Dernière journée sur LA, je décide de la passer au Griffith Observatory.
Situé à 300 mètres d’altitude, sur la face sud du Mont Hollywood, cet observatoire dispose d’une vue imprenable sur Los Angeles, ainsi que sur le panneau Hollywood. Après tant de ratés pour m’en approcher, je ne pouvais pas partir vaincu.

Avant cela, aux petites heures du matin, je quitte pour la dernière fois Inglewood pour me rendre sur Venice Beach, au The Venice Beach Hostel. Heureusement que je suis parti tôt, car ce fut une fois encore la croix et la bannière pour trouver mon chemin. J’avais remarqué la veille une rue où il se trouvait plusieurs auberges près d’Ocean Front Walk. Je pensais que le mien s’y trouvait, grave erreur. Ayant booké super à l’arrache je n’avais même pas pris le temps de checker un plan.

Washington Boulevard, la rue de mon auberge, se trouve en fait quelques kilomètres plus au sud, près de la Marina Del Rey.
Après un certain nombre de péripéties ainsi que de nombreux jurons, j’arrive enfin sur Yale Avenue, l’adresse exacte (!!!) de l’hostel. Impossible cependant de m’énerver sur le personnel, car il est super accueillant, et l’endroit très relaxant.

C’est une grande maison en bois tenue par un jeune couple aux petits soins, façon familiale.
L’ambiance y est vraiment sympa, et l’intérieur invite à la décontraction. Un doux mélange d’une cabane hawaïenne et de l’esprit underground de Venice Beach. Quel changement à comparer au malsain Timen’s House ! C’est vraiment le jour et la nuit.

Je ne reste pas plus de dix minutes, le temps de laisser mes affaires et je prends la route pour le Griffith Observatory.
Une navette assure un service jusqu’au sommet, mais que le week end, et donc en ce jeudi 22 août c’est niet ! Je le savais au préalable, mais je n’ai rien contre un peu de marche. Et au pire, si je n’en peux plus, je trouverais bien quelqu’un pour m’offrir un lift.

C’est parti pour une bonne heure de marche, sous le soleil toujours aussi écrasant d’LA.
Depuis Hollywood Blvd, je vire au nord en prenant North Western Ave. Cette rue bifurque ensuite vers l’est, et devient par la même occasion Los Feliz Blvd. Je vais en manger durant plus d’1 km. Le quartier est très très chic. Les maisons que je croise sont toutes très luxueuses, avec jardin et piscine.

J’arrive enfin au croisement avec North Vermont Ave, la route qui grimpe jusqu’à l’observatoire. Là cela commence à être très sportif, car le dénivelé est important. J’arrive péniblement à me trainer jusqu’au niveau du Greek Theatre. La moitié du chemin est fait mais je suis déjà bien cramé. Cette grande enceinte ouverte est l’hôte d’un concert le soir même. Je continue à grimper en entendant les balances, et en essayant de me frayer un chemin dans le flot encore léger, mais constant, de voitures qui commencent déjà à arriver.

Malgré la beauté rustique des collines qui m’entourent, jaune cramé à souhait, je n’en peux littéralement plus et je commence à penser demander de l’aide aux automobilistes qui grimpent tout là-haut. Au même moment j’aperçois, encore loin devant moi, le Griffith Observatory. Bon, je ne vais pas craquer maintenant, cela serait trop bête.

Les jambes en compote, me voilà en haut de la butte, et je ressens alors une grande joie d’en avoir fini et d’avoir tenu le coup.
Liquéfié, peut-être, mais je peux regarder maintenant avec dédain les visiteurs venus en voiture ou en car !

Je longe le Griffith Observatory par la droite, et derrière moi, encore plus à droite, perché sur sa colline, j’aperçois enfin de façon très net ce foutu panneau Hollywood.

Victoire !
Je sors mon appareil et mon trépied avec vigueur, ne pensant qu’à une chose : « aah toi tu vas voir, tu m’as bien fait chier, je vais pas te rater ! ».

Je continue de faire le tour du bâtiment, pour parvenir enfin sur le panorama tant attendu.
Une vue en cinémascope de Los Angeles. Les tours du downtown au loin, perdues au milieu d’une agglomération anarchique.

Je prends encore plus mon pied au moment du crépuscule. Un ciel alors ocre, lourd et dense s’abat sur la ville. Une couleur chaude, limite industrielle, qui lui colle si bien. Je fini mon séjour sur Los Angeles avec une belle carte postale.

L’intérieur du Griffith Observatory propose un historique de l’astronomie, ainsi que des expériences scientifiques assez chouettes, comme la présence d’une bobine Tesla qui diffuse des arcs électriques. La visite du télescope semblait gratuite ce soir-là, mais la file d’attente était bien trop grande pour moi. J’aimerais bien rester encore un peu plus, ne serait-ce que pour attendre que le ciel devienne encore plus bizarre au fur et à mesure de la descente du soleil, mais j’ai un sacré chemin retour qui m’attend.

Une heure à pied pour arriver à la première bouche de métro. L’obscurité est totale, et toujours assez angoissante. Hollywood Blvd est proche, mais je suis loin d’être dans sa partie touristique. Je mange en vitesse un cheeseburger dans un McDonald’s coincé dans une rue triste et sombre, et où à l’intérieur les quelques clients ne le sont pas moins.

Une nouvelle petite heure de transport, entre métro et tramway, pour aboutir à Culver City.
Il commence à se faire tard, et je croise les doigts pour que les green bus circulent encore. Ce sont les bus de la municipalité de Culver City, et dans mon cas, leur trajet est cent fois plus direct pour me rendre à mon hostel que les lignes Metro Bus. Passé dix minutes qui me parurent une éternité, un de ces bus décide de se montrer.

De retour à l’auberge, l’ambiance est toujours aussi tranquille et baba cool.
Etant parti toute la journée, ils ont oublié de me donner un lit. Pas grave, en dix minutes la tenancière m’installe un lit improvisé sur le sol, dans une chambre entre deux lits.

Mais là encore pas de malaise, les chambres sont grandes et ne font pas vraiment dortoirs.
Je croise d’ailleurs pas mal de matelas supplémentaires installés dans les chambres. Vu que le climat est très sain, cela fait plus sleepover que remplissage maximum. Enfin bref, il y a des endroits comme ça où vous vous sentez juste bien, sans trop pouvoir l’expliquer.

Après une bonne douche, je me plonge dans mon lit douillet, histoire de dormir quelques heures.
En effet mon bus pour Las Vegas part le lendemain à 8h30, et la gare se situe dans le downtown d’LA. Pour assurer le coup, je prévois un réveil à 5h30, pour prendre le bus de 6h qui amène à Culver City.

Autant dire que le réveil fut dur !
Mes sacs sur le dos, je me dirige en silence vers l’arrêt de bus, alors que la ville est encore endormie. C’est toujours des instants étranges, mélange de souffrances mais aussi d’excitations, car déambuler seul durant les petites heures du matin, c’est ressentir le doux frisson de l’aventure. Même crevé, cela me rend en joie.

Au pied de l’arrêt, déjà 3 motivés sont présents.
Un magasin de donuts est déjà ouvert juste à côté, avec là encore quelques clients courageux. Ce n’est pas une chaîne, et les donuts ont l’air super appétissant. Je ne résiste pas à en prendre un, et je ne fus pas déçu.

Le green bus arrive à l’heure, sur les coups de 6h, premier soulagement.
Une dizaine de minutes plus tard, me voilà arrivé sur Culver City pour prendre une rame d’Expo Line. Le tramway trace sa route vers l’est, dans la nuit noire, qui commence timidement à s’effacer.

A son terminus, je sors alors de la station 7th Street/Metro Center, pour me diriger quelques mètres plus loin vers un bus, qui lui m’amènera enfin à la gare routière. Le jour se lève finalement, et le downtown est déjà pas mal en effervescence.

J’arrive à destination à 7h30, soit une heure avant mon départ, un timing parfait.
La gare Greyhound est blindée, et en particulier les voies réservées pour les départs vers Las Vegas. Vendredi 23 août, c’est encore les vacances, beaucoup de familles ont l’air de s’y rendre. Pas moins de 3 bus nous sont réservés, je n’ai jamais vu cela ! Le hall devient une vraie cohue où le stress ambiant est palpable. En effet après une longue attente, les bus se remplissent de la même manière qu’un avion, par tranches, selon le numéro de votre billet. Ca a donc le don de stresser tout le monde de voir ces queues interminables sans être encore appelé.

Avec un peu de retard, nous voilà parti pour 5h de route.
450 km à rouler sur l’autoroute Interstate 15. Seule voie rapide qui relie Los Angeles à Las Vegas, elle se trouve coincée entre la Death Valley et le Mojave Desert. Le paysage est ainsi totalement désertique. Poussiéreux et sec à souhait, avec quelques rares collines. Dépaysant comme il le faut, je kiffe. Néanmoins merci la climatisation du bus car ça a l’air d’être l’enfer dehors.

A mi-chemin, nous faisons un stop dans un coin paumé. Une aire de repos avec de quoi se restaurer, mais surtout pleins de boutiques de souvenirs avec des produits bien kitchs sur l’ouest américain. Beaucoup d’autocars sur le parking, qui ne voyagent pas du tout à vide. Las Vegas attire toujours autant de monde il faut croire.

Nous reprenons la route dans ce no man’s land ardent, jusqu’au moment où nous quittons la Californie pour le Nevada.
Le Nevada, merde ! Que d’images qui envahissent encore ma tête à cet instant. J’avais frôlé cet Etat lors de mon passage à Yosemite, cette fois j’y suis.

La ville de Primm se dresse pile au niveau de la frontière des deux Etats. Petite ville purement artificielle, avec quelques casinos et hôtels extravagants, qui essayent évidemment de profiter d’être sur le passage de Las Vegas.

Le désert laisse peu à peu la place à des petites poches d’urbanisation, jusqu’à apercevoir au loin de plus en plus de bâtiments. Une large ville se dresse au milieu de la poussière. Elle fait déjà d’ici très factice, tellement elle sort de nulle part.

L’aspect exubérant de Las Vegas ne me frappe pas trop encore. Il faut vraiment rouler sur le Strip pour prendre une claque, mais le bus ne l’emprunte pas. A la place, nous nous dirigeons au nord de la ville, sur Main street, où se trouve la gare routière.

14h bien tassé, je sors du bus, bien claqué.
Je commence à payer mon réveil matinal. A l’extérieur, malgré que l’on soit loin du Strip, les hôtels et les casinos sont partout, avec des affiches gigantesques pour des spectacles de cabarets. Je remarque sur un bâtiment un petit carré vert avec un « M » jaune dessus, je décide d’y étancher ma faim…et ma soif. En effet, je ne suis dehors que depuis quelques minutes, mais ciel, quelle chaleur. Pas une trace de nuage, juste un gros soleil qui vous tombe dessus. Vous avez beau vous trouver autour de buildings vous restez au final au milieu d’un désert, on a tendance à l’oublier.

Je rentre dans un bâtiment, qui s’avère être le Plaza Hotel – Casino, et j’accède à une salle immense de machines à sous. Direct, comme ça. Genre aucun vigile, aucun accueil, de la même manière que si j’entrais dans un centre commercial. Malgré ma dégaine plus que louche personne ne me prête attention. Dans la salle, les clients sont déjà présents. Beaucoup de retraités évidemment, qui jouent de manière très mécanique.

Je parcours quelques mètres sur la moelleuse moquette du casino, avant de faire demi-tour et d’enfin trouver où se cache monsieur Ronald. J’y retrouve plusieurs personnes croisées dans la gare routière. Les profils sont très variés. Cela va de la bonne famille moyenne américaine, aux groupes de jeunes venus clairement pour se la coller, ainsi que quelques marginaux et autres bikers.

Après m’être sustenté à vil prix, il s’agit de trouver mon chemin jusqu’à mon auberge, l’Hostel Cat, qui si situe sur le Strip, au 1236. Il est censé pouvoir être rejoint à pied après 20 minutes de marche. Seulement avec cette fournaise, les choses ne sont pas aussi simples.

Déjà classique, je me plante d’entrée de chemin, en remontant Main Street, où j’y croise tout un tas d’hôtels-casinos ayant pour thème le far west. Le grand délire commence. Cinq minutes plus tard je m’aperçois de ma connerie et refais le chemin inverse. Seulement là je m’aperçois que je suis déjà totalement mort et que je sue à grosses gouttes. Le chemin va être long…

Je trouve enfin la rue qui m’intéresse, Fremont street. Je tombe plus particulièrement sur sa partie rénovée, la Fremont Street Experience, où un écran géant d’une longueur de 460 mètres fait office de plafond. Avec le succès grandissant du Strip, les casinos historiques présents sur Fremont st se sont trouvés délaissés. C’est pourquoi en 1994 des travaux furent entrepris pour redynamiser cette rue, engluée dans le croupissant downtown de la ville, loin du Strip flamboyant qui se trouve au sud.

En rentrant dans ce « tunnel du péché », c’est une première plongée dans la folie de Sin City.
L’écran géant, avec ses images qui flash en boucle, nous enferme tout de suite dans un monde parallèle, onirique et irréel. Cela vous prépare aux devantures des casinos, toujours plus grandes et lumineuses que son voisin. Dans ce déchainement de couleurs de de musiques, des bars disposent directement des comptoirs sur la rue, comme des restaurants installeraient des tables. Derrière l’un d’entre eux, une serveuse, topless, l’air de rien. Je…mais…oui, ok. Suis-je toujours aux Etats-Unis ?

A partir de cette acceptation générale de cette nudité, c’est le signal clair que la ville est régie par ses propres règles.
C’est comme visualiser une barrière, et s’apercevoir la seconde d’après que cette barrière s’est éloignée d’1 km. Cela donne vraiment un plaisir primaire de non interdit. Sentiment renforcé par le fait que nous sommes en plein après-midi ! Donnant ainsi l’impression que ce tourbillon du vice ne s’arrête jamais, qu’il n’y a ni jour et ni nuit. Même les règles élémentaires de la nature ne semblent pas s’appliquer ici.

Je ressors du Fremont Street Experience en ayant assez bien réussi à éviter les rabatteurs de toutes sortes. Me voici maintenant au croisement avec le sulfureux Las Vegas Strip. Cependant je suis complètement vidé par cette chaleur, et je traine plus mon corps qu’autre chose.

Je suis ainsi bien tenté de prendre un bus de la compagnie Deuce, qui est un bus à 2 étages ultra moderne qui parcourt le Strip 24h/24, mais je suis très vite refroidi par les tarifs. Le minimum, $6 pour 2h ! Wtf ! Bon, je crois bien qu’il va me falloir me taper les 800 mètres restants à pied…

Je descends alors le Strip, où je ne croise que des salles de jeux de secondes zones et des motels assez miteux également. On est loin du luxe du Bellagio et autre Flamingo, qui eux se trouvent beaucoup plus bas. Quelques wedding chapels font aussi leur apparition. Des chapelles en carton-pâte goût guimauve qui font plus penser à un sketch qu’à quelque chose de sérieux. Vegas, Vegas

Les pâtés de maisons se suivent et se ressemblent, avec maintenant des boutiques de sextoys, de déguisements, de cigares, tatouages, bibelots, etc…Tout ce que l’on trouve en général autour des zones touristiques en Amérique du Nord. Avec pour seule différence un côté plus libertin, qui va un peu de pair avec une ambiance assez malsaine, car encore une fois le nord du Strip ce n’est pas le conte de fées préfabriqué qui se trouve au sud.

J’aperçois enfin un écriteau « Hostel Cat », coincé entre un stripper et un tatoueur.
L’auberge a l’avantage d’être entouré d’une part d’un parking et de l’autre d’un terrain vague, donc nous sommes un peu isolés et ce n’est pas plus mal. Le visage rougi et le front pétillant, je jette littéralement mes sacs à dos au pied du front desk, aussi fatigué et usé qu’un marathonien. J’accours à la partie cuisine toute proche et m’envoie un verre d’eau tel un mort de faim.

I did it.
Ciel, I did it !

Ce qu’il ne faut pas faire pour sauver 6 malheureux dollars.