Après cet instant de volupté intense, la nuit fut douce.
Mais comme bien souvent ces derniers jours, elle fut courte !

Dès 8h du matin je me dois de quitter ce lit douillet que je partage avec ma professeur d’anglais.
En effet, malgré des paupières encore lourdes, une véritable mission m’attend en cette matinée du mardi 29 novembre 2016. Je dois ainsi me rendre en vitesse à ma chambre airbnb récupérer les clefs à 9h, et ensuite filer à mon précédant hostel retirer mes affaires et faire le check out avant 10h sous peine de sanction.

La nuit fut grandiose, et les embrassades à n’en plus finir devant la porte d’entrée de ma dulcinée pour se dire au revoir finiront de me transporter sur un petit nuage, très haut dans le ciel. Restant encore plusieurs jours sur Penang, je m’imaginais déjà de prochaines nuits encore très épicées en sa compagnie.

J’arpente les rues et je profite de voir George Town qui se réveil doucement. Même si évidemment pour les locaux, 8h du matin c’est quasiment considéré comme la fin de la matinée ! Mais les rues sont tout de même plus calmes. Avec aucun touriste aux environs.

Je me trouve dans le quartier historique de la ville, dans sa pointe nord-est, encerclé par la mer.
Pour rejoindre mon airbnb, je dois suivre la côte dans une direction nord-ouest, et sur pas moins de 4 km ! Je m’étais bien aperçu la veille qu’il se trouvait assez éloigné de ma position actuelle, mais certainement pas à ce point-là…

Je remonte la pittoresque rue Chulia puis emprunte un dédale de ruelles pour me retrouver sur la très longue rue rectiligne Jalan Sultan Ahmad Shah. Il est alors frappant de constater le changement urbain. Fini les murs anciens, j’évolue maintenant dans un quartier moderne, avec ses centres commerciaux, ses immeubles et ses larges artères.

Ce constat s’accentue encore lorsque j’entame la rue Persiaran Gurney, cette dernière longeant la côte.
Un petit parfum de station balnéaire s’installe alors, et qui ne finit pas de m’étonner tant cette image tranche avec ce que j’ai connu depuis mon arrivée sur George Town, et tant je ne soupçonnais pas qu’un quartier aussi moderne se cachait à quelques kilomètres.

Après justement encore plusieurs kilomètres inattendus qui m’ont occasionné une petite suée, j’arrive enfin à l’adresse supposée de mon logement. Mais la sudation intensive va continuer car les minutes passent sans que je croise la propriétaire. Ma chance c’est qu’un Wendy’s se trouve à 200 mètres de là et que ce cher fast food offre du wifi gratuit. Cependant, comme hier avec mon date, je suis forcé à de nombreux allers-retours entre ce restaurant et ma position, occasionnant une perte de temps monstre.

Perte de temps qui n’est même pas récompensée, car la proprio ne me trouve toujours pas. On se donne finalement rendez-vous au Wendy’s, d’où elle passera me prendre en voiture pour me conduire chez elle. Je me trouvais pour ainsi dire au bon endroit. Mais sa résidence, la Gurney Villa, se trouve derrière la zone où je me trouvais et est seulement accessible par une rue parallèle. On y accède par la route opposée.

Un poste de sécurité se trouve à l’entrée de la résidence. Derrière, un grand parking est établi. Au milieu, une tour blanche se dresse, assez imposante avec sa vingtaine d’étages. Une fois arrivé sur le notre, la propriétaire doit encore ouvrir un grillage en guise de portail à l’aide d’un jeu de clefs d’un autre temps. Quelque chose de typiquement malaisien. Puis l’on retire nos chaussures, et elle ouvre la porte d’entrée. Elle me fait un tour rapide de l’appartement mais elle me quitte bien vite car elle doit retourner au travail. Je ne la blâme donc pas, déjà que je lui ai fait perdre plus de temps que prévu…

L’appartement est comme aperçu sur l’annonce, moderne.
Grand salon, grande cuisine, avec des tons très clairs. Ma chambre est spacieuse et d’une propreté impeccable.
C’est parfait, c’est parfait, mais moi aussi je dois tracer ma route !

9h30, j’ai donc encore une demi-heure pour filer à mon hostel pour effectuer mon check out.
En me mentant à moi-même et donc en prenant soin de ne rien calculer, je me dis que c’est ric-rac mais que ça peut le faire. Mais avec 4 km à faire en 30 minutes, les mathématiques ont beau être cruels elles sont implacables…

La probabilité de m’en sortir était faible, mais elle passa vite à 0 % après que je m’aperçu que je tournais en rond.
En effet, une fois arrivé dans la vieille ville, je pensais pouvoir retrouver mon chemin facilement mais j’aurais au final toutes les peines du monde. Je n’ai jamais connu ça ! Cela sera le cas aujourd’hui mais également les jours suivants. Je ne peux l’expliquer, mais je passerais mon temps à me perdre dans le quartier historique. Dans mon long passé de voyageur c’est bien la première fois que cela m’arrive !

J’arrive enfin à mon hostel, en nage et passablement énervé contre moi-même, car bien après 10h.
Le taulier me fera donc payer un supplément. Une broutille convertie en euro mais ce n’est jamais agréable.

Ma dette réglée, le gaillard de nouveau chargé comme un bourriquet, je peux entamer mon dernier voyage.
Le retour dans mon airbnb. Qui sera une nouvelle péripétie…

Le chemin est long, donc j’y vais tranquillement.
Mais le problème sera tout autre. Je ressens en effet assez vite une douleur au niveau de l’entrejambe. Un léger inconfort qui se transformera vite en une douleur aiguë. A force de raisonnements, j’en arrive à recoller les morceaux. Après ma folle nuit, j’ai oublié de me recalotter. Ma partie intime est donc complètement exposée, et à chacun de mes pas, elle frotte et occasionne une vive douleur.

Imaginez un peu la scène.
Je suis chargé, sous le cagnard, j’ai 4 km de marche à accomplir, et chaque fois que je bouge c’est un véritable supplice. Un grand et fier gaillard paralysé à cause d’un si petit bout de peau !

Je ne vois pas de bus dans les environs, je ne vais quand même pas prendre un taxi…
N’ayant pas vraiment le choix, je continue mon chemin en serrant les dents. Adoptant une marche lente, et vu que ce n’est pas suffisant, j’opte également une démarche qui n’a rien de naturel et qui devait me faire passer pour un détraqué.

Les 50 minutes qui suivirent furent donc mon Vietnam personnel.
Quel sketch. Mais quel sketch.

Arrivé à l’appartement, je ne peux que constater les dégâts.
Mon prépuce a gonflé comme le visage d’une personne qui aurait mangé un aliment dont il est allergique. Assez effrayant.

Une bonne douche froide ne solutionnant pas le problème, je n’ai pas le choix. Je suis seul, au bout du monde, je fais donc une recherche sur la toile. Oui, cet espace qui vous diagnostic un cancer quelque soit vos symptômes.

Avec soulagement, je trouverais des informations fiables et utiles.
C’est impressionnant mais plutôt bénin tant qu’on s’en occupe assez tôt. La solution, pour les curieux, est de recalotter coûte que coûte, même si vu l’état du bazar cela parait impossible. Ainsi protégé des frottements, tout va se remettre dans l’ordre. Messieurs prenez-en donc bonne note. Mesdames également !

Pour autant, cela mettra encore beaucoup de temps à revenir à la normale. J’étais donc dans un sens soulagé d’apprendre dans la journée que ma professeur particulière ne pourra pas me donner de leçon ce soir.

Mon soulagement se transformera vite en amertume.
En effet le lendemain, elle m’annonce que sa mère est malade et se trouve à l’hôpital, et que toute sa famille vient dormir dans son appartement les jours à venir, pour pouvoir s’occuper de la matriarche à tour de rôle. Donc sexy time is over.

Ce fut très dur à avaler, tellement notre passion fut intense, et tellement j’étais persuadé qu’elle voudrait remettre ça. Car cette histoire de maladie, dur d’en connaître la véracité tellement le timing est improbable.

Je mettrais plusieurs jours à mettre une croix sur elle.
En attendant, cette déception, cette amertume dictera mes journées. La mélancolie comme seul compagnon dont je me passerais bien.

Ce n’était clairement pas une love story, que l’on s’entende bien.
Mais cela aurait pu être une belle folle aventure à durée déterminée.

J’essaierais d’occuper donc mes journées.
Penang, ce n’est pas que la ville de George Town. Penang, c’est une grande île avec beaucoup d’attractions pour les touristes.

Comme des jardins, des parcs à visiter. Ou encore une ferme de papillons, un golfe, des musées. Rien de bien motivant pour moi. Du moins rien qui me pousse à casser ma tirelire, car pour visiter ces lieux il faut réserver les moyens de transports ainsi que les billets d’entrées. Il y a bien un ou deux temples dont j’aurais eu la curiosité à découvrir comme celui de Kek Lok Si mais le ratio plaisir/dépense penchait toujours du mauvais côté.

A défaut, je resterais sur George Town, presque sans regret.
Ce n’est pas en 5 jours que l’on peut se lasser de cette ville côtière au charme ancien si particulier.

Se promener dans le centre historique me remplit toujours autant de joie.
Admirer ses petites maisons colorées à l’architecture si unique. Par exemple il n’y a pas de trottoir. Pour circuler, vous empruntez un couloir qui longe les portes d’entrées des maisons, ce qui est assez particulier ! Mais vu que ces couloirs sont à l’ombre, je me rue dessus dès que possible.

En effet, la chaleur est toujours autant horrible, et il faut se montrer courageux pour sortir se balader en journée.
La double peine, c’est de devoir se coltiner un sac à dos qui colle sur votre dos pour pouvoir transporter une indispendable bouteille d’eau.

Je trouverais néanmoins une parade. Ainsi, les boissons, comme ma favorite le thé sucrée, coûtent une somme dérisoire en Malaisie, moins d’1 euro. Et pleins de bars ou de cuisines de rues partout en ville vous en propose. Je ne m’embarrasserais donc plus avec mon backpack, et m’octrois juste une pause rafraîchissement quelque part. Ce n’est pas grand chose, mais croyez moi pouvoir se balader sans sac sur le dos par ces températures est un plaisir divin. Un sentiment de confort et de liberté.

Dans le même registre, j’aime à dénicher les endroits les plus improbables pour manger le midi !
Plus c’est sombre, plus c’est reculé, plus ça ne parle pas anglais, et plus j’y fonce !

Ainsi, plus d’une semaine après mon arrivée en Malaisie, je peux dire que je me sens comme un poisson dans l’eau. Maîtrisant la culture, les moeurs, l’urbanisme et le coût de la vie. Cette maîtrise vous permet de profiter de votre voyage librement, sans se poser de question.

Au hasard de mes pérégrinations, je tomberais sur le temple thaïlandais Wat Chaiya Mangkalaram.
Un fabuleux édifice construit en 1845. De l’extérieur, c’est une explosion de couleurs, de pagodes dorées et de statues toutes plus impressionnantes les unes que les autres.

A l’intérieur, j’y découvrirais ma première statue géante de Buddah.
Couché, ce dernier s’étire sur 33 mètres. Il est supposé être le troisième plus grand dans le monde. En chaussette, car il faut laisser ses chaussures à l’entrée, je trouverais cette masse d’or assez touchante. Encore plus en croisant quelques personnes asiatiques pour qui ce lieu est hautement symbolique et spirituel. Cela se ressent dans leur gestes, leur retenue.

La grandeur de la statue est ironiquement renforcée par la présence d’une petite dame qui s’occupe du lieu.
Elle enchaîne les va-et-vient dans le lieu de culte et ses passages sont autant d’occasions de se rendre compte de la taille gigantesque du Buddah.

Dans le même registre, au croisement entre Burmah road et Larut road, je découvrirais Wesley Methodist Church.
Datant de 1891, il est toujours étrange de tomber sur une église sous ces latitudes, au milieu des palmiers. Cependant sa robe grise claire se marie assez bien avec son environnement.

Les amateurs de vieilles bâtisses se raviront aussi devant Beach Street Fire Station.
Cette caserne de pompiers, opérationnelle en 1909, possède une architecture mélangeant plusieurs influences de toute beauté.

George Town offre tellement de visages différents.
Sur le front de mer, quelques pêcheurs viennent taquiner le poisson comme n’importe où sur Terre. Au loin en arrière-plan, des porte-conteneurs glissent sur une mer vert bouteille, avant de se faire déshabiller par des grues dans le port tout proche.

En remontant cette côte, sur plusieurs kilomètres, je retombe sur le quartier moderne et occidentalisé où se trouve mon logement. Avec ses tours, ses centres commerciaux où la jeunesse dorée et la classe moyenne vient s’enorgueillir en dépensant son argent dans des boutiques de luxes européennes et autres Starbucks. Quelques sapins et décorations de noël sont même présents devant les entrées.

Le soir, en haut de ma tour, sur le palier de mon étage qui donne une vue plongeante vers le vide et sur la ville illuminée, une cigarette entre les lèvres, je me laisse plonger dans mon vague à l’âme. Dans cette nuit épaisse, je broie du noir suite à cette déception qui me reste toujours au travers de la gorge. Cette occasion manquée. Avec pour seul compagnon Be Wild de M83 dans les oreilles.

Ma sale obstination tenace me fera obtenir un rendez-vous pour prendre un café avec elle 2 jours avant mon départ.
Au bout de 2 minutes j’ai compris quelle fut mon erreur. Un océan séparait mes désirs et les siens. La bagatelle n’était plus dans ses plans. Nos jeux interdits, un souvenir passé. La magie était partie, mais il me fallait bien ce stérile rendez-vous pour move on comme disent les anglophones.

Il est temps de continuer ma route.

Je me verrais bien me rendre en Thaïlande, la frontière se situant à seulement 130 km plus au nord. Mais les provinces thaïlandaises qui bordent la frontière avec la Malaisie sont déconseillées aux touristes dû à des actions violentes et autres attentats d’une minorité sur place. Que ce soit en car ou en train, France Diplomatie vous décourage vivement de vous y rendre.

Sur les pages Facebook de backpacker, vous tomberez toujours sur quelques casse-cou qui vous assureront que c’est sans danger. J’ai quand même plus confiance en notre réseau de diplomatie française qu’en ces personnes. Malgré que la zone soit en rouge, j’imagine que la probabilité d’un incident majeur reste faible. Il faut tomber au mauvais endroit, au mauvais moment. Pour autant si vous tombez dans ce mauvais endroit, dans ce mauvais moment, vous risquez de le payer de votre vie. Donc je passerais mon tour !

Je ne vous cacherais pas que cela fait tout de même un drôle d’effet de ne pas pouvoir passer une frontière, un territoire, pour cause sécuritaire. Mais il fallait s’y attendre, en partant la fleur au fusil, dans un continent loin d’être aussi pacifié que le continent européen.

Je me trouvais assez embêté, car je ne souhaitais pas prendre d’avion pour rejoindre la Thaïlande. Et pour 2 raisons.
En premier, vous l’aurez deviné, car c’est plus onéreux que par la route. En second, sur une frontière terrestre, les douaniers sont bien moins regardant, en particulier au sujet des visas. En effet, ils sont réputés pour ne pas prêter attention au fait que vous ayez réservé un billet d’avion/de car retour pour prouver que vous allez bien quitter leur territoire. La hantise de tous les backpackers en Asie, car le plus souvent nous entrons dans un pays sans savoir du tout combien de temps on compte y rester !

Tout cela ne m’avançait pas beaucoup.
Le salut viendra d’une île : Langkawi.

Madame la professeur m’en avait touché mot, et bien lui en a pris car jamais je me serais intéressé à ce petit bout de terre, voir jamais je n’en aurais entendu parler !

Situé à une centaine de kilomètre de George Town, littéralement au bord de la frontière, c’est le dernier territoire malaisien avant la Thaïlande, et un ferry s’y rend depuis Penang. C’est une petite île aux allures paradisiaque, mais très touristique, où les malaisiens se rendent pour les vacances. Bon moi j’y vois surtout un moyen de pouvoir contourner la zone à risque thaïlandaise !

En effet, depuis Langkawi, je pourrais me rendre par bateau en Thaïlande en contournant cette zone rouge.
Je ne sais pas trop encore comment, avec quel bateau, quelle correspondance, mais qu’importe, on verra cela sur place !