré leur côté fêtard, qui a plu aux irlandais. Et depuis, à chaque 14 juillet, ce pub ouvre ses portes aux maudis français pour célébrer notre fête nationale.

Et la nuit venue, ils ne font pas les choses à moitié.
Dans la grande ruelle, DJ, lumières, ballons bleu blanc rouge. La musique qui bourdonne jusqu’à plusieurs blocks, et qui le fera jusqu’à minuit. En plein sur la voie publique. Totalement surréaliste !

Tout cela encadré par la police de San Francisco, qui se poste devant chaque entrée du pub et des ruelles. Les passants sont tous intrigués par ce vacarme, et je ne peux que rire intérieurement devant tous ce bordel que génère la célébration de notre fête nationale. On entend déjà assez souvent du français en temps normal à S.F, les touristes étant nombreux, mais ici vous imaginez bien que c’est open bar !

Je ne traine pas trop car j’ai un couvre-feu à respecter.
Le matin suivant j’allais indiquer à mon hôte que je retourne en hostel, mais il m’a devancé en m’annonçant qu’il devait se rendre à Miami pour son boulot. Donc cela était tout aussi bien !

Dans le tramway qui m’emmène dans le downtown, je me sens bien soulagé. Même si l’avenir est bien incertain. Et il le restera longtemps. Malgré le renfort d’un nouveau compagnon de route.

En effet quelques mois plus tôt à Banff, j’avais rencontré Pauline, une française qui traversait le Canada, et qui voulait également en profiter pour descendre la côte ouest U.S. Point de ralliement, San Francisco.

Le jour de son arrivée fut assez mémorable pour moi…
Arrivée en rideshare elle aussi, on se fait inviter chez le conducteur, un jeune gars qui vit pas très loin du quartier chinois. C’est là qu’il nous propose de fumer le calumet de la paix en quelque sorte.

J’y vais assez confiant, car quelques taffes d’une cigarette qui fait rire ne me fait en général pas grand-chose. J’ai appris à mes dépens qu’un bang c’est bien plus violent. Je comprends maintenant parfaitement pourquoi dans les films les effets du cannabis sont illustrés par des arcs en ciel, des éléphants roses ou encore des fleurs de toutes les couleurs.

Vivre son premier trip à San Francisco, ça fait un brin arrogant non ?!
Délires sur l’espace-temps. Comme tenir une conversation, mais par moments avoir l’impression que tout est accéléré dix fois autour de moi. Puis que la vitesse redevienne normale, et tomber sur une conversation totalement nouvelle, mais réussir à répondre quand même. Enfin plutôt se regarder répondre. Puis ainsi de suite plusieurs fois, comme si quelqu’un s’amusait avec une télécommande à accélérer le temps.

Délires métaphysiques aussi.
Comme avoir l’impression de pouvoir rentrer ma main dans la matière de n’importe quel objet. De faire des tests, de faire attention de frôler les objets et non de les toucher, et d’être étonné de ne pas passer à travers.

Je ne m’étalerais pas sur le reste de « mon voyage ». Je me limiterais au fait de mentionner la partie où on est sorti de chez le mec, et je devais conduire Pauline à mon hostel, mais je n’étais pas en état de visualiser quoique ce soit dans ma tête.

On a donc passé dix minutes à être totalement perdu dans les rues de S.F.
Heureusement que je suis passé de nombreuse fois sur Bush street les jours précédents, cette rue me servant de repère général, beaucoup d’auberges se trouvant dans les environs. A partir de cette rue, j’arrivais mentalement à faire le trajet. Mais le temps d’atteindre Bush street fut un vrai calvaire, car ce fut totalement à l’aveugle. Une chance qu’il était autour de 16h et non pas 23h…

Le soir même, on rejoint le conducteur du rideshare et sa copine dans un restaurant japonais.
Les sushis étaient délicieux, mais le plus extravagant viendra à la sortie du resto, car le couple nous emmène quelques blocks plus loin dans un magasin de glace. Mais pas n’importe lequel…

Il se nomme Smitten Ice Cream, et sa spécialité est que les employés vous font les glaces devant vous, en 90 secondes, grâce à l’utilisation d’azote liquide. Gaz qui est proche des -200 °C ! Tous les ingrédients sont frais, avec des vrais fruits, et ils mélangent le tout dans une machine spéciale, pas plus grosse qu’un robot à pétrir une pâte, d’où une épaisse fumée blanche glaçante s’en échappe. Le comptoir ressemble donc à un croisement entre un magasin de glace normal et un laboratoire de chimie.

Le faible temps de création de la glace est censé réduire la taille des cristaux de glace présents avec la méthode classique, car ils ont moins de temps pour se former. Ainsi le goût théoriquement doit être beaucoup plus léger et plus doux. Pour ma part je n’ai pas ressenti une grosse différence. J’aurais eu besoin d’approfondir la question en multipliant les essais. Le fait d’y aller de nuit rend la chose encore plus mystique, et paradoxalement je pense que c’est donc le meilleur moment si vous voulez vous-y rendre !

Les jours suivants furent assez usants. On cherchait par toutes les voies possibles un moyen d’être hébergé quelque part. Couchsurfing, woofing, etc… Mais rien n’a fonctionné. On s’est même rendu sur un marché pour demander à plusieurs exposants s’ils avaient besoin d’aide sur leur exploitation mais rien. On a rencontré un indien qui était prêt à nous laisser son canapé pour quelques jours, voire même à nous proposer un échange bénévolat/hébergement, mais il s’est avéré que c’était un gros mythomane.

Entre deux désillusions, on se prenait toujours un peu de temps pour explorer la ville et tous ses centres d’intérêts.
L’avantage avec San Francisco, c’est qu’il est souvent très facile de frauder en montant dans un bus. A la différence de Los Angeles. Ce n’est pas très bien je vous l’accorde, mais mon compte canadien n’avait pas assez de zéro pour supporter auberge+bouf+transport au quotidien.

Ainsi, office de tourisme, deuxième partie, je vous présente Pier 39, en plein cœur du quartier Fisherman’s Wharf, qui concentre tout ce qui a attrait à la mer. La « jetée 39 » est souvent noire de monde, proposant magasins de souvenirs, restaurants de fruits de mer, mini marché, le tout dans un cadre rénové au bord de l’eau.

Le temps est ensoleillé, on décide d’attraper un bus pour se rendre à l’autre bout de la ville pour visiter le Golden Gate Park, qui est le Central Park de San Francisco. Plus on avance, plus le ciel se charge. La brume qui, sans blague, file au-dessus de nos têtes à la vitesse d’un cheval au galop, est bien capricieuse.

Le downtown à l’est se découvre assez facilement, mais à l’ouest où se trouve le parc, et au nord où se trouve le Golden Gate Bridge, c’est vraiment une autre histoire. Ce climat qui change selon où vous vous trouvez dans la ville peut s’avérer gênant. Mais son côté singulier en fait, il faut bien l’avouer, tout son charme.

Le Golden Gate Park est très agréable, plus grand que Central Park, mais il se dénote surtout par son atmosphère. Le parc de New York est à l’image de la ville : citadine, sophistiqué. Celui de S.F est moins conventionnel. Moins propre, moins carré, moins réglé comme du papier à musique.

Donc plus dans l’esprit de la ville, comme ces palmiers et fleurs aux couleurs vives qu’il abrite et qui rappellent le sud. Il accueille aussi de nombreux musées et monuments, ainsi qu’un jardin japonais d’une très grande qualité. Impossible de rester de marbre devant tous ces tableaux évoquant si bien la quiétude et la spiritualité.

Les jours passaient sans qu’une once d’espoir n’apparaisse dans nos recherches, mais un retour totalement inattendu et random est apparu. Mais j’ai besoin de faire un petit retour en arrière !

Une semaine plus tôt, si désespéré que mes multiples emails pour faire du bénévolat en échange du gîte n’aboutissaient pas, j’en venais à faire des demandes improbables.

Un jour je tombe sur le site Meetup, qui permet de rentrer en contact avec des groupes de personnes ayant vos mêmes sources d’intérêts. Je remarque quelques groupes francophones, ou du moins qui ont un intérêt pour la France.

Ni une ni deux, je fais mon gros chacal, prépare un texte bien senti, expliquant ma situation et mon souhait d’être hébergé quelques jours en échange de travaux ménagers ou d’échange linguistique si besoin, et l’envoi aussitôt.

Bref, autant jeter une bouteille à la mer…
Sauf qu’une semaine plus tard, je reçois un retour positif !
Le responsable d’un de ces groupes me met en contact avec une personne qui pourrait m’aider.

Malgré que l’on ne se connaisse pas, malgré que de un on passe à deux avec Pauline à vouloir être hébergé, la personne a donné son accord pour qu’on passe un week end chez elle. Cette merveilleuse personne, c’est Priscilla, australienne à la retraite. Elle nous ouvrira sa porte.

Porte un peu lointaine, mais on prendra quand même !
En effet, elle habite au nord de la baie de San Francisco, de l’autre côté du Golden Gate Bridge, dans la riche circonscription de Marin City.

Du downtown, 15 minutes en voiture, un peu plus en car.
Mais comme d’habitude il y aura des contretemps…