Cette arrivée chez Leo fut donc assez mouvementée !
Mais c’est déjà loin. Le Friendly Village est une grande résidence constituée de mobile-homes. De la taille d’une maison, et super équipés bien entendu.

Tous les mobile-homes possèdent un grand jardin, des places de parking, son golden retriever… Comme un genre de suburb miniature en fin de compte. Les résidents, sans être milliardaires, sont pour autant très aisés. Comme tous les habitants d’Anaheim. Comme tout Orange County, je ne vous apprends rien.

Leo gare sa BMW intérieur cuir sur son emplacement, et nous nous dirigeons vers son mobile-home.
J’y fais la connaissance de ses colocataires. Sidh, son meilleur pote indien rencontré à l’université. Ce dernier n’est venu aux US que pour faire ses études et monter un business par la suite. Il a donc un vrai accent indien lorsqu’il parle, identique à celui de Rajesh dans Big Bang Theory, ce qui me met le sourire dès que je l’entends !

L’autre coloc, Nathaniel, je le croise dans le salon, en mode torse nue et short, détendu du gland. Laissant ainsi apercevoir sans difficulté son tatouage qui court le long de ses pectoraux. C’est un saltimbanque, qui travaille sans relâche son jeu de jonglage et son équilibre sur des échasses.

Le salon est une immense pièce à vivre d’au moins 40m2, partagée entre une partie salle et l’autre cuisine.
Trois chambres se trouvent au bout d’un couloir. De mon côté j’aurais le spacieux canapé pour moi seul ! Je n’ai pas eu le luxe de disposer d’une chambre seul depuis bien longtemps, et je le savoure à sa juste valeur. Et savoir que ce sera le cas durant encore de nombreux jours me plonge dans un sentiment de confort très agréable. Le plaisir de pouvoir retrouver un peu d’intimité peut être, tout simplement.

Sidh se montra assez intrigué au départ de ma présence, mais après plusieurs discussions ensemble il se rendit vite compte que j’étais un bon gars, et que je n’allais pas tenter de les égorger durant la nuit ! Les deux potes d’université partent en virée le soir de mon arrivée, mais je préfère décliner l’offre, mes batteries étant assez à plat.

Anaheim, Orange County.
Par où commencer ?

Des journées très chaudes et ensoleillées.
Des journées qui commencent très tard, et qui parfois ne commencent même pas du tout…

Farniente, délires, et une occasion unique de pouvoir vivre aux côtés d’américains.
Niveau urbanisme, ça ne fait pas dans le détail. Orange County est traversé par un nombre incroyable d’autoroutes. Pas de routes nationales ou départementales ici. Que de la 6×6 voies. 
Le plus dingue c’est que même lorsque l’on sort d’une voie rapide pour rentrer dans un quartier, on reste toujours sur une route à 6 voies !

J’ai essayé de parcourir un peu les environs à pied, mais c’est juste impossible car ce n’est pas du tout pensé pour. Les trottoirs sont petits, parfois inexistants. De toute façon il n’y a rien à voir à « pas d’homme ». Pas de centre-ville, que des bâtiments très espacés, mais qui prennent souvent beaucoup de place, car chaque bureau ou magasin dispose d’un grand terrain et / ou d’un grand parking. Là encore le terme food desert peut convenir, car il est bien plus simple de tomber sur un fast food que sur un store.

L’urbanisation de la région est récente et le parti pris fut de mettre la voiture à la base du système. Et c’est tellement ancré dans la vie des habitants ! Les drive-thru sont présents en nombre, et même dans des domaines improbables. Ainsi je suis resté sur le cul lorsqu’un jour Leo traversa un drive-thru pour…retirer de l’argent. C’est déjà assez effarant en soi de ne même pas sortir de son véhicule pour se rendre à un distributeur, mais en plus au niveau du symbole c’est tellement fort.

Bref, niveau style de vie, je prends une claque !
Leo est un chic type, mais il a un poil dans la main certain. Il est très compétent en management et marketing, mais tout comme Sidh, il n’est pas encore totalement sorti de l’adolescence. Empoté dès qu’il faut se faire à manger, et pour la vaisselle, n’en parlons pas ! Il fait ses heures de boulot, et les premiers jours furent assez en mode vacance, où nous n’avons pas avancé d’un poil le projet vidéo.

Longues soirées, longues grasses matinées. Passé midi, on ne sort pas les premières heures de l’après-midi car la chaleur est assez insoutenable. Et en fin d’après-midi il faut vite rentrer avant d’être pris dans le traffic jam de LA. Il est amusant de remarquer à quel point cette dernière contrainte est intériorisée par les habitants. C’est un concept assimilé, comme la nuit qui suit le jour. On s’y adapte.

Quelques jours plus tard, je laisse Leo m’emmener sur la meilleure plage du coin, according to him.
Ce sera Huntington Beach ! Ou communément appelée aussi « Surf City », car elle est un des berceaux de ce sport.

La longue jetée avec ses poteaux interminables, les petites cabanes des sauveteurs, le ciel bleu, la mer, le sable fin, les surfeurs, les jolies filles, les palmiers…la Californie quoi !

Difficile d’être déçu, l’image idyllique que l’on s’en fait n’est pas trop biaisée.
Un immense spot pour se la couler douce. Le royaume des sports de glisse, aussi bien sur la plage que sur le centre-ville adjacent, où l’on ne compte plus les magasins de skate et de surf.

Huntington Beach, c’est 14 km de plage, et le plus long pier de la côte ouest.
Mais c’est surtout une plage qui est resté bon esprit, relax, à la différence de Newport Beach où là on s’y rend plus pour se faire voir.

Les jours passent, et je trouve de plus en plus ma place dans cette grande coloc.
Nathaniel travail en ce moment à Disneyland, et un de ses collègues, Benjamin, squatte aussi pas mal l’appart car très proche du parc, donc plus pratique pour lui. On se partage donc souvent le salon ! De plus Leo entretien une relation « je t’aime moi non plus c’est compliqué » avec une amie, qui est aussi donc souvent présente dans l’appart. Ca c’est pour le premier cercle, mais d’autres têtes feront aussi leur apparition de temps en temps.

J’ai très vite crée des affinités avec Leo et Sidh.
Ils ne sont pas meilleurs amis pour rien, et leurs délires sont très communicatifs. Donc du jour où le frenchie a commencé à parler leur langage, j’ai été très vite adopté !

Leur mot clé était « dirty dawg », ou mieux encore « you’re a dirty dawg ! », dès que quelqu’un avait fait une crasse ou une blague salace. Je sentais bien que ça ressemblait à un « le dégueulasse ! », mais j’ai préféré laisser plusieurs jours avant de l’utiliser, histoire d’être sûr de la signification.

Les seuls mots qu’ils veulent apprendre en français sont des grossièretés, et ils se marrent à les apprendre, durant que moi je me marre en les voyant les utiliser avec n’importe qui en public. C’était donc délire sur délire, où je mettais mon cerveau en mode régression. Une douce régression. Pour les discussions plus deep, mon Benjamin était toujours là pour une cigarette sur la véranda, au calme sur les sofas extérieurs. Je suis dépendant de Leo pour bouger, mais à part ça je suis quand même super bien tombé.

L’élitisme d’Orange County est encore plus palpable dans ses immenses malls opulents.
Leo m’emmena dans un d’entre eux, l’Irvine Spectrum Center, au sud-est du comté. Le lieu est immense, et fait plus penser à un parc d’attraction qu’à un mall. En effet la déco est hyper travaillée, dans ce style « florence » qu’ils apprécient tant ici.

Des fontaines, des arches, une grande roue, des rues aussi clean qu’à Disney.
Voici où les riches vont faire du shopping. Voici le rêve américain.

L’American Dream, le père de Leo l’a connu.
Ce dernier m’emmène enfin à l’atelier de son entreprise.

Elle se trouve à 15 minutes en voiture de l’appart, mais il faut quand même passer par une autoroute, avant de s’arrêter dans un quartier résidentiel tranquille. A l’intérieur, il y a une partie bureau et une partie atelier, où les quelques employés s’activent.

Le père de Leo a quitté le Mexique pour vivre de petits boulots dans le bâtiment, et en particulier sur la soudure des joints de sol (heat welding tools ?). Pour faciliter son travail, il se fabriqua des outils plus adaptés, diablement efficaces. A tel point qu’au bout d’un certain temps, un investisseur s’est trouvé intéressé par ses outils. Le patriarche lança donc sa boîte, et rencontra un grand succès dans son secteur d’activité très précis. Aujourd’hui avec quelques employés, il continue à développer et mettre au point des outils toujours plus performants. Une belle success story, qui lui a permis d’envoyer son fils Leo à l’université.

Son père est un petit bonhomme super simple.
La cinquantaine, le visage et les mains qui trahissent une vie de labeur, mais des yeux toujours perçants et un cerveau qui bouillonne toujours autant d’idées. On s’entend plutôt bien, et Leo me fait remarquer par la suite que j’ai de la chance, car ce n’est pas souvent le cas avec des inconnus !

Son accent très chaud et chantant trahie que sa langue maternelle n’est autre que l’espagnol.
D’ailleurs ici, tous les employés sont hispaniques, et on ne parle ainsi qu’espagnol dans l’atelier. Ce qui est assez troublant, mais qui illustre parfaitement tous les articles que l’on peut lire sur la monté de la communauté mexicaine aux Etats-Unis. En particulier en Californie, et en encore plus particulier à Los Angeles.

Cela ne rendait nos tournages que plus épiques !
En effet j’étais derrière la caméra, et je filmais un employé qui utilisait les outils. Mais ce dernier n’était pas du tout à l’aise avec l’anglais, donc du coup on devait passer par Leo pour qu’il tienne le rôle d’intermédiaire. Ce dernier étant totalement bilingue.

Mais ce qui est amusant, pour la petite histoire, c’est qu’enfant il ne parlait qu’espagnol à la maison. Il n’a appris l’anglais qu’à l’école. Le voir switcher entre ces deux langues est assez déconcertant. L’anglais est aujourd’hui sa langue maternelle, les mots lui viennent en premier dans cette langue. En l’entendant lui et son père communiquer en espagnol, je me dis qu’il est vraiment temps pour moi d’apprendre cette langue. Elle est si proche du français mais je ne comprends tellement pas grand-chose au final ! Ca en est frustrant.

Nos journées commençaient à s’organiser un peu.
Début d’après-midi à l’atelier pour une séance de tournage d’une heure ou deux. Puis ensuite en mode touriste où Leo m’emmène voir un truc dans le coin.

Bien souvent après une séance de travail, on se remplie le ventre à ses meilleures adresses.
Dont deux restaurants « all you can eat », un japonais l’autre coréen, où la bouffe y est super bonne, et où je m’explose littéralement le bide. Après des semaines de limitations, c’est comme se baigner dans un océan après 10 ans sans baignade. On se prend des énormes menu pour deux personnes, à ses frais, je me sens ainsi un peu comme si j’avais un mécène avec moi.

Pour faire un point nourriture, c’est encore un domaine où je peux voir le fossé avec l’Europe.
A la maison c’est fast food sur fast food, avec burgers, burritos, bouffe thaï, whatever. C’est un roulement entre bouffe mexicaine, américaine, indienne, chinoise, japonaise, etc… Seul le petit déjeuner est fait maison, et encore, il faut que Nathaniel ou moi soyons motivés pour le faire !

Un soir, je fais la connaissance de Juan, un ami d’enfance de Leo.
Un mexicanos de plus !

Sous ce toit, américains, mexicains, indiens, français.
C’est aussi ça l’Amérique.

Le lendemain, Juan se joint à nous pour se rendre à l’OC Fair.
Il s’agit de la grande foire annuelle, qui se déroule à Costa Mesa, juste au-dessus de Newport Beach. Ca sera l’occasion d’y croiser Nathaniel, qui y fait un spectacle.

Une foire aux US, j’avais hâte de voir ça !
Première curiosité, nous devons payer une dizaine de dollars pour pouvoir rentrer. A l’intérieur, les manèges sont aussi payants, mais pour une somme modique de quelques dollars chacun.

Il y a une foule monstre, et avec ce soleil lourd qui nous tombe dessus je me sens un peu comme une pauvre merguez.
En parlant de bouffe, autant vous signaler que l’on ne risque pas de mourir de faim ici. Les stands de bouffe sont partout, et en taille XXL. Je tombe sur des barbecues géants de 10 mètres de large, remplis de volailles qui cuisent sur le feu. Quasiment tous les dix mètres je croise ce genre de bbq, et ça en devient limite écœurant de voir autant de viandes, cuites de manière à perdre le moins d’espace possible, en mode fordisme assumé.

Les burgers et les hot dogs sont évidemment présents en nombre.
On trouve quand même des trucs que l’on ne trouve pas chez nous. Comme des « curly fries », des frittes courbées qu’ils tassent pour former un petit cube. Mais cela n’est rien comparé au « chocolate covered bacon ». Ai-je besoin de faire la traduction ? Finesse de la culture américaine, quand tu nous tiens !

J’ai aussi bien ri au niveau de la consommation d’alcool.
En effet pour pouvoir en acheter, il faut obtenir un bracelet, que l’on vous délivre sur un stand où l’on vérifie votre âge. Sans bracelet, impossible d’acheter des bières. Le concept m’éclate, car du coup tu t’affiches bien ! Ouiii, regardez-moi, j’ai un bracelet, je bois, je ne suis qu’un sale alcolo !

De manière plus générale, la foire allie toujours tradition et modernité.
Les manèges à sensations sont bien présents. Pour autant vous trouverez toujours des stands plus classiques, comme devoir lancer un cerceau et atteindre une bouteille en verre Coca-Cola, ainsi qu’une ambiance country avec des hangars où se trouvent des animaux de la ferme, ce qui m’a rappelé fortement le VIEX, la foire de Nanaimo à Vancouver Island. De même pour les concours de photos et de cuisine, qui soulignent bien l’importance de la communauté en Amérique du Nord.

Nous croisons enfin Nathaniel et sa troupe.
Ils parcourent les rues de la foire en assurant un spectacle haut en couleur. Sur des échasses, affublés d’une longue tête de dragon. Les échasses, une fois que l’on a pris le coup ça va. Par contre Nathaniel m’apprendra que les premières séances de répétitions pour ce show furent horribles car l’architecture du dragon est super lourde, il n’arrivait même pas à bouger !

Nous prévoyons de faire un barbecue tous ensemble le soir venu.
Avant de rentrer à la maison, nous faisons un stop dans un supermarché qui borde une petite route. A l’intérieur, c’est mexican land. Vous ne trouverez pas un produit américain, tout est importé du Mexique. De l’espagnol sur toutes les étiquettes. Ne cherchez pas à parler anglais aux employés ou aux clients, ce sont tous (logiquement) des hispaniques. Le coup de grâce fut de voir des piñatas près des caisses. Il manque juste de pouvoir payer en peso.

Je ne sais que penser de ce communautarisme acharné.
Un côté pacificateur certes, mais contrebalancé en un repli sur soi évident.

La seule chose dont je suis sûr c’est que la viande mexicaine en bbq c’est excellent !
La soirée fut encore longue à Anaheim, avec ses nombreuses private jokes, que je peux maintenant balancer moi-même.

Un bbq, une terrasse, des bons potes.
La (belle) vie quoi !