Lundi 21 novembre 2016, réveil aux aurores pour ne pas rater mon bus pour Melaka.
Le départ est prévu pour 9h15, et je me hâte pour arriver au point de rendez-vous, Golden Mile Complex.

En sortant de la bouche de métro la plus proche, Nicoll Highway, j’aurais un mal fou à trouver ce maudit complexe.
Chargé comme une mule, je m’épuise très rapidement, à courir partout et à demander mon chemin. A la vue de bus qui longent une rue, je me dis que mon calvaire touche à sa fin.

Je retire mon billet que j’avais réservé en ligne avant mon départ de Bali.
J’avais choisi la compagnie 707 Inc, où la place ne coûtait que la modique somme de 18 $ singapourien.

Un trajet de 240 km m’attend.
Il peut s’effectuer en 3h, mais le passage de la frontière augmente drastiquement cette durée…

La Malaisie donc !

Un pays où je n’ai vraiment aucun imaginaire.
En prononçant ce nom, la seule et unique chose qui me vient à l’esprit est le tristement célèbre crash aérien inexpliqué, celui du vol 370 de la Malaysia Airlines.

Aucune image de ses villes, de sa campagne, de sa population.
Aucune idée de sa langue, de son histoire.

Je n’avais beau ne pas connaitre la Thaïlande ou le Vietnam, j’avais tout de même 2/3 choses qui venaient s’entrechoquer dans ma tête.

Mais là rien.
Le néant.
Le vide.

La raison de mon passage sur ce sol est que je me trouve à Singapour, et que ma prochaine destination est la Thaïlande.
La Malaisie se trouve simplement au milieu sur mon chemin…

Dans mon bus en direction de Melaka, c’est donc un flou total qui accapare mon esprit.
Je pensais n’y passer que quelques jours, en remontant vite vers le nord vers la frontière thaïlandaise. Il en fut bien autrement !

Arrivé à la frontière, tout le monde descend pour montrer patte blanche.
Le poste douanier singapourien a beau être grand, avec pas moins de 6 guichets, il est vite plein dû aux nombreux cars (une bonne dizaine) qui déposent leurs passagers. La foule est importante, l’attente, interminable…

Comme d’habitude, je choisi la file la plus lente, où j’en sortirais le dernier au bout d’une demie-heure, me faisant remonter les bretelles par une personne de mon bus, m’attendant à la sortie. Je ne lui répondrais qu’avec un regard noir. Cette personne que je pensais être le chauffeur n’est au final qu’un simple passager…

Quelques minutes plus tard, nous voici maintenant au poste frontière malaisien.
Tout de suite, on sent que l’on change de pays, et que le niveau de développement n’est pas le même.

Le bâtiment est beaucoup plus petit, ancien.
Les douaniers habillés en militaire vous prennent en charge de manière assez…flottante.

Bref, l’organisation me rappelle celle de Bali : approximative.
En 5 minutes, j’avais mon coup de tampon.

Une fois les tâches administratives effectuées, il ne me reste plus qu’à patienter plusieurs heures le temps d’arriver à destination. Notre bus fonce sur la voie rapide AH2, où, comme toute autoroute, il n’y a pas grand chose à y voir. La climatisation au maximum dans l’habitacle nous évite de devoir supporter la fournaise extérieur. Mais les rayons du soleil qui traversent les vitres suffisent pour vous plonger dans une certaine torpeur. Je m’assoupirais donc. Mon sac collé sur la poitrine.

Sur mon ticket de bus, il est noté que le lieu d’arrivé sera au Casa Del Rio Melaka Hotel.
Soit au coeur de la ville. Dans cette optique, j’avais réservé quelques jours plus tôt un airbnb à quelques pas de là. Sauf qu’évidemment le bus ne s’arrêtera pas du tout à cet endroit !

A la place, il s’arrêtera au Melaka Sentral Bus Terminal.
Soit à plusieurs kilomètres du centre-ville…

J’avais tout de même senti un peu le coup venir, et avais pris des informations sur cette gare routière la veille.
Un bus est censé relier le centre-ville, mais entre la fatigue, la chaleur, et surtout ce doux déboussolement dû à l’arrivée dans un nouveau pays, je n’arrive pas à le trouver.

Dans ce vaste hall, un panneau central indique des dizaines de destinations, dans un mélange entre anglais et malaysien.
Je suis perdu, ne sachant même pas à qui demander de l’aide. Surtout pas aux chauffeurs de taxi, qui viennent littéralement vous sauter dessus, en particulier évidemment les quelques occidentaux venus se perdre ici.

Je suis blasé, sans motivation, mais j’ai surtout une énorme faim.
Nous sommes déjà en début d’après-midi.

Je sors alors dehors, laissant les rabatteurs me parler dans le vide, à la recherche de nourriture.
Le grand soleil m’écrase littéralement. Le peu que je vois de la ville me rappel bien que la riche Singapour est loin. Les bâtiments font tristes, vieux et ternes.

Quelques mètres plus loin, je croise une enseigne familière, MacDonald.
WTF !

Je me sens sale de bouffer du burger en Asie du Sud-Est, la nourriture y étant si riche et variée.
Mais ayant une faim de loup et étant encore déboussolé par mon nouvel environnement, je cède et ouvre la porte de ce fast food.

Ce dernier est en fait relié à la gare routière des liaisons domestiques.
Soit, j’aurais donc pu ne pas sortir !

On peut dire que cette chaîne a du succès, le restaurant étant plein.
N’ayant pas encore de monnaie malaysienne (le ringgit), je prie pour que le caissier accepte un paiement par carte…ce qui sera possible, malgré un regard surpris de sa part.

10 ringgits pour un menu.
Ce montant me paraissait énorme en comparaison du niveau de vie local, et j’en venais à regretter amèrement d’avoir cédé pour manger ici. Un sou est un sou, et ces 3 derniers jours sur Singapour furent assez dépensiers, malgré le fait que je fut logé.

En utilisant un convertisseur sur mon Iphone, interloqué, je relie plusieurs fois le montant en euros pour être sûr de bien lire le résultat.

2 €
10 ringgits valent 2 €.
Un menu complet de chez MacDonald, burger boisson frites pour 2 malheureux euros !

Je n’en reviens pas.
Mais surtout cela me soulage, mon craquage n’ayant aucune incidence sur mon budget.

En utilisant le wifi du restaurant, je reprend quelques informations sur ce terminal où je me trouve, Melaka Sentral Bus, dans le but de rejoindre le centre-ville. Les infos que je pioche sont bien maigres…

Je pars ensuite retirer de l’argent dans un distributeur, avant de tenter une nouvelle fois de trouver ce satané bus.

Echec.

Vu le taux de change plus que favorable, je me résigne à prendre un taxi.
Même si je me fais entuber ça ne pourra pas être de beaucoup…

Devant la gare, je me dirige vers le premier taxi que je croise.
Un homme assez âgé m’accoste, proposant de me prendre. Son anglais est assez limité mais on arrive à se comprendre. C’est un vieux de la vieille, sans GPS, et il lui faudra donc l’aide d’un de ses collègues pour savoir où se situe l’adresse que je lui ai donné.

Nous embarquons dans son carrosse, un engin d’un autre temps, genre Peugeot 305.
Je n’ai d’autre choix que de lui faire confiance, car autant le dire, je suis complètement paumé au fur et à mesure des routes qu’il prend.

Pour autant il m’a l’air assez honnête et plutôt sympathique.
Un jeune papy gentil. Il me souhaitera un bon séjour en Malaisie, tout en exprimant sa joie de voir des touristes venir visiter son pays.

Sans réelle surprise après coup, je me rend compte qu’il m’a déposé à un endroit encore assez éloigné de ma chambre.
La chaleur est étouffante, le quartier ne m’inspire pas confiance.

Je sens la galère arriver.
J’utilise le peu de motivation qu’il me reste pour retrouver ma position.

Pour cela, je jongle entre une carte que j’ai pris en photo, googlemap et la boussole.
Je n’ai ni wifi ni 4G, googlemap fonctionne donc de manière très aléatoire et peux me lâcher à tout moment…

Tant bien que mal, je trouve mon chemin, et commence mon périple sous le soleil caniculaire de Melaka.
Comme redouté, mon court séjour sur Singapour a quelque peu effacé mon acclimatation aux pays infortunés acquise à Bali.

Je me sens de nouveau perdu dans cet environnement drastiquement différent du mien. N’ayant aucun repère, je me sens mal à l’aise et pas en sécurité. Sentiment renforcé par le fait que je sente le touriste à des kilomètres à la ronde avec mes 2 backpacks.

Pour autant je croise peu de locaux.
Nous sommes en début d’après-midi, tout le monde se réfugie à la fraîche.

A force de traverser des terrains vagues et autres routes désertées et désolées, je me rapproche de ma destination, à savoir la rue Jalan Kota Laksamana. Du moins il me semble. Je ne crie pas victoire trop vite.

C’est alors que je croise un malaisien en vélo, qui prenait la direction inverse de la mienne.
Il s’arrête devant moi et me regarde de haut en bas. Il me demande alors si je ne serais pas la personne qui a réservé une chambre chez lui.

Après quelques vérifications, il s’avère que j’ai bien en face de moi le propriétaire du logement où je me rend !
Vous y croyez vous ?

Il m’accompagnera donc chez lui, en me donnant un accueil des plus chaleureux.
Très amicale et serviable, j’ai un bon feeling avec cette personne.

Seulement 5 minutes de marche me séparait de l’adresse, je ne m’étais donc pas trop mal débrouillé !
Nous passons un portail et pénétrons dans une petite maison.

Elle est en fait occupée par la famille de mon hôte.
Je fais donc connaissance avec la maman et la petite soeur. Les 2 plutôt réservées. Le fait qu’elles ne parlent pas anglais n’aidant pas.

Au premier étage, plusieurs chambres sont présentes et sont réservées aux touristes de passage.
Etant le seul client aujourd’hui, mon hôte aura la gentillesse de me donner une chambre prévue pour 2 personnes, au lieu de celle d’une personne, plus exiguë, que j’avais réservé.

J’ai donc droit à un petit salon, un lit de 2 personnes ainsi qu’une salle de bain.
Royal !

Mon hôte me laisse alors.
Ce dernier devant se rendre à son travail.

Il tient un bar reggae au bord de la Malacca River.
Je peux enfin souffler un peu, et m’octroie une douche des plus appréciable, après ce périple où j’ai encore fini en nage de la tête aux pieds.

Je fais par la même occasion connaissance avec un système de douche très rependu en Asie du Sud-Est.
En effet, dans ces pays en voie de développement, les habitations raccordées à l’eau courante ne disposent que d’eau froide. Pour obtenir de l’eau chaude, un petit appareil est encastré sur le mur de la douche, et il faut l’enclencher pour obtenir un peu de chaleur.

Nous sommes en milieu d’après-midi, je me cale alors sur mon ordi, au calme, et m’informe sur les choses à voir à Melaka pour ma sortie de demain.

A la nuit tombée, le ventre commence à crier famine.
Il faut donc bien se résigner à sortir de sa cage.

Au coin de la rue, je trouve un espace de street foodJonker Street Hawker Centre.

Les tables, présentes en nombre sur la rue, sont déjà bien pleines. Mais je me sens mal à l’aise de devoir déambuler au milieu de tous ces locaux qui vous scrutent, et à faire mon choix entre tous les plats disponibles. L’ambiance a pourtant l’air relâché, et l’image globale, toujours assez iconique pour moi. A savoir trouver toutes ces personnes manger dehors, dans une nuit chaude et humide. Dans une faible lumière orange pétrole.

Je décide donc de continuer un peu mon chemin, et prend une direction est sur Jalan Laksamana.
De jour, mon nouvel environnement me paraissait déjà des plus miséreux. De nuit, c’est évidemment encore pire, et je me sens plus que jamais comme une proie.

Je croise finalement par hasard l’hôtel Casa Del Rio.

Celui-là même où j’étais censé débarquer.
Et qui effectivement ne se trouve qu’à quelques encablures de ma chambre…

Cet hôtel 5 étoiles, avec des chambres à plus de 100 €, signe ma rentrée dans le quartier historique.
Je traverse en effet dans la foulée la rivière Malacca et j’arrive sur Dutch Square, qui abrite l’église Christ Church Melaka.

Les monuments historiques sont présents en nombre dans ce petit périmètre, comme les restes du bastion Middleburg par exemple. Je contourne le square sur la droite, et je croise le musée maritime de la ville, qui expose une réplique grandeur nature d’un navire portugais du XVI siècle ! Je commence à comprendre pourquoi cette ville est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, ma curiosité est piquée au vif.

En continuant un peu mon chemin, je croise Pahlawan Walk Market.
Je me laisse tenter par une visite de ce marché couvert où il n’y a pas foule à cette heure tardive.

Beaucoup de souvenirs et de bibelots.
Mais j’arriverais à trouver ce que j’étais venu chercher : des stands de restauration !

Sur une table, où la chaleur ambiante est combattue vainement par une armée de ventilateurs assourdissants, je fais connaissance avec la cuisine malaisienne.

Le début d’une grande histoire d’amour.