De retour à mon hostel à l’est du downtown, je suis agréablement surpris de retrouver l’équipe de tournage toujours au travail dans le terrain vague, malgré que la soirée soit déjà bien entamée. Cool, maintenant j’ai le temps de sortir mon appareil et d’immortaliser un peu l’instant.

Maintenant que je me suis occupé de mon problème de santé, je peux me consacrer entièrement à ma dernière semaine de voyage. Ainsi le lendemain, le lundi 19 août, je me cale dans mon Starbucks sur Historic Core, et je planifie pour de bon la fin de mon voyage.

N’ayant pu au final que très peu bourlinguer dans Los Angeles, je me laisse jusqu’à jeudi pour en profiter.
La suite, c’est une mission commando pour voir le Grand Canyon. Je siphonne mes économies, mais je préfère encore cela que de ruminer un regret des années plus tard.

Pour le vendredi, je réserve donc une place de bus pour me rendre à Las Vegas, dans le simple but de faire un tour organisé au Grand Canyon le samedi, et de repartir tout de suite après, le dimanche, direction Vancouver.

Avant de ranger ma carte bleue, je l’utilise une dernière fois pour booker une nuit dans un nouvel hostel, le Timen’s House, qui est situé sur North Hollywood, proche d’une station de métro. Mon auberge actuelle a elle aussi une bonne localisation, mais elle est super mal gérée d’une part, et d’autre part les lits sont constitués de matelas à eau, et c’est juste épouvantable pour dormir.

Début d’après-midi, je prends une rame de la Red Line pour me rendre une nouvelle fois sur Hollywood Blvd.
Dans la rame, toujours beaucoup de touristes. Avec toujours quelques familles françaises dans le lot. Plus je les croise dans les grands pôles touristiques, plus je m’aperçois de leur grande ressemblance. Le même mari avec un début de calvitie, avec sa grande femme qui parle vaguement anglais et leurs deux enfants en mode fashion week. C’est méchant (ou pas) à dire, mais ils ont tous la tête d’un médecin ou d’un spécialiste. De toute façon qui d’autre peut emmener femme et enfants en vacance en Californie ? Ca me peine un peu de voir des gens qui se rendent à Los Angeles comme d’autres iraient en Bretagne, mais bon, welcome to the real world Anthony.

Je me rends au Grauman’s Chinese Theatre, pour pouvoir admirer les fameuses empreintes de pieds et de mains dans le ciment laissées par les stars du cinéma. C’est émouvant et à la fois très drôle, car on y trouve vraiment de tout ! De Donald Duck à Mel Gibson, de Frank Sinatra à R2-D2.

Je file ensuite en direction du nord, en quête d’un bon point de vue sur le panneau Hollywood. Mais ce fut un vibrant échec ! Je le perds vite de vue, et je ne trouve aucun chemin pour prendre un peu d’altitude. De retour sur Hollywood Blvd, la nuit est tombée. L’occasion de profiter un peu de cette rue festive, qui se transforme en mini Las Vegas le soir venu, avec des lumières qui brillent sur toutes les devantures.

Le lendemain matin, je me dirige comme prévu sur North Hollywood pour déposer mes affaires à mon nouvel hostel.
Pas de frissons durant la nuit et pas de réveil en nage, les antibiotiques font effet et cela me boost encore plus. Je quitte une auberge moyenne pour une auberge…carrément nulle. Lorsque votre premier critère est le prix ça arrive souvent.

Le Timen’s House, c’est en fait un petit baraquement tenu par un couple russe, qui eux habitent à côté dans une grande maison. Pas aimables pour un sou, on sent direct qu’ils ont bricolé derrière leur maison un dortoir histoire de se remplir les poches. Ca ne m’arrange pas car je vais encore devoir me trouver un autre hostel pour le lendemain, car ici ce n’est vraiment pas possible.

Je quitte vite l’endroit car j’ai prévu de me rendre à Venice Beach aujourd’hui, à l’extrême ouest de Los Angeles.
Pas (encore) de ligne de métro direct depuis le downtown pour s’y rendre. Les tramways de l’Expo Line s’arrêtent à Culver City. En attendant la fin des travaux, il vous faut emprunter durant 5 km une des lignes de bus qui rejoignent la côte.

Sortie du downtown, le light rail trace son chemin à l’air libre, et il est donc bien agréable de pouvoir profiter du paysage.
Plus on se rapproche de Culver City, plus nous prenons de la hauteur. Les rails sont perchés alors sur une plateforme en béton indépendante d’une vingtaine de mètres, qui vous donne une vue sur les lointaines collines brulées d’Hollywood. Je peux même apercevoir le fameux panneau, qui me nargue une fois de plus.

Venice Beach.
La claque.

J’avais lu en diagonale la page de mon guide qui en parlait comme d’un endroit très underground, à ne pas manquer mais où il ne fallait pas trop trainer la nuit venue. Mais je n’étais pas du tout préparé à ce que j’allais voir !

C’est un joyeux bordel, un bouillonnement de contre-culture.
Un doux parfum de nihilisme, qui rappelle le passé de San Francisco, voir même celui de Woodstock. Le street art est également roi ici, avec des murs graffés de belles fresques un peu partout. La rue du front de mer, l’Ocean Front Walk, est le théâtre du plus grand n’importe quoi.

D’un côté des petits commerces où l’esprit de sous-culture est bien présent.
De l’autre, sur le trottoir, une galerie de personnages très hauts en couleur. Des magiciens, des marabouts africains, des pythons autour du cou de certains, des cobras dans des paniers en osier, des jongleurs, des drag queens, des musiciens, des artistes de rues qui font des pirouettes par-dessus 5 touristes, etc…

La rue est toujours en mouvement, avec un flot de visiteurs qui déboulent dans les deux sens, au point que parfois il en devient même difficile de circuler. Pour rajouter encore plus de folie à ce tableau, une tyrolienne est présente dans un parc qui se trouve à quelques mètres. Ce bout de pelouse est lui aussi occupé par tout un tas de marginaux.

Le business est présent mais n’a pas encore totalement annihilé l’ambiance unique d’anarchie du lieu.
On se sent à la foi super libre, car on a l’impression d’entrer dans une société qui s’autogère, sans barrière et sans règle. Et en même temps, ce qui est une conséquence, c’est que je reste toujours un peu sur mes gardes, car j’ai le sentiment que cela peut dégénérer à tout moment.

Au pied d’Ocean Front Walk, le sable est déjà présent, et il vous faut marcher 200 mètres pour arriver à la mer !
La plage est donc elle aussi un immense terrain de jeux, sans compter les pistes cyclables qui la parcourent, qui vous offrent un cadre exceptionnel pour pédaler. Enfin pédaler, on est à Venice Beach, le berceau de la glisse ! Donc sur cette piste vous trouverez de tout : vélo, bmx, skateboard, longboard, roller, etc…

En parlant de glisse, comment ne pas parler du skatepark, qui se trouve lui aussi sur le sable.
Les palmiers d’un côté, une vue dégagée sur le ciel et l’océan pacifique de l’autre. Le lieu est véritablement magique, et il prend encore plus de splendeur durant le coucher du soleil.

Les skateurs sont une bonne dizaine, et ils prennent tous les risques.
Sans casque, parfois même torse nu, ils surfent sur les courbes en béton à une vitesse folle. Et je n’exagère pas du tout. Ils savent parfaitement où il faut donner un petit coup de rein pour accélérer toujours plus. Ils maitrisent tellement leur sujet que l’on assiste à un spectacle véritablement exceptionnel. Oui on, car il y a toujours une rangée de touristes comme moi qui restent scotchés devant ce show gratuit. Ce show gratuit que ces skateurs fous n’essayent même pas de monétiser, malgré les risques insensés qu’ils prennent.

Il faut la voir cette bande d’artistes de la glisse, composée aux 3/4 d’afro américains, qui ne viennent pas des beaux quartiers. Ils paraissent tous dans leur bulle au premier abord, mais ils se soucient tous de leur sécurité. Avec des règles aussi basiques que d’avertir les autres dès que l’on vient de se rétamer, pour éviter qu’un autre skateur ne vienne percuter sa planche qui se balade seule sur le parcours.

Un groupe de jeunes de 5 ou 6 sont toujours présents et s’entrainent sans relâches. Seuls quelques touristes (blancs) viennent s’essayer de temps en temps, avec un succès pas toujours au rendez-vous. Ensuite il y a les anciens, les habitués de 30 à 40 ans, qui viennent rider dix minutes un quart d’heure, entre deux shifts. Les personnages les plus excentriques se succèdent, et on s’aperçoit vite du grand respect mutuel, même entre ces différentes générations.

Les skateurs sont encore plus nombreux lors du coucher du soleil, et je me force à bouger pour me rendre plus près de l’océan, à proximité des belles cabines bleu pâle des sauveteurs. Le soleil se couche au loin et nous inonde d’une palette de rose et d’orange sublime. Autour de moi des groupes de gens apprécient aussi le spectacle, durant que la douce folie continue de l’autre côté de la plage. Venice Beach est un lieu très grisant, unique en son genre, qu’il faut véritablement avoir vu au moins une fois.

Je me dépêche de rebrousser chemin car j’ai un sacré parcours à faire pour retourner à mon hostel.
Après avoir jonglé entre bus, tramway et métro de nuit, j’arrive de nouveau sur North Hollywood. L’obscurité est assez angoissante dans ce quartier résidentiel tout juste de classe moyenne, où il n’y a pas un chat dehors. De nuit je galère à me situer et j’en arrive même à ne plus reconnaitre l’entrée de la maison où se trouve l’hostel.

Sur place, l’ambiance est assez creepy sur la petite « terrasse » coincée entre un baraquement et la maison des proprios.
Je sens un certain malaise chez les vacanciers. Dans mon baraquement, tout le monde zone devant la télévision, volume à fond. Tous endormis sur le canapé en face du poste, le décor a de quoi déranger. On dirait des adolescents ne sachant pas quoi faire de leurs journées, car je les ai laissés dans la même posture ce matin. Dans ce climat pas très rassurant, je grimpe sur le lit et essaye de dormir, malgré le bruit de la télé qui tranche froidement avec le silence glaçant du groupe endormi.

Bref, le lendemain, il est clair que je ne vais pas booker une nuit de plus ici !
Dans ce foutoir que sont ces dortoirs, je laisse sur un tas de couettes la mienne achetée à San Francisco, en guise d’adieu. Je n’ai pas prévu de faire du camping les jours qui viennent donc je peux m’en débarrasser.

Je quitte cet endroit de bon matin, et me rend sur Historic Core.
Le temps d’acheter une banane en échange de quelques centimes en guise de petit déjeuner, et j’entre dans mon Starbucks. Je book alors les deux dernières nuits qu’il me reste sur LA.

La première au Los Angeles Backpackers Paradise Hostel, la fameuse auberge sur Inglewood. La seule à un prix raisonnable avec des dispos pour le soir même. Son gros désavantage c’est qu’on ne peut pas y rentrer tard, car le quartier craint et qu’il n’y a que le bus pour s’y rendre. Je décide alors de prendre ma deuxième nuit dans un hostel sur Venice Beach, car cette dernière, bien qu’aussi éloignée qu’Inglewood, dispose d’une ligne de tramway avec une plage de service plus étendue.

Ne pouvant déposer mes affaires avant ce soir, je décide alors de rester dans le downtown, et de faire un truc que j’avais vraiment envie de faire : flâner. Juste flâner, à la parisienne, en essayant de se perdre pour découvrir des choses étonnantes.

Sur South Broadway, je tombe sur le vieux Los Angeles d’avant-guerre, avec des buildings anciens mais qui ont tellement de caractères. Comme le fameux Los Angeles Theater, cinéma construit en 1930. Je descends la rue et je retombe sur ce bâtiment si classe, l’Eastern Columbia Building. Il est difficile de rater cette immense façade bleue turquoise.

Au niveau de la chaussée, on se croirait toujours plus au Mexique qu’aux Etats-Unis, avec de l’espagnol un peu partout.
C’est assez étrange, mais cela a le mérite de vous interpeller, et de rendre la balade toujours plus surprenante. Je ressens un grand plaisir à arpenter ces rues remplies d’histoires, que je soupçonne cacher quelques secrets. J’aimerais tant avoir une semaine entière pour en découvrir le maximum.

Mes soupçons se confirment lorsque je décide de passer sur West 7th street, et que je découvre par pur hasard, la St Vincent Court. Rien ne la signale, on peut très bien passer à côté et la rater. Seule une grande ouverture dénote du reste, mais à l’heure où j’y passe, l’entrée de la cour est plongée dans la pénombre et ne fait pas des plus accueillantes.

Intrigué, je pénètre finalement dans ce renfoncement, pour découvrir une cour cachée, à l’abri du monde extérieur. Une cour qui fait très parisienne, avec pleins de micro commerces et des restaurants avec des tables extérieurs. Cet endroit fait ainsi penser à une petite rue de Paris, mais son aspect pittoresque et camouflé me fait plutôt le même effet que de rentrer dans des passages couverts de notre capitale, comme le Passage des Panoramas. A la différence qu’ici le toit c’est le ciel bleu, et rien d’autre.

La cour est un joyeux bordel de styles. Elle est principalement constituée d’anciennes bâtisses d’inspirations espagnoles. Pour autant, au-dessus de certains commerces, dont une boutique française et un barber shop, vous trouverez des gros objets faisant très années 50, comme une Cadillac conduite par Marilyn Monroe. Au fond de la cour, on change encore d’univers, avec des petites habitations (habitées ?) très colorées, que l’on dirait sorties tout droit de l’attraction « It’s a Small World » de Disneyland.

La fin de journée approche, je la finie en me rendant à la Los Angeles Public Library, sur West 5th street.
Encore un bien beau bâtiment, entre inspirations espagnole et égyptienne, comme l’illustre sa tour centrale qui se termine par une mosaïque pyramidale. Mais vous y trouverez aussi quelques éléments en forme de sphinx et de serpent.

A l’intérieur, c’est tout aussi grandiose, avec des salles imposantes où le sol est un damier en marbre, et où le plafond est recouvert de fresques et de rosasses aux milles couleurs. Par moment cela a plus à voir avec une cathédrale qu’avec une bibliothèque.

Les espaces sont ainsi tous monumentaux, et les salles de consultations ne dérogent pas à la règle.
Au milieu de ce silence religieux, et à la vue de toutes ces étagères saturées de savoir, on a tous envie de s’arrêter et de se cultiver un peu. 4 étages et 4 sous étages, les possibilités sont endless

Je prends les escalators pour descendre dans les sous-sols, et chaque étage vous rend bien humble : business, economics, science, philosophy. Le quatrième et dernier sous étages m’attire plus particulièrement, avec ses thèmes history et genealogy. Une fois dans la pièce, dur de ne pas se prendre pour Indiana Jones, devant tant d’anciens textes et tant d’anciennes cartes.

Difficile de ne pas avoir envie de faire une thèse, tellement l’atmosphère inspire à la connaissance.
Ambiance feutrée, où les bureaux au bois sombre et pur sont alignés de manière méthodique. Chacun dispose de sa lampe verte caractéristique, qui diffuse une maigre mais dense lumière jaune. Un endroit presque onirique, à l’instar de la scène dans la bibliothèque dans le film Seven.

Aaaaaah pourquoi diable il ne me reste plus qu’une journée à passer dans cette ville.
Il s’y dégage vraiment quelque chose de particulier, et il me faudrait bien plus de temps pour me sentir rassasié. Tellement de différents endroits, de différentes lumières et de différentes cultures qui s’entrechoquent. Pour ainsi dire, je me verrais même y travailler 2 ou 3 ans, histoire de bien en avoir fait le tour.

La Cité des Anges, un nom poétique bien trouvé, pour une ville qui ne manque pas de charme.